N° C.19.0048.N
SERVAGRI, s.a.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
ESC BELGIUM, s.p.r.l.u.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 3 septembre 2018 par le tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand, statuant en dernier ressort.
Le 18 septembre 2019, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. L'article 1716 du Code judiciaire dispose qu'il ne peut être interjeté appel contre une sentence arbitrale que si les parties ont prévu cette possibilité dans la convention d'arbitrage. Sauf stipulation contraire, le délai pour interjeter appel est d'un mois à partir de la communication de la sentence faite conformément à l'article 1678.
Aux termes de l'article 1717, § 1er, du même code, la demande d'annulation n'est recevable que si la sentence ne peut plus être attaquée devant les arbitres.
2. Il suit de ces dispositions que, lorsque les parties ont prévu, dans la convention d'arbitrage, la possibilité d'interjeter appel de la sentence arbitrale, elles ne peuvent introduire de demande d'annulation aussi longtemps que le délai d'appel n'est pas expiré ou aussi longtemps que l'appel est pendant devant les arbitres. Il s'ensuit également qu'elles doivent exercer le droit d'appel avant de pouvoir introduire une demande d'annulation.
3. L'article 1718 du Code judiciaire précise que la clause de la convention d'arbitrage ou d'une convention ultérieure qui exclut tout recours en annulation d'une sentence arbitrale est illicite lorsqu'une des parties est une personne physique ayant la nationalité belge ou son domicile ou sa résidence habituelle en Belgique ou une personne morale ayant en Belgique son siège statutaire, son principal établissement ou une succursale.
4. Cette disposition, qui intéresse l'ordre public, vise à empêcher que les parties ayant un lien avec la Belgique se voient priver de la protection juridique offerte par la procédure d'annulation.
Cette interdiction s'étend aux dispositions qui refusent de facto aux parties l'accès à la procédure d'annulation. Tel est le cas lorsque des conditions financières manifestement déraisonnables sont posées à l'épuisement des voies de recours préalablement à la demande d'annulation de la sentence arbitrale.
5. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- tant la demanderesse que la défenderesse sont des sociétés établies en Belgique ;
- l'objet du litige représente une valeur pécuniaire d'environ 40.000 euros ;
- par décision arbitrale du 17 mars 2017, la défenderesse a été condamnée à un montant de 40.850 euros en principal ;
- la défenderesse a interjeté appel de la décision arbitrale auprès de la commission d'arbitrage RUCIP (Règles et Usages du Commerce Intereuropéen de la Pomme de Terre) ;
- la commission d'arbitrage RUCIP a demandé le règlement d'un montant de 15.207 euros ;
- la défenderesse n'ayant pas réglé ce montant, il a été présumé qu'elle se désistait de son appel ;
- la défenderesse a introduit une demande d'annulation de la décision arbitrale.
6. Dans ces circonstances, le juge a pu, sur la base des motifs substitués au considérant 4, légalement déclarer recevable la demande d'annulation de la sentence arbitrale du 17 mars 2017.
Le moyen, qui, fût-il fondé, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Alain Smetryns et Koen Mestdagh et les conseillers Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.