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10/12/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0037.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2020, C.19.0037.F


N° C.19.0037.F
1. R. V.,
2. INDATORA, société anonyme, dont le siège est établi à Charleroi
(Mont-sur-Marchienne), clos des Duges, 32, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0871.684.164,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous

le numéro 0403.200.393,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoir...

N° C.19.0037.F
1. R. V.,
2. INDATORA, société anonyme, dont le siège est établi à Charleroi
(Mont-sur-Marchienne), clos des Duges, 32, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0871.684.164,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
en présence de
J.-P. P.,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 mars 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 25 novembre 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la défenderesse et déduite de ce que la décision n'est, pour partie, pas définitive :
L'arrêt attaqué, qui relève que le demandeur soutient que « la créance de [la défenderesse] à son égard doit être réduite de la part contributoire de [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en raison de la transaction conclue avec [cette dernière] » et considère qu'il convient de faire application, non de l'article 1285 « applicable aux dettes solidaires », mais « de l'article 1288 du Code civil [qui] contraint le créancier à imputer la somme reçue de la caution sur le montant de la dette du débiteur principal », soit 35.000 euros, statue définitivement sur cette contestation.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Si l'article 149 de la Constitution requiert que la décision du juge du fond contienne des motifs qui permettent à la Cour d'exercer son contrôle de légalité, ce contrôle ne trouve à s'exercer que sur des questions qui ont été soumises au juge du fond.
Si, dans leurs conclusions, les demandeurs soutenaient que l'article 14 du cahier des clauses et conditions spéciales applicable au crédit litigieux, sur la base duquel la défenderesse réclamait une indemnité de 45.565,90 euros, contrevenait à l'article 1907bis du Code civil dès lors que l'indemnité excédait un montant égal à six mois d'intérêts, ils n'ont par contre pas fait valoir que le crédit en cause devait être qualifié de prêt à intérêt au sens des articles 1892 et 1907 du Code civil.
Le grief que le moyen, en cette branche, fonde sur la disposition constitutionnelle précitée ne peut, dès lors, pas être soulevé pour la première fois devant la Cour.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
L'arrêt attaqué relève qu'aux termes de « l'article 14 du cahier des clauses et conditions spéciales applicable aux crédits d'investissements », sur la base duquel la défenderesse réclame une indemnité de 45.565,90 euros, celle-ci a le droit « d'exiger d'être indemnisée pour la perte réelle qu'elle subit suite au remboursement anticipé » et que « cette indemnité de rupture, appelée funding loss, est calculée comme étant la différence entre les intérêts que la banque aurait perçus du crédité si ce dernier avait remboursé les fonds empruntés selon le tableau d'amortissement fixé contractuellement et ceux qu'elle perçoit en réinvestissant ces fonds, à un taux interbancaire moyen pondéré, pendant la période restant à courir jusqu'à la prochaine révision contractuelle, ou, à défaut de celle-ci, jusqu'à l'échéance finale du crédit ».
En considérant qu'« il n'incombe pas à la [défenderesse] de démontrer une perte réelle » dès lors que « l'indemnité [est] fixée contractuellement » en vue d'indemniser la perte réelle, l'arrêt attaqué reconnaît à l'article 14 précité l'effet que, dans l'interprétation qu'il en donne, il a légalement entre les parties, partant, ne méconnaît pas la force obligatoire de cette disposition.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de ce qu'il est mélangé de fait et de droit :
L'examen de la fin de non-recevoir est indissociable de celui du moyen.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Aux termes de l'article 1288 de l'ancien Code civil, ce que le créancier a reçu d'une caution pour la décharge de son cautionnement doit être imputé sur la dette et tourner à la décharge du débiteur principal et des autres cautions.
Cette disposition vise la convention par laquelle une caution, craignant l'insolvabilité du débiteur principal, rachète son engagement de caution en contrepartie d'une certaine somme.
Suivant l'article 1287, alinéa 3, de l'ancien Code civil, la remise ou décharge conventionnelle accordée à l'une des cautions ne libère pas les autres.
En vertu de l'article 2033 du même code, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion.
Il suit de ces dispositions que, lorsque le créancier accorde, en cas de pluralité de cautions, une remise de dette à l'une d'entre elles, les autres cofidéjusseurs sont libérés jusqu'à concurrence du montant de la part contributoire de la caution déchargée.
L'arrêt attaqué constate que le crédit accordé par la défenderesse à la société Biopole « est garanti par le cautionnement solidaire de [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun et du demandeur souscrit le 20 juillet 2000] jusqu'à concurrence de 3.000.000 francs en principal », soit 74.368,06 euros, qu'à la suite de la dénonciation du crédit le 28 novembre 2008 et la déclaration de faillite de la société Biopole, la défenderesse « fait citer [le demandeur et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] devant le tribunal de première instance de Nivelles en paiement [d'un montant en principal de] 74.368,06 euros augmenté des intérêts », que le jugement entrepris fait droit à sa demande et que,
« le 12 septembre 2014, [la défenderesse] conclut une convention de transaction avec [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] aux termes de laquelle [cette dernière] verse 35.000 euros pour solde de tous comptes [et dans laquelle il] est également précisé que [la défenderesse] se réserve tous ses droits vis-à-vis [du demandeur] ».
En considérant qu'« il convient [...] de faire application de l'article 1288 du Code civil [qui] contraint le créancier à imputer la somme reçue de la caution sur le montant de la dette du débiteur principal » et, dès lors, de déduire, non la part contributoire de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun, mais la somme de 35.000 euros au titre de « paiement partiel », l'arrêt attaqué viole les articles 1287 et 1288 précités.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur le troisième moyen :
L'arrêt attaqué relève que « [la défenderesse] a dénoncé le crédit sans préavis en invoquant l'article 8, notamment les alinéas e) et h), de son règlement des crédits », le point e) visant le « cas de non-respect, de report d'échéance ou d'exigibilité avant terme d'obligations envers [la défenderesse] ou tout autre créancier » et le point h) visant le « cas de disparition, dépréciation ou indisponibilité, totale ou partielle, d'une sûreté conférée à la [défenderesse] ou du patrimoine du crédité [et le] cas d'événement susceptible, à l'estime de la [défenderesse], d'entraîner à bref délai l'une de ces situations ».
Il relève que « la [défenderesse] a, à plusieurs reprises, rappelé à la société Biopole qu'elle devait régulariser ses dépassements irréguliers », que « la situation des deux crédits était liée, puisque les trimestrialités du crédit d'investissement étaient prélevées sur le crédit de caisse », qu'ainsi, « alors que la société Biopole a finalement régularisé le dépassement de son crédit de caisse le 5 septembre 2008, le débit en octobre 2008 de la trimestrialité du crédit d'investissement a entraîné un nouveau dépassement du crédit de caisse » en sorte que « le remboursement du crédit d'investissement se réalisait au prix d'un dépassement systématique du crédit de caisse ».
Il ajoute que les documents réclamés par la défenderesse, soit « une situation bilantaire intermédiaire et un business plan, [...] finalement transmis en septembre et novembre 2008 ont définitivement ébranlé la confiance de la [défenderesse] ».
Il considère encore que « les motifs invoqués dans la lettre de dénonciation [...] justifiaient la dénonciation du crédit ». Il souligne à cet égard que, « si une licence avait déjà été octroyée à la société Bio-X Healthcare en mai 2000, la société Biopole conservait jusqu'alors une participation dans sa filiale » et qu'« en renonçant à cette participation à l'occasion d'une réduction de capital de la société Bio-X Healthcare, la société Biopole a également renoncé indirectement à tirer bénéfice de cette licence » en sorte que « cet élément constituait, au sens de l'article 8, h), du règlement des crédits, un événement susceptible, à l'estime de la [défenderesse], d'entraîner à bref délai la disparition, totale ou partielle, d'une sûreté conférée à la [défenderesse] ou du patrimoine du crédité ».
Il relève enfin que la défenderesse « a également justifié la dénonciation par le fait que l'augmentation de capital n'aurait pas lieu rapidement, par la non-transmission d'un business plan (seule une estimation provisoire ayant été remise à la banque) et par l'existence d'une perte de plus de 900.000 euros » et considère que, « compte tenu de cette situation financière délicate, [la défenderesse] pouvait considérer que la perspective d'un partenariat envisagé comme seule alternative impliquait une menace pour la valeur du fonds de commerce gagé à son profit (motif visé par l'article 8, h), du règlement des crédits) ».
Contrairement à ce que suppose le moyen, l'arrêt attaqué donne ainsi à connaître que la dénonciation ne se fondait pas sur le seul dépassement du crédit de caisse, mais se justifiait par des éléments faisant craindre une diminution du patrimoine de la société Biopole.
Le moyen manque en fait.
Et les demandeurs ont intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il déduit de la créance de la défenderesse le montant de 35.000 euros payé par la partie appelée en déclaration d'arrêt commun, et annule l'arrêt du 7 septembre 2018 qui en est la suite ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Déclare le présent arrêt commun à J.-P. P. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne la défenderesse aux dépens de la signification du mémoire en réponse ;
Condamne les demandeurs à la moitié du surplus des dépens et en réserve l'autre moitié pour qu'il soit statué sur celle-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Les dépens taxés à la somme de sept cent quarante-huit euros soixante-quatre centimes envers les parties demanderesses, y compris la contribution au fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, limitée à vingt euros, et, pour la signification du mémoire en réponse, à la somme de cinq cent cinquante euros neuf centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.19.0037.F
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

En cas de pluralité de cautions, si le créancier accorde une remise de dette à l'une d'entre elles, les autres cofidéjusseurs sont libérés jusqu'à concurrence du montant de la part contributoire de la caution libérée, à moins que le montant versé par cette dernière soit supérieur au montant de cette part, auquel cas ils sont libérés jusqu'à concurrence du montant versé (1). (1) Voir les concl. du MP.

CAUTIONNEMENT - Pluralité de cautions - Remise de dette à une des cautions - Autres cofidéjusseurs - Libération - Limite [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 2033 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-10;c.19.0037.f ?

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