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10/12/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0309.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2020, C.18.0309.F


N° C.18.0309.F
INFOBASE EUROPE, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Mersch (Grand-Duché de Luxembourg), rue J. B. Neuens, 8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre
ROULARTA MEDIA GROUP, société anonyme, dont le siège est établi à Roeselare, Meiboomlaan, 33,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabin

et est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.
I. La procéd...

N° C.18.0309.F
INFOBASE EUROPE, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Mersch (Grand-Duché de Luxembourg), rue J. B. Neuens, 8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre
ROULARTA MEDIA GROUP, société anonyme, dont le siège est établi à Roeselare, Meiboomlaan, 33,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 25 novembre 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure que la demanderesse soutenait que sa base de données constituait une base de données dynamique par opposition à une base de données statique.
Un moyen, fût-il fondé sur des dispositions légales d'ordre public ou impératives, ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour que lorsque les éléments de fait nécessaires à son appréciation sont constatés par le juge du fond ou ressortent des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
L'arrêt ne constate pas que la base de données de la demanderesse est une base de données dynamique et cela ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Le moyen est irrecevable.
Et, le moyen étant irrecevable pour un motif propre à la procédure en cassation, la question préjudicielle proposée par la demanderesse ne doit pas être posée à la Cour de justice de l'Union européenne.
Sur le deuxième moyen :
Conformément à l'article XI.334, § 1er, du Code de droit économique, inséré sous le titre 9 « aspects civils de la protection des droits de propriété intellectuelle » et le chapitre 2 « cessation de l'atteinte et autres mesures », lorsque le juge constate une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, dont le droit d'un producteur de bases de données, il ordonne la cessation de celle-ci à tout auteur de l'atteinte.
Selon le paragraphe 4 de cette disposition, le juge peut prescrire l'affichage de sa décision ou du résumé qu'il en rédige, pendant le délai qu'il détermine, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des établissements du contrevenant et ordonner la publication de son jugement ou du résumé par la voie de journaux ou de toute autre manière, le tout aux frais du contrevenant.
En vertu de l'article XVII.16 de ce code, figurant sous le titre 1er « de l'action en cessation » et le chapitre 4 « dispositions particulières au livre XI », lorsqu'il ordonne la cessation, le président du tribunal peut ordonner les mesures prévues à l'article XI.334, §§ 2 à 4, pour autant qu'elles soient de nature à contribuer à la cessation de l'atteinte constatée ou de ses effets, et à l'exclusion des mesures de réparation du préjudice causé par cette atteinte.
Conformément à l'article XVII.20, § 2, alinéas 1er et 2, du même code, le président peut autoriser l'affichage de sa décision ou du résumé qu'il en rédige, pendant le délai qu'il détermine, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des établissements du contrevenant et ordonner la publication de son jugement ou de son résumé par la voie de journaux ou de toute autre manière, le tout aux frais du contrevenant, et ces mesures de publicité ne peuvent toutefois être autorisées que si elles sont de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que l'exigence que la mesure d'affichage de la décision ou sa publication contribue à la cessation de l'acte ou de ses effets n'est imposée que lorsque cette mesure est prononcée par le président du tribunal statuant sur l'action en cessation.
Elle peut en revanche être prononcée par le juge statuant sur l'action en contrefaçon, indépendamment d'un ordre de cessation, lorsqu'elle participe à la réparation du dommage.
Après avoir relevé que, « par exploit du 24 octobre 2013, [la demanderesse] fait citer [la défenderesse] devant le tribunal de commerce de Bruxelles » aux fins de « dire pour droit [que celle-ci] a commis des atteintes au droit sui generis dont dispose [la demanderesse] » et d'« ordonner à [la défenderesse] de cesser immédiatement toute atteinte [à ce] droit », et que « le jugement entrepris dit la demande recevable mais non fondée », l'arrêt considère que la demanderesse n'est pas recevable à agir en cessation dès lors que son droit est venu à expiration le 31 décembre 2012 et que « sa demande en ce qu'elle tend [...] à l'obtention de dommages et intérêts sur la base de son droit sui generis pour la période allant du 12 septembre 2009 [...] au 31 décembre 2012 [...] est recevable » et fondée jusqu'à concurrence de 39.000 euros.
En décidant qu'« il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication sollicitée par [la demanderesse] » au motif que ces « mesures de publicité ne peuvent [...] être autorisées que si elles sont de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets » et qu'« un tel ordre de cessation n'[est] pas ordonné en l'espèce », l'arrêt viole l'article XI.334 précité.
Le moyen est fondé.
Sur le troisième moyen :
En vertu de l'article 1369bis/1, § 1er, du Code judiciaire, les personnes qui, aux termes d'une loi relative à un droit de propriété intellectuelle, dont le droit des producteurs de bases de données, sont habilitées à agir en contrefaçon, peuvent, avec l'autorisation du président du tribunal de l'entreprise et du président du tribunal de première instance, dans les matières qui sont respectivement de la compétence de ces tribunaux, faire procéder en tous lieux, par un ou plusieurs experts que désignera ce magistrat, à la description de tous les objets, éléments, documents ou procédés de nature à établir la contrefaçon prétendue ainsi que l'origine, la destination et l'ampleur de celle-ci.
En vertu du paragraphe 4 de cette disposition, s'il le juge nécessaire pour la protection du droit de propriété intellectuelle invoqué par le requérant et raisonnable compte tenu des circonstances propres à la cause, le président peut faire défense aux détenteurs d'objets contrefaisants, ou des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer ces biens ainsi que les documents s'y rapportant, de s'en dessaisir, de les déplacer ou d'y apporter toute modification affectant leur fonctionnement ; il peut permettre de constituer gardien, de mettre les objets sous scellés et, s'il s'agit de faits qui donnent lieu à revenus, autoriser la saisie conservatoire de ceux-ci pour autant qu'ils apparaissent trouver leur origine directe dans la contrefaçon prétendue.
Conformément à l'article 1369bis/9 de ce code, si, dans le délai fixé par le président statuant sur une requête fondée sur l'article 1369bis/1, ou, si un tel délai n'est pas mentionné, dans un délai ne dépassant pas vingt jours ouvrables ou trente et un jours, si ce délai est plus long suivant la réception du rapport, la description n'est pas suivie d'une citation au fond devant une juridiction compétente, l'ordonnance cesse de plein droit ses effets et le requérant ne peut faire usage du contenu du rapport ou le rendre public, le tout sans préjudice de dommages et intérêts.
Selon l'article 1369bis/10 du même code, applicable au litige, les articles 962 à 965, 973, alinéas 2 et 3, 978 et 985 ne s'appliquent pas à la procédure de saisie en matière de contrefaçon.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que, même si elle peut s'accompagner de mesures complémentaires, la saisie en matière de contrefaçon a pour objet de permettre au titulaire du droit intellectuel d'établir la contrefaçon et constitue dès lors une mesure d'instruction liée à la procédure au fond.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement contraire, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, en énonçant que « les mesures d'instruction n'ouvrent pas le droit à une indemnité de procédure », l'arrêt, qui décide de « compenser entre [les parties] les indemnités de procédure d'instance et d'appel (chacune d'elles réclamant à ce titre une indemnité de 33.000 euros pour chaque instance) », considère, non que l'existence d'une procédure de saisie-description ne peut être prise en considération pour déterminer les frais de justice raisonnables et proportionnés dus dans le cadre de la procédure au fond, mais qu'elle ne peut donner lieu à l'octroi d'une indemnité de procédure distincte de celle afférente à la procédure au fond.
Dans cette mesure, le moyen, qui repose sur une lecture inexacte de l'arrêt, manque en fait.
Il s'ensuit que la question préjudicielle proposée par la demanderesse au soutien de ce grief ne doit pas être posée à la Cour de justice de l'Union européenne.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur la demande de publication de la demanderesse ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse aux trois quarts des dépens et en réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent soixante-quatre euros treize centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.18.0309.F
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Autres - Droit de la propriété intellectuelle

Analyses

Il suit de la combinaison des articles 1369bis/1, § 1er, 9 et 10 que, même si elle peut s'accompagner de mesures complémentaires, la saisie en matière de contrefaçon a pour objet de permettre au titulaire du droit intellectuel d'établir la contrefaçon et constitue dès lors une mesure d'instruction liée à la procédure au fond (1). (1) Voir les concl. du MP.

SAISIE - DIVERS - Contrefaçon - Mesure de saisie - Droit intellectuel - But - Nature [notice1]

L'exigence que la mesure d'affichage de la décision ou sa publication contribue à la cessation de l'acte ou de ses effets n'est imposée que lorsque cette mesure est prononcée par le président du tribunal statuant sur l'action en cessation; elle peut en revanche être prononcée par le juge statuant sur l'action en contrefaçon, indépendamment d'un ordre de cessation, lorsqu'elle participe à la réparation du dommage (1). (1) Voir les concl. du MP.

CONTREFACON DE DESSINS - Dessins et modèles - Action en cessation - Décision judiciaire - Affichage ou publication - Exigence - Dessins et modèles - Action en cessation - Décision judiciaire - Affichage ou publication - Faculté [notice2]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1369bis/1, 9 et 10 - 01 / No pub 1967101052

[notice2]

Code de droit économique - 28-02-2013 - Art. XI.334, XVII.16 et XVII.20 - 19 / No pub 2013A11134


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-10;c.18.0309.f ?

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