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14/04/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1060.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 avril 2021, P.20.1060.F


N° P.20.1060.F
I., II., III. et IV. L. J.-C., A., A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marc Preumont, avocat au barreau de Namur, Pascal Rodeyns et Séverine Solfrini, avocats au barreau de Liège, Marc Uyttendaele, Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus respectivement les 2 janvier 2018 et 26 avril 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation, et les 15 octobre 2019 et 29 septembre 2020 par ladite cour d'a

ppel, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un ...

N° P.20.1060.F
I., II., III. et IV. L. J.-C., A., A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marc Preumont, avocat au barreau de Namur, Pascal Rodeyns et Séverine Solfrini, avocats au barreau de Liège, Marc Uyttendaele, Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus respectivement les 2 janvier 2018 et 26 avril 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation, et les 15 octobre 2019 et 29 septembre 2020 par ladite cour d'appel, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 5 mars 2021, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
Le 22 mars 2021, le demandeur a déposé une note en réponse auxdites conclusions.
A l'audience du 24 mars 2021, le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 2 janvier 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, 13, 59 et 120 de la Constitution, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 127 du Code d'instruction criminelle ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs.
Le demandeur soutient que le dossier soumis à la juridiction d'instruction au moment où elle statue sur le règlement de la procédure doit être identique à celui déposé par le ministère public devant l'assemblée qui a fait droit à une demande de levée de l'immunité parlementaire. Il en déduit que l'arrêt doit être cassé parce que la chambre des mises en accusation a refusé de surseoir à statuer alors que le dossier de la procédure avait été complété par des actes d'instruction accomplis après que les assemblées ont donné leur autorisation de poursuite.
En vertu de l'article 59, alinéa 1er, de la Constitution, rendu applicable aux parlementaires communautaires et régionaux par l'article 120 de la Constitution, aucun membre des assemblées parlementaires, sauf cas de flagrant délit, ne peut, pendant la durée de la session, être renvoyé ou cité directement devant une juridiction répressive qu'avec l'autorisation de l'assemblée parlementaire dont il est membre.
Les règles constitutionnelles relatives à la levée de l'immunité des parlementaires ont pour but de garantir le bon fonctionnement des assemblées. Il appartient à celles-ci de vérifier, d'une part, si la poursuite paraît sérieuse, c'est-à-dire si elle n'est pas inspirée par des préoccupations étrangères à la bonne administration de la justice, si elle n'est pas manifestement irrecevable ou fondée sur un fait non punissable et si elle s'appuie sur des charges précises, et, d'autre part, si l'absence du parlementaire concerné ne constitue pas une entrave aux travaux des assemblées.
C'est afin de lui permettre d'exercer ce contrôle en connaissance de cause que le procureur général transmet à l'assemblée parlementaire le dossier contenant les pièces relatives aux faits reprochés au membre faisant l'objet d'une instruction arrivée à son terme, et qu'il entend poursuivre, ainsi que le réquisitoire dont il saisira la chambre du conseil.
Les parlementaires doivent s'assurer que la demande de levée d'immunité repose sur un dossier de procédure comprenant les éléments objectifs qui fondent l'existence des faits infractionnels repris dans le réquisitoire du ministère public et qui attestent du caractère sérieux de la poursuite.
Le contrôle exercé par l'assemblée ne préjuge en rien de la culpabilité du membre dont la levée de l'immunité est demandée, le débat sur ce point relevant de la compétence du pouvoir judiciaire.
La circonstance que, dans le cours ultérieur de la procédure, des pièces sont ajoutées au dossier est sans incidence pour autant que ces pièces n'entraînent pas une modification des réquisitions relativement aux faits dont l'assemblée a été saisie.
En tant qu'il allègue que le dossier soumis à la juridiction d'instruction pour le règlement de la procédure doit être identique à celui qui a été transmis à l'assemblée parlementaire de sorte que la jonction de toute nouvelle pièce requiert nécessairement une nouvelle autorisation, le moyen manque en droit.
Le demandeur ne soutient pas que, lorsque les demandes de levée de son immunité parlementaire ont été introduites et examinées, le dossier transmis par le procureur général n'était pas complet et n'aurait pas permis aux deux assemblées parlementaires concernées de donner leur autorisation en connaissance de cause. Par ailleurs, le principe de la séparation des pouvoirs interdit au pouvoir judiciaire de censurer la décision d'une assemblée parlementaire statuant sur une demande d'autorisation de poursuite.
En l'espèce, comme le relèvent l'arrêt et le mémoire du demandeur, après une ordonnance de soit communiqué du juge d'instruction et avant une première fixation devant la chambre du conseil en application de l'article 127, § 2, du Code d'instruction criminelle, le procureur général a introduit auprès du parlement de Wallonie et de celui de la fédération Wallonie-Bruxelles une demande de levée de l'immunité parlementaire du demandeur à laquelle étaient annexées une copie du dossier répressif et une copie du réquisitoire de renvoi et de non-lieu établi par le procureur du Roi. Par décisions communiquées respectivement le 16 décembre 2015 et le 6 janvier 2016, ces deux assemblées ont donné l'autorisation de citer le demandeur à comparaître devant la chambre du conseil du chef des inculpations A.2, A.3, A.4 et A.5, relatives à des faits d'outrages publics aux mœurs ; elles ont refusé cette autorisation pour l'inculpation A.1.
En ce qui concerne les devoirs exécutés après les autorisations parlementaires, l'arrêt considère ensuite que les actes d'instruction complémentaires ordonnés par un arrêt de la chambre des mises en accusation du 30 juin 2016 n'ont pas pu être exécutés pour des raisons techniques de conservation des données, que les dossiers classés sans suite joints à la procédure sont étrangers aux faits à l'origine des autorisations de levée de l'immunité données pour les faits visés sous les inculpations A.2 à A.5 et que les dossiers de mini-instruction concernent l'inculpation A.1 à propos de laquelle le procureur général n'a pas obtenu les autorisations constitutionnelles requises.
Il précise également que les réquisitions du ministère public n'ont pas été modifiées depuis le 20 octobre 2015, date à laquelle le procureur général a demandé la levée de l'immunité, sauf pour constater l'obstacle légal en ce qui concerne l'inculpation A.1.
Ainsi, l'arrêt justifie légalement sa décision de refuser de surseoir à statuer à l'effet d'obtenir une nouvelle autorisation des assemblées concernées.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur n'invoque aucun grief, mais invite la Cour à poser à la Cour constitutionnelle les trois questions préjudicielles suivantes.
1. « L'article 127 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11, 12, 13 combinés avec les articles 59 et 120 de la Constitution, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe général de la séparation des pouvoirs, en ce qu'il est interprété comme autorisant le renvoi devant le tribunal correctionnel d'un parlementaire sur la base du dossier préalable à la réalisation de devoirs complémentaires sollicitée par l'inculpé parlementaire complet et donc sur un dossier distinct de celui finalement soumis à la juridiction qui décide de le ‘renvoyer' ou non devant le juge du fond ? »
Ainsi formulée, la question ne permet d'apercevoir ni où le demandeur situe la différence de traitement qu'il prétend soumettre à la Cour constitutionnelle ni en quoi elle consisterait.
2. « L'article 130 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11, 12, 13 combinés avec les articles 59 et 120 de la Constitution, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe général de la séparation des pouvoirs, en ce qu'il traiterait de la même manière un justiciable ordinaire et un parlementaire en ce que ce dernier pourrait être renvoyé devant une juridiction de jugement sans que les parlements auxquels il appartient n'aient pu délivrer leur autorisation après avoir pris connaissance d'un dossier complet, à savoir un dossier comprenant l'ensemble des pièces, informations et éléments portés à la connaissance de la juridiction d'instruction chargée d'opérer le règlement de la procédure ? »
A supposer qu'elle existe, l'inconstitutionnalité alléguée ne réside pas dans l'article 130 du Code d'instruction criminelle mais dans une circonstance de fait, à savoir l'existence ou non de devoirs complémentaires réalisés après la levée de l'immunité parlementaire.
3. « L'article 130 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11, 12, 13 combinés avec les articles 59 et 120 de la Constitution, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe général de la séparation des pouvoirs, en ce que certains parlementaires bénéficient de la garantie de ne pouvoir être renvoyés devant une juridiction de jugement qu'après que les parlements compétents aient eu connaissance du sort réservé à une requête en devoirs complémentaires introduite sur la base de l'article 127, § 3, du Code d'instruction criminelle alors que d'autres parlementaires pourraient être renvoyés devant une juridiction de jugement sans que les parlements compétents n'aient pu prendre connaissance du sort réservé à pareille requête ? »
A supposer qu'elle existe, l'inconstitutionnalité dénoncée par le demandeur résulte d'une incompatibilité de l'article 130 du Code d'instruction criminelle avec les articles 59 et 120 de la Constitution dont la Cour constitutionnelle n'est pas compétente pour assurer le respect en combinaison avec les autres dispositions constitutionnelles invoquées.
Il n'y a pas lieu d'interroger la Cour constitutionnelle à titre préjudiciel.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 26 avril 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation, et sur celui formé contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par ladite cour d'appel, chambre correctionnelle :
Sur le deuxième moyen :
Dirigé contre l'arrêt rendu le 26 avril 2018 par la chambre des mises en accusation, le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 13, 59 et 120 de la Constitution et 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs.
Le demandeur soutient en substance que la cour d'appel n'a pas légalement décidé que les poursuites étaient recevables alors que les irrégularités constatées par les assemblées parlementaires pour l'inculpation A.1 étaient susceptibles de concerner deux autres inculpations et que les pièces produites à cet égard devaient être soumises à ces assemblées.
Les assemblées parlementaires ont refusé de lever l'immunité parlementaire du demandeur pour les faits visés à la seule inculpation A.1. Les juges d'appel ont respecté cette décision puisqu'ils ont constaté l'existence d'un obstacle légal à la poursuite du chef de cette inculpation.
Dès lors que l'autorisation de poursuite avait été donnée par les assemblées parlementaires pour les faits visés aux inculpations A.2 à A.5, il revenait à la chambre des mises en accusation d'examiner la régularité de la procédure pour ces inculpations, régularité que le demandeur contestait, sur la base des éléments du dossier dont la juridiction était saisie.
En tant qu'il revient à soutenir que, une fois l'immunité parlementaire levée en application de l'article 59, alinéa 1er, de la Constitution, la compétence de contrôler la régularité de la procédure incombe toujours à l'assemblée parlementaire concernée alors que cette compétence est attribuée aux juridictions d'instruction en vertu des articles 131, 135 et 235bis du Code d'instruction criminelle, le moyen manque en droit.
Selon les juges d'appel, les repérages téléphoniques ordonnés par le juge d'instruction aux termes de ses ordonnances des 27 octobre 2014, 13 novembre 2014 et 14 novembre 2014 avaient été autorisés par le premier président de la cour d'appel et la circonstance que des devoirs aient pu être précédemment ordonnés irrégulièrement, était actuellement sans incidence sur la régularité des preuves produites au dossier de l'instruction à partir du moment où l'ensemble des devoirs de téléphonie ordonnés dans le cadre de l'instruction l'avaient été à la suite de l'autorisation du premier président. L'arrêt constate également que les périodes infractionnelles retenues pour les inculpations ne se situaient pas aux dates de repérage reprises sur les ordonnances de mini-instruction.
Les juges d'appel ont ensuite considéré que les pièces produites en exécution des mini-instructions jugées irrégulières par les assemblées parlementaires et qui étaient à l'origine d'un obstacle légal à la poursuite du chef de l'inculpation A.1, ne présentaient aucun intérêt et que le dossier de l'instruction comprenait les données téléphoniques autorisées par le premier président de la cour d'appel et donc des éléments de preuve recueillis dans la légalité.
Par ces considérations, la chambre des mises en accusation n'a ni méconnu le principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs ni violé aucune des dispositions légales précitées.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Dirigé contre l'arrêt rendu le 26 avril 2018 par la chambre des mises en accusation et celui rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel, chambre correctionnelle, le moyen est pris de la violation de l'article 59 de la Constitution et de la méconnaissance du droit à un procès équitable, du principe de l'égalité des armes et du principe suivant lequel la charge de la preuve repose sur le ministère public, tels qu'ils sont garantis par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Quant à la première branche :
Le moyen expose que les juges d'appel ont décidé que les poursuites relatives aux faits visés sous les inculpations A.2 à A.7 n'étaient pas, avec certitude, fondées sur les poursuites relatives à l'inculpation A.1, déclarées irrecevables. Il soutient que l'arrêt considère à tort que la thèse du demandeur, selon laquelle un tel lien existait, n'était qu'une hypothèse parmi d'autres. Le demandeur ajoute qu'il appartenait aux autorités judiciaires de lui fournir les moyens de démontrer la cause d'irrecevabilité des poursuites.
Il allègue également qu'en rejetant la demande d'accomplissement de devoirs complémentaires relatifs à l'enquête menée dans le cadre des faits visés à l'inculpation A.1, les juges d'appel ne lui ont permis d'établir ni le caractère invraisemblable de certains faits, notamment ceux visés sous les inculpations A.2, A.3 et A.5, ni le lien qui existait entre l'inculpation A.1 et les autres.
Dans la mesure où il est dirigé contre la décision de non-lieu rendue par la chambre des mises en accusation pour les inculpations A.6 et A.7, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.
En tant qu'il critique l'appréciation en fait des juges d'appel ou exige pour son examen une vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est également irrecevable.
Les juges d'appel ont considéré qu'il n'existait aucun élément objectif qui aurait permis d'asseoir l'hypothèse que les faits des préventions A.2 à A.5 n'auraient pas été dénoncés à l'autorité chargée de la poursuite si les faits de l'inculpation A.1 ne l'avaient pas été en premier lieu, et que cette affirmation relevait de la spéculation.
Ainsi, la cour d'appel a, sans méconnaître l'équité du procès, légalement justifié sa décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen soutient que les relations entre deux des enquêteurs et la gérante de la station-service à l'origine des trois premières dénonciations, relations qualifiées de liens d' « amitié » attestés par l'usage d'un même réseau social, étaient de nature à rendre la procédure inéquitable pour cause de collusion, et qu'en raison du refus de faire droit à la demande de devoirs complémentaires visant à mettre en lumière le rôle de ces enquêteurs, le demandeur a été privé de l'exercice des droits de la défense et du droit à un procès équitable.
Par une appréciation en fait qui échappe à la censure de la Cour, l'arrêt du 29 septembre 2020 considère que le demandeur n'invoque aucun élément concret ou circonstance particulière qui justifieraient une aversion à son égard de la part des deux enquêteurs visés, susceptible d'accréditer la thèse de la partialité de ceux-ci, et qu'à l'examen du dossier, aucune circonstance concrète ne laisse croire légitimement à l'existence d'une collusion entre les services de police et la gérante de la station-service. Il relève également que le terme d'« ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d'entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d'amitié au sens traditionnel du terme et que l'existence de contacts entre ces différentes personnes par l'intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière. Il précise encore que le seul fait que les deux policiers ont accepté d'entrer en contact avec une des plaignantes via le réseau social Facebook sans que les commentaires ou partages de publication produits par le demandeur ne prêtent à induire un sentiment de partialité à l'égard de la présente cause, ne suffit pas à rendre vraisemblable la thèse d'une cabale orchestrée à l'encontre de celui-ci et d'une enquête menée exclusivement à charge, au regard de l'ensemble des éléments du dossier.
Par ailleurs, après avoir détaillé les interventions de l'ensemble des policiers, l'arrêt ajoute que les deux enquêteurs visés n'étaient pas les enquêteurs principalement en charge des investigations relatives au demandeur.
En considérant, sur le fondement de ces motifs, que les griefs à l'égard de ces deux enquêteurs étaient hypothétiques et sans pertinence sur la recevabilité des poursuites, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Le moyen soutient que, dès lors que les devoirs de nature à démontrer le bien-fondé de ses arguments ont été refusés, le demandeur a été privé de l'exercice effectif de ses droits de défense et du droit à un procès équitable. Le moyen vise en particulier des devoirs qui auraient permis d'établir que, pour les préventions A.2 et A.5, notamment celle impliquant un mineur, le demandeur n'était pas sur les lieux des faits en même temps que celui qui l'accusait d'avoir commis l'infraction pour laquelle il était poursuivi.
L'arrêt du 26 avril 2018 constate que le demandeur a déjà sollicité de très nombreux devoirs complémentaires et que, par arrêt du 30 juin 2016, la chambre des mises en accusation a ordonné l'accomplissement de certains devoirs et rejeté la requête pour le surplus. Il ajoute qu'il n'existe à ce stade aucun élément neuf justifiant la réalisation de nouveaux devoirs, et ce d'autant plus que les demandes formulées en termes de conclusions portent sur les mêmes devoirs déjà rejetés.
Ainsi, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
L'arrêt du 29 septembre 2020 rappelle d'abord le détail de la procédure relative aux devoirs complémentaires sollicités par la défense lors du règlement de la procédure. Il considère ensuite que le demandeur a pu exercer les droits qui lui sont conférés par le Code d'instruction criminelle et que, par des décisions motivées, certains actes d'instruction demandés ont été ordonnés et d'autres refusés. Les juges d'appel ont précisé que ce refus a été motivé au regard de leur caractère irrecevable, inutile ou sans relation avec les faits instruits par le magistrat instructeur.
Sur le fondement de ces motifs, la cour d'appel a pu légalement décider que les droits de la défense et le droit à un procès équitable avaient été respectés.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la quatrième branche :
Le moyen est pris de la violation de l'article 6.3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il allègue que, par son arrêt du 29 septembre 2020, la cour d'appel a illégalement déclaré le demandeur coupable de la prévention A.2, relative à un outrage public aux mœurs en présence d'un mineur de moins de seize ans, dès lors qu'un témoin dont l'audition avait été sollicitée par la défense, n'a jamais été entendu.
L'arrêt considère que ce témoin, ancien beau-père de l'enfant, n'avait pas été témoin direct des faits ni un témoin central dont l'audition aurait pu avoir une incidence quelconque sur la conviction des juges d'appel, notamment parce que la mère de l'enfant avait été entendue et avait confirmé les renseignements fournis aux enquêteurs par un autre témoin.
Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que le demandeur ait sollicité l'audition à l'audience de l'ancien beau-père de l'enfant.
Pour le surplus, par la considération précitée, les juges d'appel n'ont pas violé la disposition invoquée ni méconnu les droits de la défense du demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
C. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle :
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 215 du Code d'instruction criminelle, 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2 du Protocole n° 7 à ladite Convention et 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que du principe général du droit relatif au droit à un double degré de juridiction en matière pénale.
Quant à la première branche :
Par un jugement avant dire droit du 17 décembre 2018, le tribunal correctionnel s'était notamment déclaré compétent pour connaître des faits visés aux préventions A.2 à A.5 et avait renvoyé la cause à une date ultérieure alors que le demandeur avait soutenu qu'eu égard aux devoirs complémentaires intervenus, il y avait lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'une nouvelle décision des assemblées parlementaires.
Après avoir frappé ce jugement d'appel, le demandeur reproche à l'arrêt de décider d'évoquer la cause sans que la cour d'appel n'ait invité les parties à se défendre sur cette possibilité.
En application de l'article 215 du Code d'instruction criminelle, si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour d'appel statue sur le fond. Ainsi, le juge d'appel saisi de l'appel portant sur un jugement avant dire droit doit évoquer la cause s'il annule ou réforme ce jugement, dès lors que cette annulation ou cette réformation n'est pas fondée sur l'incompétence du premier juge ou sur la circonstance que ce dernier n'était pas légalement saisi de la cause.
L'évocation constitue pour le juge d'appel une obligation légale qui résulte de la décision d'annulation du jugement dont appel, fondée sur des éléments que les parties ont pu contredire. Il s'ensuit que le juge d'appel n'est pas tenu d'inviter les parties à débattre des conséquences éventuelles de sa décision.
La cour d'appel a réformé le jugement du tribunal correctionnel, hormis en ce qu'il déclare le premier juge compétent, après avoir constaté que la contestation élevée par le demandeur sur le fondement de l'article 59 de la Constitution était relative à la recevabilité de la poursuite au regard de la levée de l'immunité parlementaire et que ce moyen avait été rejeté par l'arrêt rendu le 2 janvier 2018 par la chambre des mises en accusation, de sorte qu'en application de l'article 235bis, § 5, du Code d'instruction criminelle, il ne pouvait plus être soulevé devant la juridiction de fond.
Ayant réformé une décision définitive sur incident et ayant connu en dernier ressort de l'ensemble de la procédure, les juges d'appel ont fait ainsi une exacte application de l'article 215 du Code d'instruction criminelle.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Dans la mesure où il réitère le grief vainement invoqué dans la première branche, le moyen est irrecevable.
En tant qu'il soutient que l'article 215 du Code d'instruction criminelle ne peut être appliqué à un membre d'une assemblée législative ou que cette disposition doit être écartée sur le fondement de l'article 159 de la Constitution, lequel ne prévoit que la non-application, par le juge, des actes réglementaires illégaux, le moyen manque en droit.
Le droit à un double degré de juridiction ne constitue pas un principe général du droit.
Par ailleurs, lors du dépôt, le 21 avril 1983, de l'instrument de ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Belgique a fait la réserve que l'article 14.5 du Pacte ne s'appliquera pas aux personnes qui, en vertu de la loi belge, sont directement déférées à une juridiction supérieure telle que la cour d'appel.
Tel est le cas lorsque, en application de l'article 215 du Code d'instruction criminelle, le juge d'appel évoque la cause dont il a été saisi.
A cet égard, le moyen manque également en droit.
Le demandeur invite la Cour à poser à la Cour constitutionnelle les trois questions préjudicielles suivantes.
1. « L'article 215 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution combinés avec l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le principe général du droit à un double degré de juridiction en matière pénale en ce qu'il prive une catégorie de citoyens d'un double degré de juridiction ? »
La Cour n'est pas tenue de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle dont ni les termes ni l'objet ne permettent de discerner par rapport à quelle catégorie de personnes le demandeur subirait une inégalité de traitement.
2. « L'article 215 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution combinés avec l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le principe général du droit à un double degré de juridiction en matière pénale lorsqu'un prévenu a interjeté appel à la suite d'une erreur de droit du premier juge et perd ainsi le droit à un double degré de juridiction dont bénéficient tous les autres justiciables alors même que la juridiction d'appel a également rejeté l'argument de droit du prévenu mais pour d'autres motifs, et cela alors même qu'un même justiciable qui n'aura pas subi cette erreur de droit du premier juge aura disposé d'un double degré de juridiction ? »
Ainsi formulée, la différence de traitement alléguée est en réalité imputée à une décision judiciaire et non à l'article 215 du Code d'instruction criminelle. Il n'y a pas lieu de poser cette question, étrangère aux compétences de la Cour constitutionnelle.
3. « L'article 215 du Code d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 59, 103, 120 et 125 de la Constitution, l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le principe général du droit à un double degré de juridiction en matière pénale en ce que sa mise en œuvre a pour effet qu'un parlementaire et un ministre faisant l'objet d'une accusation en matière pénale ne bénéficient que d'un degré de juridiction alors même que le constituant avait entendu que seuls les ministres soient jugés en premier et dernier ressort ? »
La différence de traitement alléguée résulte des articles 103 et 125 de la Constitution qui prévoient, en matière pénale, la compétence exclusive de la cour d'appel pour juger les ministres et les membres d'un Gouvernement de communauté ou de région. Le contrôle du respect de ces dispositions n'entrant pas dans les compétences de la Cour constitutionnelle, il n'y a pas lieu de poser cette question.
Le demandeur propose enfin à la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question suivante :
« L'article 215 du Code d'instruction criminelle viole-t-il l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux en ce qu'il prive une catégorie de citoyens d'un double degré de juridiction ? »
Aux termes de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, d'une part, sur l'interprétation des traités, et, d'autre part, sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Ainsi formulée, la question est étrangère à la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne, telle qu'elle est prévue par l'article 267 précité, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'interroger cette juridiction à titre préjudiciel.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent cinquante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Tamara Konsek, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1060.F
Date de la décision : 14/04/2021
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Les règles constitutionnelles relatives à la levée de l'immunité des parlementaires ont pour but de garantir le bon fonctionnement des assemblées; il appartient à celles-ci de vérifier, d'une part, si la poursuite paraît sérieuse, c'est-à-dire si elle n'est pas inspirée par des préoccupations étrangères à la bonne administration de la justice, si elle n'est pas manifestement irrecevable ou fondée sur un fait non punissable et si elle s'appuie sur des charges précises, et, d'autre part, si l'absence du parlementaire concerné ne constitue pas une entrave aux travaux des assemblées.

IMMUNITE - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure [notice1]

Afin de permettre à l'assemblée parlementaire concernée d'exercer, en connaissance de cause, le contrôle institué par les articles 59, alinéa 1er, et 120 de la Constitution, le procureur général lui transmet le dossier contenant les pièces relatives aux faits reprochés au membre faisant l'objet d'une instruction arrivée à son terme, et qu'il entend poursuivre, ainsi que le réquisitoire dont il saisira la chambre du conseil; les parlementaires doivent s'assurer que la demande de levée d'immunité repose sur un dossier de procédure comprenant les éléments objectifs qui fondent l'existence des faits infractionnels repris dans le réquisitoire du ministère public et qui attestent du caractère sérieux de la poursuite; la circonstance que, dans le cours ultérieur de la procédure, des pièces sont ajoutées au dossier est sans incidence pour autant que ces pièces n'entraînent pas une modification des réquisitions relativement aux faits dont l'assemblée a été saisie (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMMUNITE - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure [notice3]

Le contrôle exercé par l'assemblée parlementaire en application des articles 59, alinéa 1er, et 120 de la Constitution ne préjuge en rien de la culpabilité du membre dont la levée de l'immunité est demandée, le débat sur ce point relevant de la compétence du pouvoir judiciaire (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMMUNITE - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure [notice5]

En application de l'article 215 du Code d'instruction criminelle, si le jugement entrepris est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour d'appel statue sur le fond; ainsi, le juge d'appel saisi de l'appel portant sur un jugement avant dire droit doit évoquer la cause s'il annule ou réforme ce jugement, dès lors que cette annulation ou cette réformation n'est pas fondée sur l'incompétence du premier juge ou sur la circonstance que ce dernier n'était pas légalement saisi de la cause (1). (1) Voir les concl. du MP.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge [notice7]

L'évocation constitue pour le juge d'appel une obligation légale qui résulte de la décision d'annulation du jugement dont appel, fondée sur des éléments que les parties ont pu contredire; il s'ensuit que le juge d'appel n'est pas tenu d'inviter les parties à débattre des conséquences éventuelles de sa décision (1). (1) Voir les concl. du MP.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Effets. Compétence du juge - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice8]


Références :

[notice1]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 59, al. 1er, et 120 - 30 / No pub 1994021048

[notice3]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 59, al. 1er, et 120 - 30 / No pub 1994021048 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 127 - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 59, al. 1er, et 120 - 30 / No pub 1994021048 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 127 - 30 / No pub 1808111701

[notice7]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 215 - 30 / No pub 1808111701

[notice8]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 215 - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-04-14;p.20.1060.f ?

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