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04/06/2021 | BELGIQUE | N°F.16.0105.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 juin 2021, F.16.0105.N


N° F.16.0105.N
CREATIVE CONSTRUCTION AND RENOVATION, s.a.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 15 mars 2016 par la cour d’appel de Gand.
Le 5 janvier 2018, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général
Johan Van der Fraenen a

été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe ...

N° F.16.0105.N
CREATIVE CONSTRUCTION AND RENOVATION, s.a.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 15 mars 2016 par la cour d’appel de Gand.
Le 5 janvier 2018, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’avocat général
Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque en substance une cause de récusation de deux des trois conseillers de la cour d’appel ayant rendu l’arrêt attaqué, à savoir qu’ils ont connu précédemment, dans le cadre du litige avant taxation, d’une question litigieuse qui devait à nouveau être jugée dans le cadre du contentieux relatif à la taxation.
2. Un moyen fondé sur une cause de récusation qui n’a pas été invoquée devant le juge du fond, alors qu’il eût pu l’être, ne peut être proposé devant la Cour que si la participation du juge à la décision attaquée viole une règle qui, répondant aux exigences objectives de l’organisation judiciaire, est essentielle à l’administration de la justice.
Tel n’est pas le cas lorsque ce juge a, comme le soutient le moyen, déjà exprimé son opinion sur la solution de la contestation.
3. Il ne ressort d’aucune pièce à laquelle la Cour peut avoir égard que la demanderesse ait fait valoir devant la cour d’appel, avant la prononciation de l’arrêt attaqué, que les magistrats G. T. et D. V. qui siégeaient n’étaient, en raison de la décision qu’il avaient prise antérieurement, plus aptes à statuer avec impartialité sur la question de savoir si la notification du 22 octobre 2009 justifiait l’extension du délai d’investigation, de sorte que le moyen est nouveau.
Le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
[…]
Quant à la seconde branche :
5. En vertu de l’article 333, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable au litige, des investigations peuvent, en outre, être effectuées pendant le délai supplémentaire de quatre ans prévu à l’article 354, alinéa 2, à condition que l’administration ait notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l’imposition.
L’article 333, alinéa 3, de ce code, applicable au litige, ne requiert pas que ces indices de fraude fiscale s’appuient sur des faits et constatations qui se situent dans la période considérée. Des faits qui concernent des exercices d’imposition ultérieurs peuvent, dès lors, constituer des indices de fraude fiscale pour des exercices antérieurs.
Cette disposition ne requiert pas davantage que l’administration mentionne explicitement les raisons pour lesquelles elle distingue dans un élément ou dans une donnée déterminée un indice de fraude fiscale pour la période considérée. La mention précise des indices de fraude fiscale et l’indication de la période considérée suffisent en soi.
6. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la notification des indices de fraude fiscale du 22 octobre 2009 mentionne ce qui suit :
« Les 23 septembre et 15 octobre 2009, nous avons accompli sur place des actes d’investigation concernant les exercices sociaux clôturés les
31 décembre 2006 et 31 décembre 2007.
L’enquête portait, entre autres, sur de prétendues livraisons effectuées par Dirt Under Control (ci-après « Dirt ») et inscrites dans la comptabilité clôturée au 31 décembre 2006.
[…]
Sur la base des éléments suivants, nous estimons que les « factures » émises par Dirt sont fausses :
[…]
Dans ces circonstances, il peut être fait application de l’article 354, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 : s’agissant des exercices d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 et, le cas échéant, 2007, l’administration procédera à une enquête complémentaire et établira éventuellement des cotisations ».
7. Les juges d’appel ont considéré que :
- c’est à tort que la demanderesse soutient que les indices de fraude mentionnés dans un avis d’extension du délai d’investigation ne pourraient se déduire des constatations effectuées dans le cadre d’une enquête concernant un exercice d’imposition ultérieur ;
- il est logique, voire inévitable, que le service de taxation ne soit pas encore en mesure de communiquer en quoi constituerait la fraude, qui, du reste, doit encore être prouvée et dont l’existence n’est donc qu’hypothétique, qui a été commise dans l’exercice d’imposition antérieur pour lequel l’enquête doit encore être ouverte sur la base de l’avis ;
- ce seront donc, en règle, des faits issus d’autres exercices d’imposition qui constitueront les indices de fraude fiscale pour les exercices antérieurs pour lesquels l’enquête doit encore être ouverte ;
- au cours de l’enquête portant sur l’exercice social 2006 (exercice d’imposition 2007), le service de taxation a constaté que la demanderesse usait d’une technique pour augmenter systématiquement les frais de manière fictive en inscrivant dans sa comptabilité de fausses factures émises par une certaine s.a. Dirt Under Control ;
- l’existence d’une telle pratique était un indice suffisant que la fraude pouvait s’étendre aux exercices antérieurs qui, moyennant l’extension du délai, pouvaient encore faire l’objet d’investigations.
Ils ont donc légalement considéré que le défendeur avait décrit de façon précise les indices de fraude fiscale pour l’exercice d’imposition 2007 et pour les exercices antérieurs.
Le moyen, qui soutient que les juges d’appel ont méconnu la notion légale d’« indice notifié préalablement par écrit et de manière précise » dès lors que la notification du 22 octobre 2009 ne mentionne pas expressément que l’inscription de fausses factures dans la comptabilité de l’exercice social 2006 laisse supposer que tel a également été le cas au cours des années précédentes, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, les conseillers Filip Van Volsem, Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du quatre juin deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.16.0105.N
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Autres - Droit fiscal

Analyses

Bien qu'il ne résulte pas de l'article 1075 du Code judiciaire qu'une requête civile ait un effet suspensif à l'égard de la procédure en cassation, il résulte de l'économie de la loi que le juge saisi d'une requête civile examine en principe celle-ci par priorité.

REQUETE CIVILE - Incidence sur la procédure en cassation [notice1]

Un moyen fondé sur une cause de récusation qui n'a pas été invoquée devant le juge du fond, alors qu'il eût pu l'être, ne peut être proposé devant la Cour que si la participation du juge à la décision attaquée viole une règle qui, répondant aux exigences objectives de l'organisation judiciaire, est essentielle à l'administration de la justice; tel n'est pas le cas lorsque ce juge a déjà exprimé son opinion sur la solution de la contestation (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP publiées à leur date dans AC.

ORGANISATION JUDICIAIRE - MATIERE CIVILE - Composition du siège - Cause de récusation - Moyen susceptible d'être proposé pour la première fois devant la Cour - Conditions [notice2]

L'article 333, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne requiert pas que les indices de fraude fiscale s'appuient sur des faits et constatations qui se situent dans la période considérée; des faits qui concernent des exercices d'imposition ultérieurs peuvent, dès lors, constituer des indices de fraude fiscale pour des exercices antérieurs; cette disposition ne requiert pas davantage que l'administration mentionne explicitement les raisons pour lesquelles elle voit dans un élément ou dans une donnée déterminée un indice de fraude fiscale pour la période considérée et la mention précise des indices de fraude fiscale et l'indication de la période considérée suffisent en soi.

IMPOTS SUR LES REVENUS - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Divers - Délai d'investigation - Prolongation - Notification préalable - Indices de fraude fiscale - Mention - Conditions [notice3]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1075 - 01 / No pub 1967101052

[notice2]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 292 - 01 / No pub 1967101052

[notice3]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 333 - 30 / No pub 1992003455


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-04;f.16.0105.n ?

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