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10/03/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0287.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mars 2021, P.21.0287.F


N° P.21.0287.F
R. W.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bartos, avocat au barreau de Liège, et Samuel Rwanyindo, avocat au barreau de Liège,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiÃ

©e conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a co...

N° P.21.0287.F
R. W.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bartos, avocat au barreau de Liège, et Samuel Rwanyindo, avocat au barreau de Liège,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 29, alinéa 2, 62 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et 149 de la Constitution.
Le moyen reproche à l'arrêt de dire la prolongation de la mesure de rétention légale au regard des conditions visées à l'article 29, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980. Selon le demandeur, de simples rappels de demande d'escorte ne peuvent justifier, dans le chef de l'Office des étrangers, la diligence requise dans la poursuite des démarches effectuées en vue de son éloignement, ni démontrer la possibilité d'un rapatriement dans un délai raisonnable, en l'absence d'un laissez-passer qui constitue un préalable nécessaire à son refoulement.
Le moyen soutient également qu'en s'abstenant ainsi de prendre en compte l'absence prolongée d'une avancée significative dans la procédure d'éloignement, les juges d'appel ont méconnu la portée de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 et n'ont pas répondu aux conclusions du demandeur qui faisaient valoir que les conditions précitées n'étaient pas réunies.
Par adoption des motifs de l'avis du ministère public, l'arrêt énonce d'abord que l'Office des étrangers s'est adressé aux autorités tunisiennes en vue de l'obtention d'un laissez-passer pour le demandeur, qui, bien que se présentant comme étant de nationalité libyenne, a été identifié le 4 février 2020 comme ressortissant tunisien, et que le 11 août 2020, l'Office des étrangers a réceptionné ledit laissez-passer délivré par les autorités tunisiennes, le demandeur ayant toutefois refusé d'embarquer dans l'avion.
Sur la base de ce constat, dont il ressort que les autorités tunisiennes ne s'opposent pas au refoulement du demandeur vers la Tunisie, la cour d'appel a pu décider, d'une part, que par la communication de propositions d'escorte subséquentes, adressées à la police fédérale de l'aéroport les 30 septembre, 29 octobre, 30 novembre 2020 et 5 janvier 2021, l'Office des étrangers a poursuivi les démarches entreprises en vue de l'éloignement avec la diligence requise dès lors que le rapatriement ne pourrait être exécuté sans connaître les disponibilités de la police fédérale et que, d'autre part, il subsiste une possibilité d'éloigner définitivement l'étranger dans un délai raisonnable, dès lors que la situation sanitaire liée à la pandémie est évolutive et que les frontières tunisiennes sont désormais ouvertes.
Ainsi, les juges d'appel ont répondu, par une appréciation différente, aux conclusions du demandeur et ont contrôlé le respect, par l'administration, des obligations qui lui incombent en vertu des articles 29, alinéa 2, et 62 de la loi du 15 décembre 1980.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 29, alinéa 5, 62 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et 149 de la Constitution.
Pour prolonger la rétention au-delà de cinq mois, conformément à l'article 29, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980, la décision administrative se réfère à quatre condamnations pénales prononcées à charge du demandeur.
Soutenant qu'il doit apparaître de la motivation de la décision administrative que le demandeur constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité nationale pour justifier la prolongation et que tel n'est pas le cas par la simple énumération de condamnations, le moyen fait grief à la chambre des mises en accusation de suppléer à cette carence. Il reproche également à l'arrêt de fonder le constat d'une telle menace, en outre, sur un mandat d'arrêt qui n'est pas mentionné dans la mesure de prolongation.
L'obligation de motivation à laquelle est tenue l'autorité administrative doit permettre au destinataire de la décision de connaître les raisons sur lesquelles elle se fonde. L'autorité administrative n'est pas tenue de donner les motifs de ses motifs.
Par ailleurs, l'autorité compétente apprécie l'existence d'une menace pour l'ordre public au cas par cas, en tenant compte du comportement personnel de l'étranger et du danger que ce comportement représente pour l'ordre public.
Par adoption des motifs de l'avis du ministère public, l'arrêt énonce que la décision de prolongation relève plusieurs condamnations pénales, dont la plus ancienne remonte à mai 2018 et la plus récente date du 17 avril 2020, soit un peu plus de deux mois avant la décision de maintien de juillet 2020. Il précise qu'il s'agit de préventions de vols, de vol avec violences ou menaces et de vol qualifié et que les faits qui ont donné lieu à la dernière condamnation du 17 avril 2020 ont entraîné l'absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d'arrêt contre le demandeur. L'arrêt ajoute que la décision administrative a également mis en avant la personnalité du demandeur, soit sa toxicomanie, sa persistance dans un comportement asocial et son impécuniosité.
De ces considérations, les juges d'appel ont pu déduire que le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration a apprécié la condition visée à l'article 29, alinéa 5, de la loi du 15 décembre 1980 sur la base d'éléments propres au demandeur, révélant l'existence d'un danger pour l'ordre public. Ces éléments permettent au demandeur de comprendre les raisons de la prolongation de la mesure et ne mettent pas à sa charge un comportement culpeux qui n'aurait pas été pris en considération par l'autorité administrative.
Ainsi, l'arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision que la mesure de prolongation est légale et motivée au regard des articles 29, alinéa 5, et 62 de la loi du 15 décembre 1980.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix mars deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0287.F
Date de la décision : 10/03/2021
Type d'affaire : Droit administratif

Analyses

L'obligation de motivation à laquelle est tenue l'autorité administrative doit permettre au destinataire de la décision de connaître les raisons sur lesquelles elle se fonde; l'autorité administrative n'est pas tenue de donner les motifs de ses motifs.

ETRANGERS [notice1]

L'autorité compétente apprécie l'existence d'une menace pour l'ordre public au cas par cas, en tenant compte du comportement personnel de l'étranger et du danger que ce comportement représente pour l'ordre public.

ETRANGERS [notice2]


Références :

[notice1]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 62 - 30 / No pub 1980121550 ;

L. du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs - 29-07-1991 - Art. 2 et 3 - 36 / No pub 1991000416

[notice2]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 29, al. 2, et 62 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-10;p.21.0287.f ?

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