N° P.21.0446.F
I. DUFERCO, société anonyme de droit suisse,
inculpée,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Michel Forges, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Uccle, drève des Renards, 6/3, où il est fait élection de domicile,
contre
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre de la Justice et garde des sceaux,
partie civile,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Moma Kazimbwa Kalumba, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Woluwe-Saint-Pierre, avenue Crokaert, 29, où il est fait élection de domicile,
II. RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, mieux qualifiée ci-dessus,
partie civile,
demanderesse en cassation,
contre
K. L., G., M.,
inculpé,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés respectivement contre les arrêts rendus le 4 mars 2021 sous les numéros 1032 et 1033 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Chacune des demanderesses invoque un moyen dans un mémoire distinct annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de la société anonyme Duferco contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles rendu le 4 mars 2021 sous le numéro 1032 :
L’arrêt attaqué déclare non fondé l’appel de la demanderesse, inculpée, contre l’ordonnance de renvoi.
L’arrêt n’est donc pas définitif puisqu’il n’épuise pas la juridiction du juge quant à l’action publique.
En soutenant, devant la chambre des mises en accusation, que les infractions mises à sa charge ne présentent aucun lien de rattachement avec le territoire du Royaume en manière telle qu’elles échappent au pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges, la demanderesse n’a pas soulevé, même si elle l’a baptisée comme telle, une contestation de compétence au sens de l’article 420, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle.
Il s’ensuit que, préparatoire et d’instruction, et étranger aux cas visés par ledit alinéa 2, l’arrêt n’est pas sujet à pourvoi immédiat.
Le pourvoi est dès lors irrecevable.
La demanderesse postule que la Cour constitutionnelle soit interrogée quant à la discrimination qui résulterait du fait que le pourvoi immédiat est ouvert contre l’arrêt statuant sur la contestation par laquelle il est allégué qu’un juge a méconnu les attributions d’un autre juge, alors qu’il n’est pas ouvert contre l’arrêt statuant sur une exception d’irrecevabilité de l’action publique déduite du principe de la territorialité du droit pénal national.
Les termes de la comparaison posés par la demanderesse ne concernent pas des personnes traitées différemment alors que leur situation juridique est identique ou similaire, ni des personnes soumises au même traitement alors qu’elles sont placées dans des situations différentes. Les termes de la comparaison proposée visent des personnes dont le recours est traité différemment parce qu’il a un objet différent.
Etrangère au principe d’égalité et de non-discrimination au nom duquel elle est libellée, la question n’est pas préjudicielle au sens de l’article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et, partant, ne doit pas être posée.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le moyen, dès lors qu’il est invoqué au soutien d’un pourvoi irrecevable.
B. Sur le pourvoi de la République démocratique du Congo contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles rendu le 4 mars 2021 sous le numéro 1033 :
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt dit l’appel de la demanderesse irrecevable au motif que la chambre du conseil a rendu deux ordonnances le même jour et que la déclaration d’appel ne précise pas laquelle des deux est visée par le recours.
Le moyen fait grief à l’arrêt de violer l’article 774, alinéa 2, du Code judiciaire et de méconnaître le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense en rejetant le recours sur une exception soulevée d’office, sans que l’appelant ait été invité au préalable à s’en expliquer.
Dans la mesure où il est pris de la violation de l’article 774, alinéa 2, précité, qui n’est pas applicable en matière répressive, le moyen manque en droit.
Il ressort des conclusions prises par la demanderesse devant les juges du fond que son appel concernait l’ordonnance homologuant la transaction proposée au défendeur.
Outre le motif critiqué par le moyen, l’arrêt dit également que dans la mesure où l’appel vise cette ordonnance, il y a lieu de relever qu’aucune disposition légale ne prévoit une telle voie de recours en faveur de la victime de l’infraction.
L’irrecevabilité décrétée par la cour d’appel prend donc ainsi appui sur un motif que le moyen ne critique pas et qui justifie légalement la décision.
Il en résulte qu’en cette branche et dans cette mesure, le moyen, dénué d’intérêt, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
La demanderesse a déposé des conclusions soutenant que la transaction proposée au défendeur n’est pas légale et ne peut pas être homologuée parce que, victime d’un dommage, elle n’a cependant jamais été associée aux négociations ni informée de leur aboutissement.
Mais en relevant que la loi ne prévoit pas que la victime de l’infraction puisse relever appel de l’ordonnance homologuant la transaction proposée à son auteur, la chambre des mises en accusation a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacune des demanderesses aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de six cent quarante-six euros dix-huit centimes dont I) sur le pourvoi de la société anonyme Duferco : soixante-deux euros nonante-deux centimes dus et trois cent vingt-cinq euros cinquante et un centimes payés par cette demanderesse et II) sur le pourvoi de la République démocratique du Congo : soixante-neuf euros soixante-trois centimes dus et cent quatre-vingt-huit euros douze centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.