La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2020 | BELGIQUE | N°S.19.0008.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 octobre 2020, S.19.0008.N


N° S.19.0018.N
AWA ALEXANDER WATSON ASSOCIATES, société de droit néerlandais,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. M.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour du travail d'Anvers, division d'Anvers.
Le 14 septembre 2020, l'avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport et l’avocat général Henri Vanderlinden a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de c

assation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, l...

N° S.19.0018.N
AWA ALEXANDER WATSON ASSOCIATES, société de droit néerlandais,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. M.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour du travail d'Anvers, division d'Anvers.
Le 14 septembre 2020, l'avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport et l’avocat général Henri Vanderlinden a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. En vertu de l’article 2, alinéa 1er, de la convention collective de travail n° 85 du 9 novembre 2005, conclue au sein du Conseil national du travail, concernant le télétravail, rendue obligatoire par arrêté royal du 13 juin 2006, on entend par télétravail, aux fins de cette convention, une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat de travail, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière et non occasionnel. Le télétravailleur est tout travailleur qui effectue du télétravail.
Suivant l’article 2, alinéa 2, de cette convention, celle-ci ne vise pas les télétravailleurs dit mobiles, c’est-à-dire ceux dont la mobilité fait partie intégrante des modalités d’exécution du contrat de travail.
En vertu de l’article 3 de la même convention, celle-ci s’applique aux travailleurs et aux employeurs qui les occupent.
L’article 4, alinéa 1er, précise que le télétravail peut être réalisé au domicile du télétravailleur ou en tout autre lieu choisi par lui. Conformément au deuxième alinéa de cette disposition, le télétravail réalisé dans un bureau satellite de l’employeur, c’est-à-dire un local décentralisé de l’employeur ou mis à la disposition du travailleur par l’employeur, ne tombe pas sous le champ d’application de la convention collective de travail.
L’article 6, §§ 1er et 3 prévoit qu’une convention doit être établie par écrit pour chaque télétravailleur individuellement au plus tard au moment où le télétravailleur commence l’exécution de sa convention et, à défaut de convention écrite, le télétravailleur a le droit d’intégrer ou de réintégrer les locaux de l'employeur.
2. Le titre VI de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, inséré par l’article 4 de la loi du 6 décembre 1996 relative au travail à domicile, règle l’occupation des travailleurs à domicile. Conformément à l’article 119.1 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ce titre règle l’occupation des travailleurs à domicile qui, sous l’autorité de l’employeur, fournissent un travail contre rémunération, à leur domicile ou à tout autre endroit choisi par eux, sans qu’ils soient sous la surveillance ou le contrôle direct de cet employeur.
Aux termes de l’article 119.1, § 2, alinéa 1er, de cette loi, les articles 119.3 à 119.12 ne sont pas applicables aux travailleurs auxquels s’applique la convention collective sur le télétravail conclue au sein du Conseil national du travail.
L’article 119.4, § 1er, de la même loi dispose que le contrat d’occupation de travailleur à domicile doit être constaté par écrit pour chaque travailleur individuellement au plus tard au moment où le travailleur commence l’exécution de son contrat.
L’article 119.4, § 2, 4°, précise que cet écrit doit mentionner le remboursement des frais inhérents au travail à domicile.
L’article 119.6 prévoit que, à défaut de la mention visée à l’article 119.4, § 2, 4°, et à défaut de convention collective de travail conclue conformément à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires réglant cette matière, un forfait de 10 p.c. de la rémunération sera dû au titre de remboursement des frais inhérents au travail à domicile, à moins que le travailleur prouve à l’aide de pièces justificatives que les frais réels sont supérieurs à 10 p.c. de la rémunération.
3. Il suit de l’ensemble de ces dispositions que l’article 119.6 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ne peut s’appliquer qu’à l’égard du travailleur à domicile qui n’est pas un télétravailleur au sens de la convention collective de travail n° 85 et que la seule circonstance qu’aucun contrat écrit n’a été conclu entre un employeur et un travailleur conformément à l’article 6, § 1er, de cette convention collective de travail n’exclut pas que la relation de travail entre cet employeur et ce travailleur relève de son champ d’application.
4. Les juges d'appel ont constaté que :
- la défenderesse demande une indemnité sur la base de l’article 119.6 de la loi du 3 juillet 1978 ;
- la demanderesse conteste en être redevable, parce que la défenderesse est un télétravailleur au sens de la convention collective de travail n° 85.
Ils ont considéré que la défenderesse est un travailleur à domicile au sens de la loi du 3 juillet 1978 et qu’elle ne peut pas être considérée comme un télétravailleur, parce que le contrat entre la demanderesse et la défenderesse ne remplit pas les conditions de l’article 6 de la convention collective de travail n° 85.
5. Par ce motif, les juges d’appel n’ont pas légalement exclu que la défenderesse soit un télétravailleur au sens de la convention collective de travail n° 85 et n'ont pas légalement justifié leur décision que la demanderesse est redevable de l’indemnité visée à l’article 119.6 de la loi du 3 juillet 1978.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
6. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne la demanderesse au paiement des frais inhérents au travail à domicile et statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du cinq octobre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Mireille Delange et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : S.19.0008.N
Date de la décision : 05/10/2020
Type d'affaire : Droit du travail

Analyses

L'article 119.6 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ne peut s'appliquer qu'à l'égard du travailleur à domicile qui n'est pas un télétravailleur au sens de la convention collective de travail n° 85 du 9 novembre 2005.

CONTRAT DE TRAVAIL - DIVERS - Travail à domicile - Télétravail - Application - Travailleur à domicile - Notion

La seule circonstance qu'aucun contrat écrit n'a été conclu entre un employeur et un travailleur conformément à l'article 6, § 1er, de la convention collective du travail n° 85 du 9 novembre 2005 n'exclut pas que la relation de travail entre cet employeur et ce travailleur relève de son champ d'application (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

CONTRAT DE TRAVAIL - NOTION. ELEMENTS CONSTITUTIFS. FORME - Généralités - Travail à domicile - Télétravail - Contrat écrit - Inexistence - Conséquence [notice2]


Références :

[notice2]

L. du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail - 03-07-1978 - Art. 119.1, § 2, 119.4, § 2, 4°, et 119.6 - 01 / No pub 1978070303 ;

C.C.T. n° 85 du 9 novembre 2005, conclue au sein du Conseil national du Travail, concernant le télétravail - 09-11-2005 - Art. 2, al. 1er et 2, 3, 4, al. 1er, et 6, § 1er et 3 - 32 / Lien DB Justel 20051109-32


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : VAN BENEDEN MIKE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, DELANGE MIREILLE, LIEVENS ANTOINE, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-10-05;s.19.0008.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award