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03/02/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1018.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 février 2021, P.20.1018.F


N° P.20.1018.F
F. Fl.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Damien Holzapfel et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
CABINET D'AVOCATS PAUL ET STÉPHANIE JOSEPH, société à responsabilité limitée,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65/11, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 septembr

e 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens ...

N° P.20.1018.F
F. Fl.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Damien Holzapfel et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
CABINET D'AVOCATS PAUL ET STÉPHANIE JOSEPH, société à responsabilité limitée,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65/11, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 septembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil.
Il soutient d'abord qu'au titre de dommage résultant des faits d'escroquerie, l'arrêt alloue à la défenderesse des montants excédant le préjudice causé par l'infraction, s'agissant des cotisations patronales et du précompte professionnel supportés par elle sur les salaires perçus par la demanderesse. Selon le moyen, l'obligation de payer ces charges sociales et fiscales trouve sa source dans la loi, de sorte qu'elle n'est pas en lien de causalité directe avec la prévention déclarée établie.
La cour d'appel a considéré qu'à la suite de manœuvres frauduleuses, la demanderesse s'était fait remettre à titre de suppléments de rémunération et de primes la somme de 49.750 euros, de telle sorte que la défenderesse avait dû assumer le paiement des cotisations patronales et du précompte professionnel pour que son employée puisse percevoir le montant précité correspondant à un montant net. Selon l'arrêt, le préjudice causé par les faits d'escroquerie s'élève en conséquence à ce montant net majoré des cotisations patronales et du précompte professionnel acquittés au regard du montant précité.
En vertu de l'article 1382 du Code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis.
L'existence d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle peut empêcher qu'un dommage survienne au sens de l'article 1382, particulièrement lorsqu'il ressort du contenu ou de l'économie de la loi, du règlement ou de la convention, que la dépense à intervenir doit rester définitivement à charge de celui à qui il incombe de l'exposer.
La seule existence d'une telle obligation n'empêche pas nécessairement que ce payement puisse constituer un dommage.
L'employeur qui a payé à son employé, parce que celui-ci a commis à son détriment un délit, une rémunération indue et qui est tenu d'acquitter des charges sociales et fiscales prescrites par la loi peut subir de ce fait un dommage consistant dans le fait de devoir consentir à des décaissements qu'il n'aurait pas effectués sans l'infraction déclarée établie.
Il n'en irait autrement que s'il résultait de la loi, du règlement ou de la convention que lesdites dépenses doivent rester à charge de celui qui les a exposées, ce que l'arrêt ne constate pas être le cas.
Il s'ensuit que le fait que ces débours trouvent leur source dans une obligation légale n'empêche pas de les identifier à un dommage causé par l'infraction, puisque sans l'escroquerie perpétrée par la demanderesse, ainsi que l'arrêt le relève, celle-ci n'aurait pas pu bénéficier des versements qu'elle a reçus.
La demanderesse soutient également que la défenderesse disposait d'une possibilité de récupération des montants indûment versés aux administrations sociale et fiscale.
Aux termes de considérations non critiquées par le moyen, l'arrêt expose les circonstances pour lesquelles la défenderesse n'a pu procéder au recouvrement du précompte professionnel et des cotisations sociales qu'elle a dû payer, et il exclut toute faute dans son chef.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée et de l'effet dévolutif de l'appel.
La demanderesse expose que, statuant au pénal, le tribunal a décidé que le montant de l'escroquerie s'élevait à au moins 49.750 euros, et que cette décision n'a pas été frappée d'appel. Elle en déduit que, statuant sur son appel dirigé contre la décision rendue sur l'action civile, l'arrêt ne pouvait plus modifier le montant repris dans la prévention déclarée établie par le tribunal.
En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, la juridiction d'appel ne peut statuer que sur les dispositions du jugement qui ont fait l'objet du recours.
Sur l'appel du prévenu, limité aux dispositions civiles du jugement entrepris, le juge d'appel est lié par la décision du premier juge statuant sur l'action publique et déclarant établi le fait servant de fondement à l'action publique et à l'action civile, cette décision étant, à cet égard, revêtue de l'autorité de chose jugée.
Il n'en résulte pas que, quant à l'appréciation de la somme nécessaire pour réparer le fait dommageable, le juge d'appel soit lié par l'appréciation du premier juge, passée en force de chose jugée seulement en ce qui concerne la culpabilité du prévenu et la criminalité du fait.
Pourvu que le juge d'appel se renferme dans le cercle de l'action civile dont il est seulement saisi, ses pouvoirs ne peuvent être restreints.
En tant qu'il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Après avoir constaté que le montant des fonds remis à la demanderesse s'élevait à au moins 49.750 euros, le jugement entrepris a condamné celle-ci à verser à la défenderesse, à titre de réparation du préjudice matériel causé par l'infraction, la somme de 129.152,03 euros en principal.
Saisie au civil par l'appel principal de la demanderesse et l'appel incident de la défenderesse, la cour d'appel a confirmé cette condamnation après avoir considéré que le montant remis à la demanderesse était de 49.750 euros et qu'il y avait lieu, comme pour le premier juge, de tenir compte des charges sociales et du précompte professionnel supportés par la défenderesse.
Cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen soutient que l'arrêt se contredit en indiquant dans ses motifs que le montant du préjudice matériel s'élève à 129.152,03 euros et en mentionnant dans son dispositif le montant de 129.852,03 euros. La demanderesse invite la Cour, au cas où elle considérerait que la contradiction alléguée ne constitue qu'une erreur matérielle, à rectifier celle-ci.
C'est par l'effet d'une erreur de plume, apparaissant à l'évidence des pièces de la procédure et qu'il appartient à la Cour de rectifier, que les juges d'appel ont mentionné au dispositif de l'arrêt le montant de 129.852,03 euros au lieu de celui de 129.152,03 euros.
Le moyen manque en fait.
En application des articles 794 et 795 du Code judiciaire, il y a lieu de rectifier le dispositif de l'arrêt attaqué comme dit ci-dessous.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Dit pour droit que, dans le dispositif de l'arrêt attaqué, il y a lieu de remplacer le montant de « 129.852,03 » euros par celui de « 129.152,03 » euros ;
Rejette le pourvoi ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt rectifié ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent trente euros nonante-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Tamara Konsek, conseillers, et prononcé en audience publique du trois février deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1018.F
Date de la décision : 03/02/2021
Type d'affaire : Droit civil - Droit pénal

Analyses

En vertu de l'article 1382 du Code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis (1). (1) Cass. 3 juin 2020, RG P.20.0278.F, Pas. 2020, n° 353, avec concl. MP ; Cass. 18 novembre 2011, RG C.09.0521.F, Pas. 2011, n° 625, avec concl. de M. Werquin, avocat général.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Pouvoir d'appréciation. Evaluation. Date à considérer [notice1]

L'existence d'une obligation légale, réglementaire ou contractuelle peut empêcher qu'un dommage survienne au sens de l'article 1382 du Code civil, particulièrement lorsqu'il ressort du contenu ou de l'économie de la loi, du règlement ou de la convention, que la dépense à intervenir doit rester définitivement à charge de celui à qui il incombe de l'exposer; la seule existence d'une telle obligation n'empêche pas nécessairement que ce payement puisse constituer un dommage (1). (1) Cass. 3 juin 2020, RG P.20.0278.F, Pas. 2020, n° 353, avec concl. MP ; Cass. 18 novembre 2011, RG C.09.0521.F, Pas. 2011, n° 625, avec concl. de M. Werquin, avocat général.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue [notice2]

L'employeur qui a payé à son employé, parce que celui-ci a commis à son détriment un délit d'escroquerie, une rémunération indue et qui est tenu d'acquitter des charges sociales et fiscales prescrites par la loi peut subir de ce fait un dommage consistant dans le fait de devoir consentir à des décaissements qu'il n'aurait pas effectués sans l'infraction déclarée établie.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue [notice3]

Sur le seul appel du prévenu limité aux dispositions civiles du jugement entrepris, le juge d'appel est lié par la décision du premier juge statuant sur l'action publique et déclarant établi le fait servant de fondement à l'action publique et à l'action civile, cette décision étant, à cet égard, revêtue de l'autorité de chose jugée (1) ; il n'en résulte pas que, quant à l'appréciation de la somme nécessaire pour réparer le fait dommageable, le juge d'appel soit lié par l'appréciation du premier juge, passée en force de chose jugée seulement en ce qui concerne la culpabilité du prévenu et la criminalité du fait. (1) Cass. 10 janvier 2007, RG P.06.0988.F, Pas. 2007, n° 17.

CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Matière répressive


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice3]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-02-03;p.20.1018.f ?

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