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15/09/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1045.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 septembre 2021, P.20.1045.F


N° P.20.1045.F
I. INOVA, société de droit français, dont le siège est établi à Paris (France), rue de Penthièvre, 3,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers,
II. ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE TRAITEMENT DES DECHETS LIEGEOIS, en abrégé Intradel, société coopérative intercommunale à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Herstal, rue Pré Wigi, 20,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Elisabeth Kiehl, avocat au barreau de Liège,

contre
INOVA, mieux qualifiée ci-dessus,
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE...

N° P.20.1045.F
I. INOVA, société de droit français, dont le siège est établi à Paris (France), rue de Penthièvre, 3,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers,
II. ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE TRAITEMENT DES DECHETS LIEGEOIS, en abrégé Intradel, société coopérative intercommunale à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Herstal, rue Pré Wigi, 20,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Elisabeth Kiehl, avocat au barreau de Liège,
contre
INOVA, mieux qualifiée ci-dessus,
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 21 septembre 2020 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d’un arrêt de la Cour du 11 décembre 2019.
La société Inova invoque un moyen et la société Intradel en invoque trois, chacune dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 8 juin 2021, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 30 juin 2021, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
La première demanderesse a déposé le 25 août 2021, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de la société Inova :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal. Il reproche à l’arrêt de refuser d’attribuer à la seconde demanderesse, partie civile, le montant de 5.965.200,90 EUR dont la confiscation est ordonnée à charge de la demanderesse parce qu’il constitue l’équivalent des avantages patrimoniaux tirés directement des infractions d’escroquerie, de faux et d’usage de ces faux, commises au préjudice de la seconde demanderesse, et qui n’ont pu être retrouvés dans le patrimoine de la condamnée. Selon la demanderesse, pareille attribution à la partie civile des montants confisqués est obligatoire, lorsque ces sommes constituent l’équivalent des avantages patrimoniaux issus des infractions qui ont causé grief à cette victime.
En application de l’article 43bis, alinéa 1er, du Code pénal, le juge pourra prononcer la confiscation spéciale des avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, à condition que cette peine ait été requise par écrit par le procureur du Roi.
Conformément à l’article 43bis, alinéas 2 et 3, du même code, si ces avantages patrimoniaux ne peuvent être trouvés dans le patrimoine du condamné, le juge procédera à leur évaluation monétaire et la confiscation portera sur une somme d'argent qui leur sera équivalente. Lorsque ces choses confisquées appartiennent à la partie civile, elles lui seront restituées ; elles lui seront de même attribuées lorsque le juge en aura prononcé la confiscation parce qu'elles constituent l'équivalent de telles choses.
Contrairement à la restitution, mesure civile ayant un effet réel, que le juge est tenu d’ordonner en cas de condamnation, la confiscation avec attribution des choses confisquées est une peine qui confère à la partie civile à laquelle ces choses sont attribuées un droit d’action tendant à leur remise de la part du fonctionnaire compétent du service public fédéral Finances, lequel exécute cette sanction pécuniaire, en vertu de l’article 197bis du Code d’instruction criminelle. Sans préjudice de l’interdiction, conformément à l’article 43bis, dernier alinéa, du Code pénal, de soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde, le juge peut, mais ne doit pas, ordonner l’attribution des choses concernées.
Le moyen manque en droit.

Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de la société Intradel :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Pris de la violation des articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal, le moyen reproche à l’arrêt de refuser d’attribuer à la demanderesse le montant de 5.965.200,90 EUR dont la confiscation est ordonnée à charge de la première demanderesse. Selon la demanderesse, les juges d’appel ne pouvaient pas justifier leur décision de refuser cette attribution au motif qu’un concours serait susceptible de naître entre l’Etat, bénéficiaire de la confiscation, et la partie civile à laquelle est accordée l’indemnisation de son préjudice correspondant notamment au montant confisqué : selon le moyen, d’une part, ce concours est hypothétique et, d’autre part, le refus de l’attribution empêcherait la demanderesse de recouvrer les sommes qui lui sont dues et ferait ainsi échec à la volonté du législateur de faire échapper audit concours les choses confisquées et attribuées à la partie civile, en réparation de son dommage.
Conformément aux anciens articles 7 et 8 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.
Il s’ensuit que tous les biens du débiteur répondent de ses dettes, y compris ceux qu'il viendrait à acquérir ultérieurement, et à cet égard, tous les créanciers se trouvent sur pied d'égalité, sauf cause de préférence établie par la loi.
Aucune disposition légale n’institue, sur les sommes confisquées par équivalent dans le patrimoine du condamné, un privilège justifiant leur attribution par préférence à la victime de l’infraction.
Le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche et au surplus de la première branche :
Le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir déduit de leurs constatations des conséquences sans lien avec elles et d’avoir méconnu l’article 43bis, alinéa 3, du Code pénal. Il leur fait grief d’avoir refusé l’attribution à la demanderesse des sommes confisquées, alors que le constat que ces avoirs étaient l’équivalent des avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction déclarée établie au préjudice de la partie civile impliquait l’obligation, pour le juge, de les attribuer à celle-ci.
Reposant entièrement sur l’allégation que l’attribution à la partie civile des choses confisquées par équivalent est obligatoire en pareilles circonstances, le moyen, pour les motifs énoncés en réponse au moyen, en substance identique, de la première demanderesse, manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Pris de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir, pour justifier leur décision de ne pas attribuer à la demanderesse les sommes confisquées par équivalent, eu égard à un fait d’expérience personnelle, étant la possibilité d’un concours entre la demanderesse et l’État.
La survenance d’un concours entre la demanderesse et l’État, chacun créancier de la première demanderesse, est une circonstance qui découle de l’effet de la loi, en l’espèce de l’application des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Par aucune considération les juges d’appel n’ont justifié le refus d’attribuer à la demanderesse, partie civile, les sommes confisquées par équivalent à charge de la première demanderesse par la circonstance que la première aurait été la victime des faits commis par la seconde.
La contradiction alléguée n’existant pas, le moyen manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacune des demanderesses aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente-cinq euros quatre-vingt-cinq centimes dont I) sur le pourvoi de la société Inova : soixante-sept euros quatre-vingt-sept centimes dus et II) sur le pourvoi de la société Intradel : soixante-sept euros nonante-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1045.F
Date de la décision : 15/09/2021
Type d'affaire : Autres - Droit pénal - Droit civil

Analyses

La partie civile peut se pourvoir contre la décision de la cour d’appel rejetant sa demande de lui voir attribuer les sommes confisquées par équivalent au prévenu; elle n’est pas tenue de signifier ce pourvoi au prévenu ni de lui communiquer son mémoire (1). (solution implicite). (1) Voir les concl. du MP.

POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Personnes ayant qualité pour se pourvoir ou contre lesquelles on peut ou on doit se pourvoir - Action civile - Partie civile - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Formes - Généralités - PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation [notice1]

Contrairement à la restitution, mesure civile ayant un effet réel, que le juge est tenu d’ordonner en cas de condamnation, la confiscation avec attribution des choses confisquées est une peine qui confère à la partie civile à laquelle ces choses sont attribuées un droit d’action tendant à leur remise de la part du fonctionnaire compétent du service public fédéral Finances, lequel exécute cette sanction pécuniaire, en vertu de l’article 197bis du Code d’instruction criminelle; sans préjudice de l’interdiction, conformément à l’article 43bis, dernier alinéa, du Code pénal, de soumettre le condamné à une peine déraisonnablement lourde, le juge peut, mais ne doit pas, ordonner l’attribution des choses concernées (1). (1) Voir les concl. du MP ; Cass. 10 juin 2014, RG P.14.0280.N, Pas. 2014, n° 412.

PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation - ACTION CIVILE [notice4]

Des anciens articles 7 et 8 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 (1), il suit que tous les biens du débiteur répondent de ses dettes, y compris ceux qu'il viendrait à acquérir ultérieurement, et à cet égard, tous les créanciers se trouvent sur pied d'égalité, sauf cause de préférence établie par la loi; aucune disposition légale n’institue, sur les sommes confisquées par équivalent dans le patrimoine du condamné, un privilège justifiant leur attribution par préférence à la victime de l’infraction (2). (1) L. hypothécaire du 16 décembre 1851, anc. C. civ., L. III, T. XVIII, art. 7 et 8, abrogés par la loi du 4 février 2020 portant le livre 3 " Les biens " du Code civil, art. 29,4°, en vigueur le 1er septembre 2021. (2) Voir les concl. du MP.

PRIVILEGES ET HYPOTHEQUES - GENERALITES - ACTION CIVILE - PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation [notice6]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 427, al. 1er, et 429, al. 4 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 42, 3°, et 43bis - 01 / No pub 1867060850

[notice4]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 42, 3°, et 43bis - 01 / No pub 1867060850 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 197bis - 30 / No pub 1808111701

[notice6]

Code civil - Livre III - Titre XVIII: Des privilèges et hypothèquesL. Loi hypothécaire - 16-12-1851 - Art. 7 et 8 - 01 / No pub 1851121650


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-09-15;p.20.1045.f ?

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