La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0228.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 mai 2021, P.21.0228.F


N° P.21.0228.F
B. Y.
défendeur à l'action en déchéance de la nationalité belge,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre de la famille.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 3 mai 2021, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 12 mai 2021, le

président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
I...

N° P.21.0228.F
B. Y.
défendeur à l'action en déchéance de la nationalité belge,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre de la famille.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 3 mai 2021, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 12 mai 2021, le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
1. L'arrêt attaqué déchoit le demandeur de la nationalité belge en application de l'article 23, § 1er, 2°, du Code de la nationalité belge.
Conformément à l'article 23, § 6, alinéa 2, dudit code, le pourvoi en cette matière est formé et jugé comme il est prescrit pour les pourvois en matière criminelle.
2. En vertu de l'article 23, § 1er, les Belges qui ne tiennent pas leur nationalité d'un auteur belge au jour de leur naissance et ceux qui ne se sont pas vu attribuer leur nationalité en vertu de l'article 11, peuvent en être déchus s'ils l'ont acquise sur la base de fausses déclarations ou s'ils manquent gravement à leurs devoirs de citoyen belge.
Le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel statuant en premier et dernier ressort sur l'action en déchéance n'est recevable, conformément à l'article 23, § 6, alinéa 1er, que si le défendeur à cette action s'est prévalu vainement, devant la cour d'appel, d'une attribution, au jour de sa naissance, de la nationalité belge en raison de la nationalité du père ou de la mère ou en raison du fait d'être né en Belgique d'un auteur né lui-même en Belgique.
La recevabilité du pourvoi suppose en outre qu'il soit motivé par l'illégalité ou l'irrégularité du rejet de cette exception dûment soulevée.
3. Devant la cour d'appel, le demandeur a déposé des conclusions. Dans un premier moyen, il a soutenu que, s'il n'était pas Belge au jour de sa naissance le 28 mars 1994, c'est parce que l'administration avait, de manière fautive, tardé à traiter la demande de naturalisation introduite par son père le 26 février 1992. Il en a déduit qu'il était victime d'une discrimination du fait que les Belges nés d'un auteur belge au jour de leur naissance ne peuvent être déchus de leur nationalité alors qu'il n'appartient pas à cette catégorie de citoyens par la seule circonstance du dépassement du délai raisonnable imputable à l'autorité publique, et que l'arrêt aurait dû déclarer la demande de déchéance de nationalité irrecevable en raison de cette discrimination.
Après avoir donc admis qu'il n'était pas né Belge, et en se prévalant seulement de la circonstance qu'il n'était pas titulaire de la nationalité belge au jour de sa naissance parce que la procédure de naturalisation de son père n'avait pas encore abouti, le demandeur n'a pas soulevé devant la cour d'appel la seule exception dont le rejet permet un pourvoi qui doit être motivé quant à ce.

4. A l'appui du pourvoi, le demandeur invoque six moyens. Dans le premier, il soutient que l'arrêt aurait dû déclarer la demande de déchéance de nationalité irrecevable en raison de la discrimination indiquée ci-dessus. Selon le deuxième, la cour d'appel aurait dû se déclarer incompétente au motif que l'action en déchéance aurait dû être introduite devant le tribunal correctionnel saisi de la poursuite pénale dont il a fait l'objet. D'après le troisième moyen, l'arrêt de la cour d'appel doit être cassé parce qu'il écarte illégalement la demande de production de pièces relatives à la procédure de naturalisation du père du demandeur. Le quatrième moyen fait valoir que l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision que le demandeur est de nationalité marocaine. Le cinquième moyen soutient que la décision de déchéance méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur et présente un caractère arbitraire. Enfin, selon le sixième moyen, la cour d'appel a manqué à son devoir d'examiner la proportionnalité de la mesure demandée par le ministère public.
Ces moyens ne ressortissent pas au motif auquel, comme dit ci-dessus, la loi subordonne la recevabilité du pourvoi.
5. La déchéance de nationalité est une sanction civile complémentaire de la condamnation pénale révélant des manquements graves aux devoirs de citoyen belge.
L'article 23, § 6, alinéa 1er, du Code de la nationalité interdit le pourvoi au défendeur à l'action en déchéance qui ne dénonce pas à la Cour un rejet illégal ou irrégulier de l'exception, prévue par la loi, dont il s'est prévalu devant les juges d'appel. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 1934 concernant la déchéance de nationalité et insérant un article 18bis dans les lois coordonnées du 14 décembre 1932 sur la nationalité, dont l'article 23 précité a repris les dispositions, la personne déchue de sa nationalité n'est pas autorisée à soutenir d'autres moyens à l'appui de son pourvoi.
6. En application des articles 23/1, § 1er, 1° et 2°, et 23/2, § 1er, du même code, lorsqu'il prononce une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans sans sursis du chef d'infractions visées à ces dispositions, le juge saisi de l'action publique peut, sur réquisition du ministère public, prononcer la déchéance de la nationalité des Belges qui ne tiennent pas leur nationalité d'un auteur ou adoptant belge au jour de leur naissance et des Belges qui ne se sont pas vu attribuer leur nationalité en vertu de l'article 11, alinéa 1er, 1° et 2°.
Ces articles ne prévoient aucune limitation au pourvoi en cassation contre la décision, rendue en dernier ressort, qui, concomitamment à la sanction pénale, déchoit le prévenu de la nationalité belge.
Il s'ensuit que, lorsqu'il a été fait application desdites dispositions, tant la recevabilité du pourvoi que l'appréciation des moyens invoqués à l'appui de celui-ci relèvent du droit commun.
7. La Cour constate ainsi que, pour l'instance en cassation, le législateur traite différemment le justiciable selon que la déchéance de la nationalité est prononcée à la suite d'une procédure civile introduite devant la cour d'appel postérieurement à une condamnation pénale, et celui qui se voit déchoir de la nationalité par la décision qui statue en même temps sur l'action publique.
Il y a lieu d'interroger la Cour constitutionnelle à titre préjudiciel sur la constitutionnalité de l'article 23, § 6, alinéa 1er, dans les termes figurant au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :
« L'article 23, § 6, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il subordonne la recevabilité du pourvoi du défendeur à l'action en déchéance de nationalité et l'appréciation des moyens invoqués à l'appui de celui-ci, à la double condition, d'une part, qu'il se soit prévalu vainement, devant la cour d'appel, d'une attribution, au jour de sa naissance, de la nationalité belge en raison de la nationalité du père ou de la mère ou en raison du fait d'être né en Belgique d'un auteur né lui-même en Belgique, et que, d'autre part, le pourvoi invoque la violation ou la fausse application des lois consacrant le fondement de ce moyen ou le défaut de motif de son rejet, alors que le pourvoi du prévenu dirigé contre la décision de déchéance de la nationalité concomitante à sa condamnation à une peine, sur le fondement des articles 23/1, § 1er, 1° et 2°, et 23/2, § 1er, du même code, n'est pas soumis à de telles limitations ? »
Réserve les frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du douze mai deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0228.F
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Autres - Droit administratif - Droit constitutionnel

Analyses

La personne dont la déchéance de la nationalité belge est poursuivie par le ministère public devant la cour d'appel en application de l'article 23, § 1er, du Code de la nationalité belge doit être assimilée à une personne poursuivie et n'est pas tenue de signifier son pourvoi au ministère public (1). (Solution implicite). (1) Voir les concl. du MP.

POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Formes - Forme et délai de signification et-ou de dépôt - NATIONALITE [notice1]

Le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel statuant en premier et dernier ressort sur l'action en déchéance n'est recevable, conformément à l'article 23, § 6, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge que si le défendeur à cette action s'est prévalu vainement, devant la cour d'appel, d'une attribution, au jour de sa naissance, de la nationalité belge en raison de la nationalité du père ou de la mère ou en raison du fait d'être né en Belgique d'un auteur né lui-même en Belgique; la recevabilité du pourvoi suppose en outre qu'il soit motivé par l'illégalité ou l'irrégularité du rejet de cette exception dûment soulevée (1). (1) Voir les concl. du MP.

NATIONALITE - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Généralités - MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Lien avec la décision attaquée [notice3]

La déchéance de nationalité est une sanction civile complémentaire de la condamnation pénale révélant des manquements graves aux devoirs de citoyen belge (1). (1) Voir les concl. du MP.

NATIONALITE [notice6]

Dès lors que la Cour constate que, pour l'instance en cassation, le législateur traite différemment le justiciable dont la déchéance de la nationalité est prononcée à la suite d'une procédure civile introduite devant la cour d'appel postérieurement à une condamnation pénale, et celui qui se voit déchoir de la nationalité par la décision qui statue en même temps sur l'action publique, il y a lieu d'interroger la Cour constitutionnelle à titre préjudiciel sur la constitutionnalité de l'article 23, § 6, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge (1). (1) Voir les concl. du MP.

NATIONALITE - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Généralités - MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Lien avec la décision attaquée - COUR CONSTITUTIONNELLE - QUESTION PREJUDICIELLE [notice7]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 427 - 30 / No pub 1808111701 ;

Loi - 28-06-1984 - Art. 23, § 6 - 35 / No pub 1984900065

[notice3]

Loi - 28-06-1984 - Art. 23, § 6 - 35 / No pub 1984900065

[notice6]

Loi - 28-06-1984 - Art. 23 - 35 / No pub 1984900065

[notice7]

Loi - 28-06-1984 - Art. 23, § 1er - 35 / No pub 1984900065


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-05-12;p.21.0228.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award