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04/06/2021 | BELGIQUE | N°F.20.0098.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 juin 2021, F.20.0098.N


N° F.20.0098.N
P+M EIFELER FLEISCHVERTRIEB, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
RÉGION WALLONNE, représentée par le ministre-président, poursuites et diligence du ministre wallon du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d’appel de Liège dans la cause inscrite au rôle général de cette juridiction sous le numéro 2020/2741.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L’avoc

at général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en ca...

N° F.20.0098.N
P+M EIFELER FLEISCHVERTRIEB, s.a.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
RÉGION WALLONNE, représentée par le ministre-président, poursuites et diligence du ministre wallon du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d’appel de Liège dans la cause inscrite au rôle général de cette juridiction sous le numéro 2020/2741.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L’avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
1. En vertu de l’article 40, alinéa 2, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, tel qu’il s’applique au litige, la taxe éludée est portée au triple si elle dépasse le dixième de la taxe primitive. La taxe établie d’office est payable immédiatement.
Le triplement de la taxe éludée revêt un caractère préventif mais surtout répressif et, dans la mesure où il prévoit, en sus de la taxe, une sanction équivalant à 200 p.c. de la taxe éludée, il constitue une sanction administrative de nature pénale au sens de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2. Suivant l’article 2, alinéa 3, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, tel qu’il s’applique à la Région wallonne, les infractions aux dispositions de ce code et aux arrêtés pris pour son exécution sont punies des mêmes peines que celles qui sont prévues par les articles 445, 449 à 453 et 455 à 459 du Code des impôts sur les revenus 1992, en tenant compte des conditions prévues par ces articles, sauf dans la mesure où ceux-ci font référence à des dispositions qui ne sont pas applicables à la matière des taxes assimilées aux impôts sur les revenus.
L’article 445, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans la version applicable avant sa modification par la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses, prévoit que le fonctionnaire délégué par le directeur régional peut appliquer une amende de 50 euros à 1.250 euros pour toute infraction aux dispositions de ce code, ainsi que des arrêtés pris pour leur exécution.
Il s’ensuit que l’article 445, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 – et la faculté qu’il accorde à l’administration d’imposer une amende administrative de 50 à 1.250 euros – s’applique également en cas d’infraction aux dispositions du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus.
L’amende fiscale prévue par l’article 445, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 revêt un caractère préventif mais surtout répressif et constitue, en conséquence, une sanction administrative de nature pénale au sens de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
3. Le juge appelé à contrôler une sanction à caractère répressif au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est autorisé à examiner la légalité de cette sanction et peut, plus spécialement, vérifier si elle est conciliable avec les exigences impératives des traités internationaux et du droit interne, y compris les principes généraux du droit.
Ce droit de contrôle permet plus particulièrement au juge d’examiner, en prenant en considération l’ensemble des circonstances de la cause, si la sanction n’est pas disproportionnée à l’infraction, de sorte qu’il peut examiner si l’administration pouvait raisonnablement infliger une sanction de cette importance.
Lors de cette appréciation, le juge peut avoir plus spécialement égard à la gravité de l’infraction, au taux des sanctions déjà infligées, à la manière dont il a été statué dans des causes similaires et aux effets de la sanction sur la personne concernée, mais doit tenir compte de la mesure dans laquelle l’administration était elle-même liée par la sanction.
4. Ce droit de contrôle n’implique pas que, sur la base d’une appréciation subjective de ce qu’il juge raisonnable, le juge puisse remettre, réduire, ou encore confirmer des amendes pour de simples motifs d’opportunité ou à l’encontre des règles légales.
5. L’arrêt considère que, dans la mesure où le dossier fiscal révèle que la demanderesse a bénéficié de conseils en matière de droit fiscal de la part d’un avocat, l’appréciation de l’administration selon laquelle la législation devait être claire pour la demanderesse au moment de la conclusion du contrat de leasing est correcte. Ce faisant, l’arrêt ne considère pas qu’il n’est pas admis, en tant que contribuable, de se faire assister par un expert fiscal, mais donne à connaître que la demanderesse a enfreint la législation fiscale en connaissance de cause. Sur la base de cette considération, il peut légalement décider que le triplement de la taxe et l’application de l’amende maximale sont des sanctions légales et proportionnées.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du quatre juin deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général
Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Michel Lemal et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.20.0098.N
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit international public

Analyses

L'amende fiscale prévue par l'article 445, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 revêt un caractère préventif mais surtout répressif et constitue, en conséquence, une sanction administrative de nature pénale au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1). (1) La Cour a rendu le même jour un arrêt dans six causes analogues : RG C.20.0052.N, RG F.20.0037.N, RG F.20.0113.N, RG C.19.0490.N, RG C.19.0492.N, RG F.20.0039.N.

IMPOTS SUR LES REVENUS - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Sanctions. Accroissement d'impôt. Amendes administratives. Peines - Amende administrative visée à l'article 445 du Code des impôts sur les revenus 1992 - Nature pénale [notice1]

Le triplement de la taxe éludée prévu à l'article 40, alinéa 2, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus revêt un caractère préventif mais surtout répressif et, dans la mesure où il prévoit, en sus de la taxe, une sanction équivalant à 200 p.c. de la taxe éludée, il constitue une sanction administrative de nature pénale au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1). (1) La Cour a rendu le même jour un arrêt dans six causes analogues : RG C.20.0052.N, RG F.20.0037.N, RG F.20.0113.N, RG C.19.0490.N, RG C.19.0492.N, RG F.20.0039.N.

TAXES ASSIMILEES AUX IMPOTS SUR LES REVENUS - Sanctions - Triplement de la taxe éludée - Codes des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, article 40, alinéa 2 - Nature pénale [notice2]

Sur le fondement que le contribuable a enfreint la législation fiscale en connaissance de cause, le juge peut légalement décider que le triplement de la taxe et l'application de l'amende maximale sont des sanctions légales et proportionnées (1). (1) La Cour a rendu le même jour un arrêt dans six causes analogues : RG C.20.0052.N, RG F.20.0037.N, RG F.20.0113.N, RG C.19.0490.N, RG C.19.0492.N, RG F.20.0039.N.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Amende administrative - Nature pénale - Proportionnalité à l'infraction - Droit de contrôle du juge - Critères d'appréciation [notice3]


Références :

[notice1]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 445 - 30 / No pub 1992003455

[notice2]

Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus - 23-11-1965 - Art. 40 - 31

[notice3]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-04;f.20.0098.n ?

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