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25/06/2020 | BELGIQUE | N°F.19.0069.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 juin 2020, F.19.0069.N


N° F.19.0069.N
CREATIVE CONSTRUCTION AND RENOVATION, s.a.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d’appel de Gand.
Le 27 mai 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a Ã

©té entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe...

N° F.19.0069.N
CREATIVE CONSTRUCTION AND RENOVATION, s.a.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d’appel de Gand.
Le 27 mai 2020, l’avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport et l’avocat général Johan Van der Fraenen a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
[…]
Sur le second moyen :
4. En vertu de l’article 1er, 1°, de l’arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 6 % pour les biens et services désignés au tableau A de l’annexe à cet arrêté.
Conformément au tableau A, rubrique XXXI, § 1er, de l’annexe à l’arrêté royal précité, les travaux immobiliers et autres opérations visés au paragraphe 3 sont soumis au taux réduit de 6 %, pour autant qu’ils réunissent les conditions suivantes :
- les opérations doivent avoir pour objet la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la réparation ou l’entretien, à l’exclusion du nettoyage, de tout ou partie d’un bâtiment d’habitation ;
- les opérations doivent être affectées à un bâtiment d’habitation qui, après leur exécution, est effectivement utilisé soit exclusivement, soit à titre principal comme logement privé ;
- les opérations doivent être effectuées à un bâtiment d’habitation dont la première occupation précède d’au moins quinze ans la première date d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée survenue en vertu de l’article 22 du code ;
- les opérations doivent être fournies et facturées à un consommateur final par une personne qui, au moment de la conclusion du contrat d’entreprise, est enregistrée comme entrepreneur indépendant conformément aux articles 400 et 401 du Code des impôts sur les revenus 1992 ;
- la facture émise par le prestataire de services, et le double qu’il conserve, doivent, sur la base d’une attestation formelle et précise du client, constater l’existence des divers éléments justificatifs de l’application du taux réduit ; sauf collusion entre les parties ou méconnaissance évidente de cette disposition, l’attestation du client décharge la responsabilité du prestataire de services pour la détermination du taux.
En vertu du tableau A, rubrique XXXI, § 3, 1°, de l’annexe à l’arrêté royal précité, sont visés les travaux de transformation, d’achèvement, d’aménagement, de réparation et d’entretien, à l’exclusion du nettoyage, de tout ou partie d’un immeuble par nature.
5. Il s’ensuit que le tarif réduit s’applique à condition qu’il s’agisse de la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la réparation ou l’entretien d’un immeuble existant et non d’une nouvelle construction.
Le taux réduit à 6 % de la taxe sur la valeur ajoutée prévu au tableau A, rubrique XXXI, § 1er, de l’annexe à l’arrêté royal n° 20 précité s’applique à une opération consistant en la transformation d’un immeuble par nature, sans qu’il soit requis qu’il s’agisse de la transformation d’un immeuble qui avait déjà la destination d’un logement privé. La condition de l’adaptation du bâtiment à sa destination de logement privé ne doit être remplie qu’après l’exécution des travaux. Il n’est pas requis que le bâtiment ou chaque partie du bâtiment ait déjà eu cette destination avant l’exécution des travaux.
Le juge apprécie souverainement si les travaux exécutés ont pour objet la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la réparation ou l’entretien, en tout ou en partie, d’un bâtiment d’habitation ou s’il est question de travaux relatifs à une nouvelle construction, sans préjudice de la possibilité dont dispose la Cour de vérifier si le juge a pu légalement déduire des faits qu’il a constatés que les travaux ont conduit à la réalisation d’une nouvelle construction. Ainsi, il est question de nouvelle construction à laquelle s’applique un taux de 21 % de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque les travaux exécutés ne s’appuient pas sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment et que le bâtiment est reconstruit après démolition, même si certaines parties, comme les fondations, les caves ou seule la façade avant, sont conservées. Il est question de transformation, quelle qu’en soit l’appellation, lorsque les travaux s’appuient de manière significative sur les murs porteurs existants, en particulier les murs extérieurs et, plus généralement, sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment à rénover.
6. Le juge d’appel a constaté et considéré que :
- le projet mis en œuvre à Charleroi comprenait la transformation d’un ancien immeuble de bureaux en un immeuble à appartements ;
- le bâtiment comporte trois bureaux et un certain nombre d’appartements affectés au logement privé ;
- en ce qui concerne les appartements affectés au logement privé, les conditions d’application d’un taux de 6 % de la taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas remplies ;
- les travaux exécutés supposent une « intervention majeure » ;
- de nouveaux appartements ont été créés, ce qui suppose la réalisation d’une toute nouvelle ordonnance, dès lors que chaque appartement affecté au logement privé dispose normalement d’une salle de bains, d’une cuisine, d’un hall d’entrée, de nouvelles entrées et autres, d’espaces, d’aménagements et d’équipements dont les bureaux sont normalement dépourvus ;
- l’immeuble de bureaux est transformé en parties, en appartements, dont la nature, l’ordonnance, le contenu et l’utilisation sont complètement différents de ceux de l’immeuble de bureaux initial ;
- cette intervention majeure trouve sa confirmation dans la grande ampleur des travaux exécutés que reflète leur coût de revient. Il peut être déduit des factures d’achat et de vente que le coût de revient total des appartements et du terrain atteint 571.433,33 euros, alors que le coût de revient des travaux de transformation s’élève à 363.055,08 euros, ce qui implique que le coût de revient des appartements représente 63,53 % du prix de vente, sans exclure la valeur du terrain du calcul, de sorte que ce pourcentage est en réalité encore plus élevé ;
- il peut être admis sur la base de ces éléments que la demanderesse a en réalité réalisé une nouvelle construction et non la transformation, la rénovation, la réhabilitation, la réparation ou l’entretien, à l’exclusion du nettoyage, visés à l’article 1er, alinéa 2, a), de l’arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970, tableau A, XXXI, § 1er, 1° ;
- les plans produits par la demanderesse le confirment. Il est ainsi frappant de constater que les appartements situés aux deuxième, troisième et quatrième étages ont un format complètement différent de celui des locaux initiaux. S’agissant du cinquième étage, seul existe un plan établi après la construction des appartements. Il convient également de relever que les plans produits, qui sont postérieurs aux travaux, ont apparemment été choisis par la demanderesse parce qu’ils ne reproduisent pas en détail les divers équipements précités, normalement présents dans un appartement, et donnent, par conséquent, une image incomplète de la réalité ;
- c’est à juste titre que l’administration a estimé que le taux de 21 % de la taxe sur la valeur ajoutée était applicable ;
- c’est en vain que la demanderesse se réfère à la circulaire n° 86/006 du 22 août 1986 et à la décision E.T. 106.933 du 1er septembre 1994 qui, si elles sont susceptibles de servir de fil directeur aux agents de l’administration, n’ont pas pour effet d’empêcher l’application de la loi fiscale, et qu’il ne pourrait être question de transformation que si les conditions de la circulaire étaient remplies.
7. En statuant de la sorte, sans vérifier si les travaux exécutés s’appuient de manière significative sur les murs porteurs existants, et plus généralement, sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment existant, le juge d’appel n’a pas légalement justifié sa décision.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il décide que le défendeur a appliqué à bon droit le taux de 21 % de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre du projet mis en œuvre à Charleroi et se prononce sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Geert Jocqué et les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Johan Van der Fraenen, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Michel Lemal et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.19.0069.N
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

Il est question de nouvelle construction, à laquelle s’applique un taux de 21 % de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque les travaux exécutés ne s’appuient pas sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment et que le bâtiment est reconstruit après démolition, même si certaines parties, comme les fondations, les caves ou seule la façade avant, sont conservées; il est question de transformation, quelle qu’en soit l’appellation, lorsque les travaux s’appuient de manière significative sur les murs porteurs existants, en particulier les murs extérieurs et, plus généralement, sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment à rénover.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - Taux de 6% - Distincton entre transformation et nouvelle construction - Critères [notice1]


Références :

[notice1]

A.R. n° 20 du 20 juillet 1970 - 20 - 20-07-1970 - Art. 1er - 31


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : JOCQUE GEERT, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-25;f.19.0069.n ?

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