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06/12/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0282.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2019, C.18.0282.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0282.F
FÉDÉRATION DE RUSSIE, représentée par sa Mission permanente auprès de l'Union européenne, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard du Régent, 31-33,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre
GODEAU FINANCES, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Berchem-Sainte-Agathe, avenue Charles-Quin

t, 584,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de c...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0282.F
FÉDÉRATION DE RUSSIE, représentée par sa Mission permanente auprès de l'Union européenne, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard du Régent, 31-33,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre
GODEAU FINANCES, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Berchem-Sainte-Agathe, avenue Charles-Quint, 584,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 20 novembre 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de la nouveauté :
Le moyen, en chacune de ses branches, critique les motifs qui fondent la décision de l'arrêt que le litige relève du pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges.
N'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le juge donne pour justifier sa décision, ce motif fût-il relatif à une exception qui, bien que devant être invoquée avant toute défense au fond, n'a pas été rejetée pour ne pas avoir été invoquée en temps utile.
Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de ce que la demanderesse a renoncé à son immunité de juridiction :
Il n'existe aucune règle coutumière internationale en vertu de laquelle l'État qui introduit un recours contre un jugement qui l'a condamné par défaut, qui conclut au fond avant de se prévaloir de son immunité de juridiction ou qui introduit une demande reconventionnelle, est présumé renoncer à son immunité de juridiction.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Quant à la seconde branche :
L'immunité de juridiction des États est la règle de droit coutumier international qui interdit aux juridictions d'un État d'exercer leur pouvoir de juger sur un autre État qui n'y a pas consenti.
Cette règle reçoit exception lorsque l'action dirigée contre l'État étranger est relative, non à un acte accompli dans l'exercice de la puissance publique, mais à un acte de gestion.
Pour déterminer si un acte accompli par un État l'a été dans l'exercice de la puissance publique, il convient d'avoir égard à la nature de cet acte et à la qualité en laquelle cet État est intervenu en tenant compte du contexte dans lequel l'acte a été accompli.
Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la défenderesse réclamait à la demanderesse le paiement de la somme de 719.950 euros et que la défenderesse se fondait soit sur l'existence d'un accord de la demanderesse, représentée par la Mission permanente de la demanderesse auprès de l'Union européenne, ayant pour objet le paiement à la défenderesse de ladite somme à titre d'indemnisation en cas de renonciation de la demanderesse à l'acquisition des immeubles à construire visés dans la lettre d'intention du 20 juin 2010, soit, à défaut de preuve de cet accord, sur la base de l'article 1382 du Code civil, en raison des conditions dans lesquelles les pourparlers entre les parties ont été rompus.
L'arrêt attaqué considère qu'« afin de déterminer si le privilège immunitaire doit ou non opérer, [...] il convient de vérifier si l'acte posé par l'État relève ou non de sa souveraineté », qu'« alors que les actes de souveraineté, qui relèvent du jure imperii, sont protégés par l'immunité de juridiction, les actes de gestion (jure gestionis) ne le sont pas » et que « le critère permettant de distinguer, du point de vue de l'immunité de juridiction, l'acte de souveraineté de l'acte de gestion, n'est pas celui de sa finalité mais celui de sa nature [...] ou de sa forme ».
Il en déduit que « les actes posés par la Mission [permanente de la demanderesse auprès de l'Union européenne] en vue de l'acquisition d'un ensemble de biens immobiliers destinés à servir de logement au personnel de la mission diplomatique relèvent de la gestion et ne constituent pas des actes par lesquels s'exerce la souveraineté de la [demanderesse] » et que « ces actes ne sont pas couverts par l'immunité de juridiction ».
L'arrêt attaqué, qui considère ainsi que les actes posés par la Mission permanente de la demanderesse auprès de l'Union européenne sont des actes de gestion en se fondant uniquement sur la nature ou la forme de ces actes sans examiner la qualité en laquelle la demanderesse est intervenue compte tenu du contexte dans lequel ces actes ont été accomplis, viole la coutume internationale précitée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur l'étendue de la cassation :
La cassation de l'arrêt attaqué entraîne l'annulation de l'arrêt du 7 septembre 2018 qui en est la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Annule l'arrêt du 7 septembre 2018 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé et de l'arrêt annulé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du six décembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.18.0282.F
Date de la décision : 06/12/2019
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'immunité de juridiction des Etats reçoit exception lorsque l'action dirigée contre l'Etat étranger est relative non à un acte accompli dans l'exercice de la puissance publique mais à un acte de gestion (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMMUNITE - Etat étranger - Immunité de juridiction - Exception

Pour déterminer si un acte accompli par l'Etat l'a été dans l'exercice de la puissance publique, il convient d'avoir égard à la nature de cet acte et à la qualité en laquelle cet Etat est intervenu en tenant du contexte dans lequel l'acte a été accompli (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMMUNITE - Etat étranger - Immunité de juridiction - Exercice de la puissance publique - Détermination - Critères


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-06;c.18.0282.f ?

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