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08/01/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1302.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 janvier 2020, P.19.1302.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.1302.F
S. E.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusat

ion.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.1302.F
S. E.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Les moyens sont pris de la violation des articles 2 et 6 du Code judiciaire, 11 à 13, 16, 21, 24, 31 à 37 et 40 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, 1er, 7, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 5, 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir violé ses droits de la défense, dès lors qu'il n'a pas eu connaissance, avant l'audience, de l'avis du ministère public, qui a seulement été lu, alors que l'acte qui le contient avait été mis à la disposition de la cour d'appel mais non de son avocat. Par ailleurs, l'arrêt qui réforme la décision ordonnant la mise en liberté du demandeur se borne, sous réserve d'un moyen, à renvoyer à cet avis.
Il ne ressort d'aucune pièce à laquelle la Cour peut avoir égard que l'avis écrit du ministère public aurait été communiqué au siège avant son dépôt à l'audience du 28 novembre 2019, lors de laquelle le demandeur et l'Etat belge ont eux-mêmes chacun déposé leurs conclusions, ni que le demandeur aurait sollicité la remise de l'examen de la cause afin de prendre connaissance de cet acte et d'y répondre.
Ainsi, l'égalité des armes entre le demandeur et ses adversaires n'a, à aucun moment, été rompue et il n'apparaît pas davantage que la cour se soit prononcée sur des pièces qui auraient échappé à la contradiction.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, ni une méconnaissance du droit à un procès équitable ni une violation d'aucune disposition conventionnelle ou légale ne saurait se déduire de la seule circonstance que, pour motiver sa décision déclarant fondé l'appel de l'État belge contre une ordonnance qui a fait droit à la requête de mise en liberté de l'étranger, la juridiction d'instruction déclare adopter les motifs de l'avis du ministère public.
À cet égard, revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen reproche à l'arrêt de vérifier d'emblée s'il existe un risque de fuite, sans avoir au préalable exclu la possibilité d'appliquer efficacement une mesure moins coercitive. Selon le demandeur, ce n'est que s'il s'avère impossible de recourir à une telle mesure qu'il convient, dans un second temps, d'examiner si un risque de fuite persiste.
Le caractère moins coercitif de la mesure alternative qui doit être préférée à la rétention n'implique pas que cette alternative soit moins efficace que la privation de liberté qu'elle remplace.
Partant, lorsque le risque de fuite ou de clandestinité est tel que l'exécution de l'éloignement s'avère illusoire, l'article 15.1 de la directive retour n'interdit pas d'associer, à l'existence de ce risque, la constatation qu'il n'existe pas d'autre mesure que la rétention pour y remédier.
Revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Le demandeur reproche ensuite à l'arrêt de ne pas évaluer légalement le risque de fuite. Selon lui, les juges d'appel ne pouvaient admettre ce risque sur le seul constat que le demandeur n'avait pas obtempéré à l'ordre de quitter le territoire qu'il avait reçu le 20 février 2019, leur décision ne contenant aucune appréciation individuelle quant au caractère actuel et réel du risque de fuite et le demandeur n'ayant pas été atteint par la notification de la décision qu'il lui est reproché de ne pas avoir respectée.
Par adoption des motifs de l'avis du ministère public, l'arrêt considère que le risque de fuite est justifié par le refus du demandeur d'obtempérer à une mesure d'éloignement, l'intéressé s'étant vu notifier le 20 février 2019 une décision de retrait du droit de séjour avec ordre de quitter le territoire, laquelle n'a été suivie d'aucun effet utile.
Par ces énonciations, l'arrêt considère que la décision de privation de liberté est fondée sur le constat, fait par l'autorité administrative, que le demandeur ne se conforme pas aux mesures prises à son égard. Ainsi, l'arrêt justifie légalement sa décision qu'un risque de fuite demeure.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, en tant qu'il requiert une appréciation des éléments de fait de la cause, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le demandeur soutient que l'ordre de quitter le territoire le visant, auquel l'arrêt fait référence, n'est pas rédigé en français et n'a pas été traduit. Le moyen en conclut que l'arrêt viole la loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.
Le principe de l'unicité de la langue, consacré par la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, ne s'applique qu'aux actes de la procédure judiciaire. Si le juge ne connaît pas la langue dans laquelle les pièces déposées par l'administration ont été rédigées, il peut en demander la traduction, mais aucune interdiction ne lui est faite d'avoir égard à des pièces rédigées dans une langue autre que celle de la procédure.
Procédant d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du huit janvier deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.19.1302.F
Date de la décision : 08/01/2020
Type d'affaire : Droit administratif - Droit pénal

Analyses

Ni une méconnaissance du droit à un procès équitable ni une violation d'aucune disposition conventionnelle ou légale ne saurait se déduire de la seule circonstance que, pour motiver sa décision déclarant fondé l'appel de l'État belge contre une ordonnance qui a fait droit à la requête de mise en liberté de l'étranger, la juridiction d'instruction déclare adopter les motifs de l'avis du ministère public (1). (1) Cass. 3 juillet 2019, RG P.19.0645.F, inédit ; Cass. 23 octobre 2013, RG P.13.1601.F, Pas. 2013, n° 544.

ETRANGERS - Mesure d'éloignement du territoire - Mesure privative de liberté - Recours auprès du pouvoir judiciaire - Arrêt de la chambre des mises en accusation - Motivation - Adoption des motifs du réquisitoire du ministère public - Droit à un procès équitable [notice1]

Ni une méconnaissance du droit à un procès équitable ni une violation d'aucune disposition conventionnelle ou légale ne saurait se déduire de la seule circonstance que, pour motiver sa décision déclarant fondé l'appel de l'État belge contre une ordonnance qui a fait droit à la requête de mise en liberté de l'étranger, la juridiction d'instruction déclare adopter les motifs de l'avis du ministère public (1). (1) Cass. 3 juillet 2019, RG P.19.0645.F ; Cass. 23 octobre 2013, RG P.13.1601.F, Pas. 2013, n° 544.

JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Etrangers - Mesure d'éloignement du territoire - Mesure privative de liberté - Recours auprès du pouvoir judiciaire - Arrêt de la chambre des mises en accusation - Motivation - Adoption des motifs du réquisitoire du ministère public - Droit à un procès équitable [notice2]

Le caractère moins coercitif de la mesure alternative qui doit être préférée à la rétention n'implique pas que cette alternative soit moins efficace que la privation de liberté qu'elle remplace; partant, lorsque le risque de fuite ou de clandestinité est tel que l'exécution de l'éloignement s'avère illusoire, l'article 15.1 de la directive retour n'interdit pas d'associer, à l'existence de ce risque, la constatation qu'il n'existe pas d'autre mesure que la rétention pour y remédier.

ETRANGERS - Mesure d'éloignement du territoire - Mesure privative de liberté - Légalité - Absence de mesure moins coercitive - Constatation - Prise en compte du risque de fuite [notice3]

En considérant que la décision de privation de liberté est fondée sur le constat, fait par l'autorité administrative, que l'étranger ne se conforme pas aux mesures d'éloignement prises à son égard, la chambre des mises en accusation justifie légalement sa décision qu'un risque de fuite demeure.

ETRANGERS - Mesure d'éloignement du territoire - Mesure privative de liberté - Légalité - Risque de fuite - Constatation - Non-respect de mesures d'éloignement antérieures [notice4]


Références :

[notice1]

Loi - 15-12-1980 - Art. 71 et 72 - 30 / No pub 1980121550

[notice2]

Loi - 15-12-1980 - Art. 71 et 72 - 30 / No pub 1980121550

[notice3]

Directive CE - 16-12-2008 - Art. 15.1 ;

Loi - 15-12-1980 - Art. 7, al. 3 - 30 / No pub 1980121550

[notice4]

Loi - 15-12-1980 - Art. 7, al. 3 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-08;p.19.1302.f ?

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