La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/09/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0248.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 septembre 2019, C.18.0248.N


N° C.18.0248.N
1. P. A., et consorts,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. THE LIFE ASSETS FUND PLC, société de droit irlandais,
2. J. B., et consorts,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
[…]
11. CITY FINANCIAL INVESTMENT COMPANY LIMITED, s.r.l. de droit anglais,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
12. SW1 CAPITAL LP, société de droit étranger,
13. N. E.,
14. P. D.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est di

rigé contre l’arrêt rendu le 18 octobre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 1er juillet 2019, l’avocat...

N° C.18.0248.N
1. P. A., et consorts,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. THE LIFE ASSETS FUND PLC, société de droit irlandais,
2. J. B., et consorts,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
[…]
11. CITY FINANCIAL INVESTMENT COMPANY LIMITED, s.r.l. de droit anglais,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
12. SW1 CAPITAL LP, société de droit étranger,
13. N. E.,
14. P. D.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 octobre 2017 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 1er juillet 2019, l’avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L’avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
[…]
Quant à la seconde branche :
3. En vertu de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
4. Le lieu où le fait dommageable s’est produit doit, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, s’entendre soit du lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage, soit du lieu où le dommage est survenu (arrêt Bier, 30 novembre 1976, C-21/76 ; arrêt Réunion européenne SA, 27 octobre 1998, C-51/97 ; arrêt Harald Kolossa, 28 janvier 2015, C-375/13 ; arrêt Universal Music International Holding BV, 16 juin 2016, C-12/15).
5. La Cour de justice de l’Union européenne considère dans une jurisprudence constante que la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » ne vise pas le lieu du domicile du demandeur au seul motif qu’il y aurait subi un préjudice financier résultant de la perte d’éléments de son patrimoine intervenue et subie dans un autre État membre. En revanche, l’attribution de compétence aux juridictions du lieu du domicile du demandeur est justifiée dans la mesure où le domicile du demandeur constitue effectivement le lieu de l’événement causal ou celui de la matérialisation du dommage (arrêt Harald Kolossa, 28 janvier 2015, C-375/13, points 48-50 ; arrêt Löber, 12 septembre 2018, C-304/17, points 23-25).
6. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- les demandeurs, en tant qu’investisseurs, ont formé une action en paiement de dommages et intérêts contre les défendeurs pour atteinte portée à la valeur du gage des fonds de placement dans lesquels ils avaient investi, en l’occurrence des assurances sur la vie américaines, à la suite de leur mauvaise gestion par les défendeurs ;
- les prétendus manquements sur lesquels les demandeurs fondent leurs demandes n’ont pas de lien avec le territoire belge, dès lors qu’ils sont intervenus en Irlande, au Royaume-Uni ou aux États-Unis d’Amérique ;
- le dommage allégué a été causé à l’objet du placement, à savoir des assurances sur la vie américaines, qui, comme les demandeurs le savaient parfaitement, étaient placées dans des trusts américains ;
- les demandeurs ont versé leur apport de 50.000 euros sur un compte appartenant à l’administrateur (trustee) américain P. ;
- par conséquent, le dommage invoqué s’est produit en Amérique et n’a pu être ressenti que par répercussion dans le patrimoine des demandeurs dont une grande partie résidait ou était établie en Belgique ;
- ce dernier élément ne constitue cependant pas un critère de rattachement suffisant pour que le dommage se soit matérialisé en Belgique.
7. En considérant que la perte des éléments du patrimoine des demandeurs est intervenue aux États-Unis, de sorte que le dommage direct s’y est produit, et en décidant sur la base de ce motif que les tribunaux belges sont sans juridiction en vertu de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001, les juges d’appel n’ont pas violé cette disposition.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
[…]
Sur le second moyen :
13. En vertu de l’article 96, 2°, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, les juridictions belges sont compétentes pour connaître de toute demande en matière d’obligations, outre dans les cas prévus par les dispositions générales de ce code, lorsque cette demande concerne une obligation dérivant d’un fait dommageable a) si le fait générateur de l’obligation est survenu ou menace de survenir, en tout ou en partie, en Belgique ou b) si et dans la mesure où le dommage est survenu ou menace de survenir en Belgique.
14. Il ressort de l’article 96, 2°, précité et de la genèse de la loi que cette disposition se base sur la jurisprudence interprétative de la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001, actuellement article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (« règlement Bruxelles Ibis »).
15. Dans la mesure où il soutient que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001 ne saurait fonder, par analogie, l’interprétation de l’article 96, 2°, du Code de droit international privé, le moyen manque en droit.
16. Pour le surplus, le moyen s’appuie sur le grief vainement invoqué à la seconde branche du premier moyen.
Dans la mesure où il en est déduit, le moyen est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Alain Smetryns et les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du cinq septembre deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général André Van Ingelgem, avec l’assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0248.N
Date de la décision : 05/09/2019
Type d'affaire : Droit européen - Droit international privé

Analyses

Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire; le lieu où le fait dommageable s'est produit doit, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, s'entendre soit du lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage, soit du lieu où le dommage est survenu; la notion de « lieu où le fait dommageable s'est produit » ne vise pas le lieu du domicile du demandeur au seul motif qu'il y aurait subi un préjudice financier résultant de la perte d'éléments de son patrimoine intervenue et subie dans un autre État membre; en revanche, l'attribution de compétence aux juridictions du lieu du domicile du demandeur est justifiée dans la mesure où le domicile du demandeur constitue effectivement le lieu de l'événement causal ou celui de la matérialisation du dommage (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Principes - Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, article 5.3 - Juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit - Cour de Justice de l'Union européenne - Notion - COMPETENCE ET RESSORT - COMPETENCE INTERNATIONALE [notice1]

En vertu de l'article 96, 2°, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, les juridictions belges sont compétentes pour connaître de toute demande en matière d'obligations, outre dans les cas prévus par les dispositions générales de ce code, lorsque cette demande concerne une obligation dérivant d'un fait dommageable a) si le fait générateur de l'obligation est survenu ou menace de survenir, en tout ou en partie, en Belgique ou b) si et dans la mesure où le dommage est survenu ou menace de survenir en Belgique; il ressort de l'article précité et de la genèse de la loi que cette disposition se base sur la jurisprudence interprétative de la Cour de justice de l'Union européenne concernant l'article 5, § 3, du règlement n° 44/2001, actuellement article 7, § 2, du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

COMPETENCE ET RESSORT - COMPETENCE INTERNATIONALE - Code de droit international privé, article 96, 2° - Demande en matière d'obligations - Compétence des juridictions belges - Conditions - Jurisprudence interprétative de la Cour de justice de l'Union européenne - Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, article 5.3 - Conséquence [notice3]


Références :

[notice1]

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale - 22-12-2000 - Art. 5.3

[notice3]

L. du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé - 16-07-2004 - Art. 96, 2° - 31 / No pub 2004009511 ;

Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale - 22-12-2000 - Art. 5.3


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : VAN INGELGEM ANDRE
Assesseurs : SMETRYNS ALAIN, MOENS KOENRAAD, JOCQUE GEERT, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-09-05;c.18.0248.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award