N° C.18.0600.N
ING BELGIQUE, s.a.,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. ZAKENKANTOOR DE NYS, s.p.r.l.,
2. F. D. N.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 juin 2018 par la cour d'appel d'Anvers.
Le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions le 22 août 2019.
Le président de section Alain Smetryns a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir :
1. Les défendeurs opposent au moyen, en cette branche, une fin de non-recevoir : le moyen, en cette branche, se borne à invoquer la violation de l'article X.17 du Code du droit économique, alors que cette disposition n'a été introduite dans ce code que par la loi du 2 avril 2014 et ne s'applique qu'aux contrats conclus après la date de son entrée en vigueur, à savoir le 31 mai 2014, tandis que le contrat d'agence a en l'espèce été conclu et résilié avant cette date.
2. Le moyen qui, en cette branche, reproduit les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale et qui ajoute qu'elles sont désormais consacrées à l'article X.17 dudit code, n'invoque pas, pour le surplus, la violation de l'article 19 de ladite loi du 19 avril 1995 mais de l'article X.17 du code qui, compte tenu de la date à laquelle le contrat a été conclu et de celle à laquelle il a été résilié, ne s'applique pas en l'espèce.
3. Toutefois, étant donné que l'article X.17 reprend en termes identiques les dispositions de l'article 19 de la de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale, l'erreur ainsi commise dans la mention de la disposition légale violée n'a pas d'incidence sur l'appréciation du bien-fondé du moyen en cette branche.
La fin de non-recevoir du moyen, en cette branche, ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen en cette branche :
4. L'article 19, alinéa 1er, de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale dispose que chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations.
L'alinéa 2 de l'article précité dispose que le contrat ne peut plus être résilié sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait qui l'aurait justifié est connu de la partie qui l'invoque depuis sept jours ouvrables au moins.
5. Le fait qui donne lieu à la résiliation sans préavis ou avant l'expiration du terme du contrat d'agence commerciale conformément à l'article 19, alinéa 2, est connu de la partie qui s'en prévaut lorsque celui-ci a acquis suffisamment de certitude quant à l'existence du fait et des circonstances qui en font un motif de résiliation sans préavis, pour pouvoir prendre une décision en connaissance de cause, spécialement pour fonder sa propre conviction ainsi qu'à l'égard de l'autre partie et du juge.
Seul est à cet égard déterminant, le moment où l'existence et la gravité des faits sont connues de la partie qui s'en prévaut, et non le moment où cette partie aurait pu s'en rendre compte. S'il est nécessaire d'ouvrire une enquête pour obtenir une certitude suffisante, le seul fait qu'une telle enquête aurait pu être ouverte et achevée plus tôt ne suffit pas à conclure à la tardiveté.
6. Le juge d'appel décide que :
- il n'est « pas du tout crédible qu'avant le 1er février 2013, [la demanderesse] [...] n'ait pas eu une connaissance suffisante de ces faits et circonstances, qu'elle a ensuite invoqués pour justifier la résiliation immédiate du contrat d'agence commerciale » ;
- il est en effet constant que « dès le 16 janvier 2013, la demanderesse prit connaissance des faits invoqués pour justifier la résiliation immédiate de l'agence commerciale par le biais d'une lettre de la même date » ;
- « ces faits [...] pouvaient être vérifiés immédiatement au sein de l'administration de la banque et [la demanderesse] n'a pas fourni la moindre justification quant à la raison pour laquelle la vérification des faits aurait pris plus de deux semaines ».
7. Le juge d'appel qui, par ces motifs, décide que la demanderesse n'a pas résilié le contrat de manière régulière et qui, en réalité, fonde cette irrégularité sur la circonstance que le demandeur aurait pu se rendre compte plus tôt des faits et de leur gravité, ne justifie pas légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf par le président de section Alain Smetryns, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.