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13/02/2020 | BELGIQUE | N°F.18.0028.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 février 2020, F.18.0028.N


N° F.18.0028.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. D. D. L.,
2. G. D. C.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2017 par la cour d'appel d'Anvers.
Le 14 octobre 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassati

on
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur...

N° F.18.0028.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. D. D. L.,
2. G. D. C.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2017 par la cour d'appel d'Anvers.
Le 14 octobre 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Quant à la seconde branche :
1. En vertu de l'article 33, alinéa 2, de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, approuvée par la loi du 8 juillet 1977, le Conseil d'administration de l'Office européen des brevets a compétence, conformément à cette convention, pour arrêter et modifier :
a) le règlement financier ;
b) le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de l'Office européen des brevets, le barème de leurs rémunérations ainsi que la nature et les règles d'octroi des avantages accessoires ;
c) le règlement de pensions et toute augmentation des pensions existantes correspondant aux relèvements des traitements ;
d) le règlement relatif aux taxes ;
e) son règlement intérieur.
L'article 16 du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation européenne des brevets du 5 octobre 1973 est libellé comme suit :
« 1. Dans les conditions et selon les modalités que le Conseil d'administration fixe dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la convention, les personnes visées aux articles 13 et 14 seront soumises, au profit de l'Organisation, à un impôt sur les traitements et salaires qui leur sont versés par l'Organisation. À compter de cette date, ces traitements et salaires sont exempts de l'impôt national sur le revenu. Toutefois, les États contractants peuvent tenir compte de ces traitements et salaires pour le calcul de l'impôt payable sur les revenus provenant d'autres sources.
2. Les dispositions du paragraphe premier ne s'appliquent pas aux pensions et retraites payées par l'Organisation aux anciens agents de l'Office européen des brevets. »
En vertu de l'article 17 du même Protocole, le Conseil d'administration détermine les catégories d'agents auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 14, en tout ou en partie, ainsi que les dispositions de l'article 16 et les catégories d'experts auxquels s'appliquent les dispositions de l'article 15. Les noms, qualités et adresses des agents et experts compris dans ces catégories sont communiqués périodiquement aux États contractants.
En vertu de l'article 164.1 du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation européenne des brevets du 5 octobre 1973, le règlement d'exécution, le protocole sur la reconnaissance, le protocole sur les privilèges et immunités, le protocole sur la centralisation et le protocole interprétatif de l'article 69 font partie intégrante de cette convention.
2. Il résulte de la combinaison des articles 33, alinéa 2, points b) et c), de la convention et des articles 16 et 17 du Protocole que le Conseil d'administration est autorisé à établir un règlement fiscal interne applicable aux travailleurs de l'Office européen des brevets sans toutefois pouvoir déroger aux dispositions de l'article 16.2 du Protocole.
Il résulte également de la combinaison de ces dispositions conventionnelles que les membres du personnel retraités de l'Office européen des brevets ne peuvent être considérés comme des membres du personnel de cet organisme international au sens de l'article 16.1 du Protocole.
3. La notion d'« émoluments » au sens de l'article 16.1 du Protocole se rapporte à des rémunérations liées au travail qui sortent du cadre de la rémunération normale d'un membre du personnel de l'Office européen des brevets.
La notion de « pensions », au sens de l'article 16.2 du Protocole, doit être interprétée suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but, sans que le juge soit lié par la qualification donnée par le Conseil d'administration de l'Office européen des brevets à une indemnisation des anciens agents.
4. Il s'ensuit qu'une indemnité qu'un membre du personnel de l'Office européen des brevets perçoit après la cessation de ses fonctions et qui est destinée à lui fournir un revenu durant sa vieillesse doit être considérée comme une pension au sens de l'article 16.2 du Protocole.
La compensation partielle versée par l'Office européen des brevets, qui tend à augmenter la pension de l'ancien membre du personnel et à lui fournir un revenu durant sa vieillesse, est une pension et non un émolument au sens de l'article 16.1 du Protocole.
Il suit de ce qui précède qu'un impôt sur les revenus peut être perçu sur les paiements de pension, y compris le paiement de la compensation partielle, versés à un ancien travailleur de l'Office européen des brevets qui a son domicile en Belgique.
5. Les juges d'appel ont constaté que :
- le litige porte sur une cotisation à l'impôt des personnes physiques pour l'année d'imposition 2010 et, plus précisément, sur la question de savoir si ladite compensation partielle que le défendeur a reçue en tant qu'ancien membre du personnel de l'Office européen des brevets est imposable comme pension au sens de l'article 34, § 1er, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 ;
- par sa décision CA/D 13/77, le Conseil d'administration a élaboré un règlement relatif à l'impôt interne au profit de l'organisation ;
- l'article 3 de ce règlement prévoit que la taxe sera due en tenant compte de l'ensemble des rémunérations, émoluments, bénéfices, allocations, y compris les prestations d'invalidité, et la compensation partielle, reçus de l'Office par les personnes assujetties à l'impôt ;
- le Conseil d'administration a adopté une décision CA/D 14/08 en rapport avec la compensation partielle et que ce règlement s'appliquait aux personnes ayant reçu une pension en raison de fonctions exercées avant le 1er janvier 2009 ;
- en vertu de ce règlement, la catégorie de personnes susmentionnée a droit à une indemnité à titre de compensation partielle de l'impôt national perçu sur pareilles pensions dans les États membres de l'Organisation conformément à la législation nationale qui y est en vigueur ;
- la règle de base pour la compensation partielle conformément à l'article 1.2 de ce règlement est que la compensation, après déduction de l'impôt interne, sera égale à 50 % du montant dont la pension devrait théoriquement être augmentée pour niveler la pression fiscale des États membres sur les pensions.
Ils ont considéré que :
- « il appartient à l'organisation de déterminer le régime fiscal des indemnités allouées aux (anciens) membres du personnel » ;
- le fait qu'une compensation partielle ne soit accordée qu'aux anciens membres du personnel résidant dans un État membre de l'Organisation n'implique pas non plus que cette compensation concerne une pension ;
- la compensation partielle est considérée à bon droit comme un émolument au sens de l'article 16.1 du Protocole ;
- la compensation partielle ne peut être soumise à l'impôt national sur les revenus, mais uniquement à l'impôt interne de l'Organisation.
6. Les juges d'appel, qui ont ainsi indiqué que le juge national est lié par la décision du conseil d'administration CA/D 14/08 qualifiant d'émolument, au sens de l'article 16.1 du protocole, la compensation partielle qui revient aux anciens membres du personnel de l'Office européen des brevets, n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Eric Van Dooren, et prononcé en audience publique du 13 février deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.18.0028.N
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

La compensation partielle versée par l'Office européen des brevets, qui tend à augmenter la pension de l'ancien membre du personnel et à lui fournir un revenu durant sa vieillesse, est une pension et non un émolument au sens de l'article 16.1 du Protocole ; il suit de ce qui précède qu'un impôt sur les revenus peut être perçu sur les paiements de pension, y compris le paiement de la compensation partielle, versés à un ancien travailleur de l'Office européen des brevets qui a son domicile en Belgique.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Revenus professionnels - Pensions - Compensation partielle allouée à un ancien membre du personnes de l'Office européen des brevets - Qualification - Imposabilité [notice1]


Références :

[notice1]

Traité ou Convention internationale - 05-10-1973 - Art. 16 - 31 / Lien DB Justel 19731005-31


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-13;f.18.0028.n ?

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