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25/06/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0144.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 juin 2020, C.18.0144.N


N° C.18.0144.N
1. AFG, s.p.r.l.,
2. D. M.,
3. M. C.,
4. AFG VERZEKERINGEN, s.p.r.l.,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,
contre
JANSSEN EN JANSSEN VERZEKERINGEN, s.p.r.l.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 7 mai 2020, l’avocat général Els Herregodts a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport et l’avocat général Els Herregodts a é

té entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent ...

N° C.18.0144.N
1. AFG, s.p.r.l.,
2. D. M.,
3. M. C.,
4. AFG VERZEKERINGEN, s.p.r.l.,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,
contre
JANSSEN EN JANSSEN VERZEKERINGEN, s.p.r.l.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 7 mai 2020, l’avocat général Els Herregodts a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport et l’avocat général Els Herregodts a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. L’article II.3. du Code de droit économique dispose que chacun est libre d’exercer l’activité économique de son choix.
Aux termes de l’article II.4. du même code, la liberté d’entreprendre s’exerce dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi, ainsi que des lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs et des dispositions impératives.
La liberté d’exercer l’activité économique de son choix et la liberté d’entreprendre comprennent la libre concurrence qui ne peut être soumise qu’à des restrictions légales ou contractuelles.
La loi ne prévoit pas d’interdiction de concurrence de la part d’un administrateur d’une société.
2. En vertu de l’article 1134, alinéa 3, du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 1135 du Code civil énonce que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.
Il suit de l’obligation d’exécuter de bonne foi le mandat d’administrateur d’une société que l’administrateur est tenu, envers la société, à un devoir de loyauté qui implique notamment qu’il ne peut, sauf convention contraire, exercer d’activité concurrente à celle de la société aussi longtemps qu’il exerce son mandat au sein de cette société.
Ce devoir de loyauté, qui implique l’interdiction de concurrence, prend fin à la cessation du mandat d’administrateur, sauf convention contraire et sans préjudice de l’interdiction de poser des actes de concurrence déloyale.
3. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- le deuxième demandeur était cogérant de la défenderesse jusqu’au 30 décembre 2010 ;
- la première demanderesse était gérant de fait de la défenderesse du 1er janvier 2011 au 5 novembre 2016 ;
- l’obligation d’agir dans l’intérêt de la société s’impose à tout administrateur, lequel doit faire preuve de loyauté dans ce cadre ;
- il est interdit à l’administrateur de faire concurrence à la société ;
- un administrateur ne peut donc exercer un mandat d’administrateur ou une autre fonction impliquant un pouvoir de décision au profit d’une société qui concurrence celle dont il est administrateur ;
- l’interdiction de concurrence prend cours dès l’acceptation du mandat d’administrateur, en l’occurrence le 1er janvier 2011, et se termine en principe au moment de la cessation du contrat, en l’occurrence le 5 novembre 2016 ;
- il est cependant admis que l’effet de la bonne foi perdure un certain temps après la cessation du contrat d’administration, ce qui entraîne le maintien du devoir de loyauté, en ce compris l’interdiction de concurrence, durant cette période ;
- il s’agit d’une obligation purement contractuelle qui prend effet après le contrat ;
- le deuxième demandeur et la première demanderesse se sont, prima facie, rendus coupables de violation de l’obligation de non-concurrence durant la période où perdure l’interdiction de concurrence fondée sur la bonne foi qui, en l’espèce, est fixée à douze mois après la fin du contrat, intervenue le 5 novembre 2016, et expire le 5 novembre 2017 ;
- cette interdiction de concurrence, dont l’étendue est limitée, est justifiée du fait que la première demanderesse et son représentant permanent, le deuxième demandeur, participaient étroitement à l’administration de la défenderesse, il s’agit d’une petite société présentant un caractère intuitu personae, et les premier et deuxième demandeurs étaient en grande partie responsables du recrutement et de la fidélisation de la clientèle ;
- cette interdiction de concurrence est conciliable avec le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
4. Les juges d’appel ont ainsi considéré que l’ancien administrateur d’une société est tenu à une interdiction de concurrence postcontractuelle sur la base d’un devoir de loyauté qui résulte de l’obligation de l’exécution de bonne foi du mandat d’administrateur.
Par ces motifs, ils n’ont pas légalement justifié leur décision, en confirmant partiellement la décision entreprise, qu’il est interdit à la demanderesse d’approcher de quelque manière que ce soit, pendant un an à partir du 5 novembre 2016, les personnes physiques ou morales qui, au 5 novembre 2016, étaient clientes de la défenderesse, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’un préposé ou d’un mandataire ou par le biais de toute entreprise liée, dans l’objectif ou avec comme conséquence d’engager ces clients dans une relation de clientèle avec un tiers, en particulier la quatrième demanderesse, le tout sous peine d’une astreinte de 15.000 euros par infraction constatée et par client, à compter de la signification de l’arrêt.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, le président de section Geert Jocqué, et les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0144.N
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Droit constitutionnel - Droit civil - Droit commercial

Analyses

La liberté d’exercer l’activité économique de son choix et la liberté d’entreprendre comprennent la libre concurrence qui ne peut être soumise qu’à des restrictions légales ou contractuelles, la loi ne prévoyant pas d’interdiction de concurrence de la part d’un administrateur d’une société (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

ECONOMIE - Liberté de commerce et d'industrie - Libre concurrence - Restrictions - Administrateur d'une société - Application [notice1]

Le devoir de loyauté d’un administrateur d’une société à ne pas concurrencer la société, qui résulte de l’obligation d’exécuter de bonne foi le mandat d’administrateur d’une société, prend fin à la cessation du mandat d’administrateur, sauf convention contraire et sans préjudice de l’interdiction de poser des actes de concurrence déloyale (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

CONVENTION - DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES - Généralités - Exécution de bonne foi - Mandat d’administrateur - Devoir de loyauté - Durée - Portée - SOCIETES - SOCIETES COMMERCIALES - Généralités - Mandat d’administrateur - Exécution - Devoir de loyauté - Durée - Portée [notice2]


Références :

[notice1]

Code de droit économique - 28-02-2013 - Art. II.3 et II.4 - 19 / No pub 2013A11134

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1134, al. 3, et 1135 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : HERREGODTS ELS
Assesseurs : JOCQUE GEERT, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-25;c.18.0144.n ?

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