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23/12/2020 | BELGIQUE | N°P.20.1196.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 décembre 2020, P.20.1196.F


N° P.20.1196.F
B. F.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 14 décembre 2020.
A l'audience du 16 décembre 2020, le con

seiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISIO...

N° P.20.1196.F
B. F.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 14 décembre 2020.
A l'audience du 16 décembre 2020, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du mémoire et quant aux demandes de questions préjudicielles :
Le demandeur expose qu'il a déposé son mémoire au greffe de la Cour avant d'être informé par le greffe de la date de l'audience à laquelle son recours en cassation serait examiné, de sorte qu'il ne pourrait lui être reproché d'avoir déposé son mémoire au greffe moins de quinze jours avant l'audience. Il soutient que les droits de la défense requièrent que l'étranger qui a formé un pourvoi contre un arrêt de la chambre des mises en accusation statuant sur la légalité de sa privation de liberté soit averti de la date de l'audience, dans un délai lui permettant de déposer en temps utile un mémoire au greffe.
Cette défense suppose que le mémoire déposé par le demandeur à l'appui de son pourvoi soit jugé irrecevable en raison de sa tardiveté.
Le mémoire a été remis au greffe le 30 novembre 2020, soit quinze jours francs avant l'audience, fixée le 16 décembre 2020.
Le mémoire n'étant pas tardif, il n'y a pas lieu de s'interroger quant à sa recevabilité, ni de poser les questions préjudicielles que le demandeur propose à cet égard.
Sur le grief relatif au délai dans lequel la Cour statue sur le pourvoi
et quant à la demande de question préjudicielle :
Le demandeur soutient qu'il résulte des articles 72, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et 31, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la première disposition lue à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 1980 et des travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1996 modifiant cette loi, que la Cour est tenue de se prononcer dans un délai de quinze jours à compter du pourvoi formé contre la décision qui statue sur la légalité du titre de rétention de l'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
Le grief ainsi formulé par le demandeur n'est pas dirigé contre l'arrêt attaqué. Il dénonce une circonstance qui n'est pas imputable à la juridiction qui l'a rendu et sur laquelle il ne lui appartenait pas de statuer.
Etranger à la décision attaquée, le grief, partant, est irrecevable.
Le demandeur fait également valoir que la Cour ne peut persister dans sa jurisprudence selon laquelle le pourvoi en cassation formé contre la décision statuant sur la légalité de la mesure privative de liberté d'un étranger en séjour irrégulier est régi par le Code d'instruction criminelle, sans poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne relative à la compatibilité de cette jurisprudence avec le droit européen et notamment les articles 5.4, 13 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 21 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et 13 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
La circonstance que la Cour statue dans un délai de plus de quinze jours à dater du pourvoi ne saurait être considérée, en elle-même, comme incompatible avec les dispositions invoquées.
Par ailleurs, aucune disposition ou principe général du droit de l'Union européenne ne détermine le délai précis dans lequel devrait intervenir la décision de la Cour de cassation.
La Cour rend le présent arrêt le 23 décembre 2020 alors qu'elle a été saisie, par la déclaration de pourvoi faite par le conseil du demandeur au greffe de la cour d'appel de Bruxelles, le 24 novembre 2020.
Il ressort, à l'évidence, que la procédure suivie devant la Cour répond à l'exigence de célérité des dispositions que le demandeur invoque.
La question préjudicielle ne doit pas être posée.
Sur le second moyen et la demande de question préjudicielle :
Le contrôle de légalité confié aux juridictions d'instruction par les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 a pour objet le titre privatif de liberté toujours en vigueur au moment où elles sont appelées à statuer. La loi ne leur attribue pas de compétence quant à la légalité d'un titre qui a cessé d'exister parce que l'étranger a été libéré ou rapatrié, ou parce qu'un titre distinct s'est substitué à celui que l'étranger avait déféré au contrôle judiciaire.
Le demandeur conteste la limitation de son recours à l'objet que la loi définit. Il entend déférer cette limitation à l'examen préjudiciel de la Cour de Justice de l'Union européenne. Il postule que celle-ci soit saisie d'une question tendant à faire vérifier si l'absence de compétence des juridictions d'instruction pour contrôler la légalité d'un titre périmé est compatible avec les articles 5.4 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et 13 et 15 de la directive 2008/115/CE garantissant le droit à un recours effectif.
Le renvoi préjudiciel institué par l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne suppose que la question soit pertinente pour la solution du litige.
Le moyen conteste la jurisprudence suivant laquelle la caducité du titre de privation de liberté prive d'objet le recours visant au contrôle de sa légalité. Il en résulte que, si le moyen était fondé, la Cour devrait attribuer aux juridictions d'instruction la connaissance d'un contentieux qui ne leur est pas déféré par la loi existante, et déterminer elle-même, en l'absence d'un cadre légal, la procédure applicable au traitement de ce contentieux par la chambre du conseil et par la chambre des mises en accusation.
De plus, cette attribution prétorienne du contentieux précité contreviendrait à l'article 27 de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante, disposition qui attribue aux juridictions civiles ordinaires le contrôle que le demandeur entend confier aux juridictions d'instruction.
Les règles de droit européen mobilisées par la demande de renvoi préjudiciel sont étrangères à la question de savoir à quel ordre de juridictions au sein du pouvoir judiciaire, il faut confier, après sa péremption, le contrôle de légalité d'une décision privative de liberté d'un étranger en séjour illégal.
Il en résulte que la question n'est pas préjudicielle au sens de l'article 267 du Traité et qu'elle ne peut dès lors pas être posée.
A l'audience du 23 novembre 2020 de la chambre des mises en accusation, le demandeur a déposé des conclusions se bornant à soutenir, sans autre précision, que d'après l'arrêt du 30 juin 2020 de la Cour européenne des droits de l'homme, en cause Saqawat contre Belgique, son recours ne peut pas être déclaré sans objet.
C'est à cette défense qu'il est reproché à l'arrêt de ne pas répondre.
Mais pour dénier à l'ordre juridique interne les garanties d'effectivité et de célérité requises par l'article 5.4 de la Convention, le juge européen avait relevé, par son arrêt précité du 30 juin 2020, l'existence de plusieurs constats d'illégalité de la privation de liberté au regard du droit interne.
L'arrêt dont pourvoi relève au contraire que la prolongation de la mesure privative de liberté prise à l'égard du demandeur est proportionnée au but poursuivi, conforme à l'article 5.1, f, de la Convention, et revêtue d'une motivation adéquate et légale.
Le demandeur peut donc trouver, dans l'arrêt attaqué, les éléments qui lui permettent de comprendre pourquoi sa cause ne s'identifie pas à celle jugée par la décision européenne qu'il invoque.
Répondant aux conclusions du demandeur, l'arrêt est régulièrement motivé.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Sur le premier moyen :
Il est reproché à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur faisant valoir que, du 17 septembre au 30 octobre 2020, soit pendant près d'un mois et demi, aucune démarche n'a été entreprise par l'administration pour assurer le rapatriement du demandeur.
Mais il résulte de la réponse donnée ci-dessus au second moyen et à la demande de renvoi préjudiciel qui lui est associée, que les juges d'appel se sont considérés légalement sans juridiction pour contrôler, après sa péremption, la légalité d'un titre administratif de privation de liberté. Partant, ils n'étaient pas tenus de répondre aux conclusions critiquant ce titre et l'autorité l'ayant délivré.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinquante-cinq euros dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois décembre deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1196.F
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Autres - Droit administratif - Droit européen

Analyses

Lorsqu'un grief de cassation n'est pas dirigé contre l'arrêt attaqué et qu'il dénonce une circonstance qui n'est pas imputable à la juridiction qui l'a rendu et sur laquelle il ne lui appartenait pas de statuer, il est étranger à la décision attaquée et, partant, irrecevable (1). (1) Voir les concl. du MP.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Lien avec la décision attaquée - Grief qui n'est pas dirigé contre l'arrêt attaqué - Grief dénonçant une circonstance non imputable aux juges d'appel - Recevabilité

Aucune disposition ou principe général du droit de l'Union européenne ne détermine le délai précis dans lequel devrait intervenir la décision de la Cour de cassation sur le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt statuant sur la légalité de la mesure privative de liberté d'un étranger en séjour irrégulier (1). (1) Voir les concl. du MP.

ETRANGERS - Mesure de rétention - Recours auprès du pouvoir judiciaire - Arrêt de la chambre des mises en accusation - Pourvoi en cassation - Délai imparti à la Cour pour statuer - CASSATION - ARRETS. FORME - Procédure. Jonction - Délai pour statuer - Etrangers - Mesure de rétention - Recours auprès du pouvoir judiciaire - Arrêt de la chambre des mises en accusation - Pourvoi en cassation - Délai imparti à la Cour pour statuer [notice2]

Le contrôle de légalité confié aux juridictions d'instruction par les articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 a pour objet le titre privatif de liberté toujours en vigueur au moment où elles sont appelées à statuer; la loi ne leur attribue pas de compétence quant à la légalité d'un titre qui a cessé d'exister parce que l'étranger a été libéré ou rapatrié, ou parce qu'un titre distinct s'est substitué à celui que l'étranger avait déféré au contrôle judiciaire (1). (1) Voir les concl. du MP.

ETRANGERS - Mesure de rétention - Recours auprès du pouvoir judiciaire - Juridictions d'instruction - Contrôle de légalité - Objet - Titre privatif de liberté qui a cessé d'exister [notice4]

Le renvoi préjudiciel institué par l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne suppose que la question soit pertinente pour la solution du litige (1). (1) Voir les concl. du MP.

UNION EUROPEENNE - QUESTIONS PREJUDICIELLES - Pourvoi en cassation - Renvoi préjudiciel - Condition - QUESTION PREJUDICIELLE - Cour de Justice de l'Union européenne - Pourvoi en cassation - Renvoi préjudiciel - Condition [notice5]


Références :

[notice2]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 71 et 72 - 30 / No pub 1980121550 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 432 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 71 et 72 - 30 / No pub 1980121550

[notice5]

Traité du 25 mars 1957 sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - 25-03-1957 - Art. 267 - 01 / Lien DB Justel 19570325-01


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-23;p.20.1196.f ?

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