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21/06/2019 | BELGIQUE | N°F.15.0067.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 juin 2019, F.15.0067.N


N° F.15.0067.N
EUROPABANK, s.a.,
Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2014 par la cour d'appel de Gand.
Le 21 mai 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général

Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, j...

N° F.15.0067.N
EUROPABANK, s.a.,
Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2014 par la cour d'appel de Gand.
Le 21 mai 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
1. En vertu de l'article 251, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1964, devenu ensuite l'article 346, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 dans la version avant sa modification par l'article 7 de la loi du 19 mai 2010 portant des dispositions fiscales et diverses, tel qu'il s'applique au litige, le contribuable peut faire valoir ses observations par écrit dans un délai d'un mois suivant l'envoi de l'avis de rectification, lequel délai peut être prolongé pour de justes motifs. La cotisation ne peut être établie avant l'expiration de ce délai, éventuellement prolongé, sauf si le contribuable a marqué son accord par écrit sur la rectification de sa déclaration ou si les droits du Trésor sont en péril pour une cause autre que l'expiration des délais d'imposition.
2. Cette disposition tend à garantir le droit de défense du contribuable et à éviter que celui-ci se voie infliger une amende administrative ou que la cotisation soit établie d'office, ce qui entraîne le renversement de la charge de la preuve, avant d'avoir pu faire valoir ses observations. Il s'ensuit que, si le contribuable répond à l'avis de rectification dans le mois qui suit son envoi, l'administration peut, après réception de cette réponse, procéder à l'établissement de la cotisation après l'expiration de ce délai et avant l'expiration d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit celui de l'envoi de l'avis.
3. Les juges d'appel ont constaté que :
- l'avis de rectification a été envoyé le 27 novembre 1992 ;
- la demanderesse a répondu le 22 décembre 1992, soit dans le mois suivant l'envoi de l'avis ;
- la cotisation a été établie le 30 décembre 1992, soit plus d'un mois après l'envoi de l'avis de rectification.
4. Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision que la cotisation a valablement été établie le 30 décembre 1992.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
5. Si le contribuable répond à l'avis de rectification dans le mois qui suit son envoi, le point de départ du délai d'un mois doit s'apprécier en fonction des seuls intérêts du fisc, de sorte que le délai à observer vis-à-vis de ce dernier court, dans ce cas, à compter du jour de l'envoi de l'avis de rectification de la déclaration.
6. Le moyen, qui, en cette branche, part du principe que le point de départ du délai d'un mois est déterminé dans tous les cas par la réception, par le contribuable, de l'avis de rectification de la déclaration, même lorsqu'il répond dans le délai d'un mois à compter de l'envoi, repose sur un soutènement inexact, partant, manque en droit.
Sur le second moyen :
Quant à la deuxième branche :
7. En vertu de l'article 11, § 1er, de la Convention du 19 octobre 1970 entre la Belgique et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur les revenus, les intérêts provenant d'un État contractant et attribués à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État.
L'article 11, § 2, de cette convention précise que ces intérêts peuvent toutefois être imposés dans l'État contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais que l'impôt ainsi établi ne peut excéder quinze pour cent du montant des intérêts.
L'article 23, § 3, de la même convention prévoit que, lorsqu'un résident d'un État contractant reçoit des revenus qui, conformément aux dispositions, entre autres, de l'article 11, § 2, ont été effectivement imposés dans l'autre État contractant, le premier État accorde audit résident une déduction de l'impôt dû sur ces revenus, égale à quinze pour cent du montant des revenus susvisés qui est compris dans la base imposable au nom de ce résident.
En vertu du principe général de la primauté du droit international sur le droit national, cette convention prime sur les dispositions du droit national.
Il s'ensuit que, dès lors que la convention impose l'octroi de la réduction d'impôt qui y est prévue, il ne peut être donné suite à des règles de droit interne belge qui subordonnent cette réduction à des conditions complémentaires.
8. En considérant que, pour pouvoir prétendre à la réduction d'impôt visée dans la Convention du 19 octobre 1970 entre la Belgique et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d'impôts sur les revenus, il faut remplir les conditions prescrites par le droit belge, à savoir, dans le présent litige, la condition de l'exercice d'une activité professionnelle prévue à l'article 187 du Code des impôts sur les revenus 1964, et en refusant cette réduction d'impôt sur la base de ce motif, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la troisième branche :
9. Tous les revenus et produits de capitaux et de biens meubles utilisés par une société commerciale pour l'exercice de son activité professionnelle constituent des revenus professionnels.
Les circonstances qu'il n'existe pas de lien entre une opération réalisée par une société et son objet statutaire et qu'une opération a été effectuée dans le seul but d'obtenir un avantage fiscal n'excluent dès lors pas que les revenus et produits qui sont le résultat de cette opération soient considérés comme des revenus professionnels.
10. Suivant l'article 44, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1964, les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables sont déductibles à titre de frais professionnels.
En vertu de l'article 96 de ce code, cette disposition s'applique aux sociétés commerciales.
Il ne suit pas de cette disposition que la déduction de dépenses ou de charges professionnelles soit subordonnée à la condition qu'elles soient inhérentes à l'activité sociale de la société commerciale telle qu'elle ressort de son objet social.
11. Les circonstances qu'il n'existe pas de lien entre une opération réalisée par une société et son activité sociale ou son objet statutaire et qu'une opération a été effectuée dans le seul but d'obtenir un avantage fiscal n'excluent pas en soi que les frais afférents à de telles opérations puissent être considérés comme des frais professionnels déductibles.
12. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- les opérations donnant droit à l'imputation de la quotité forfaitaire d'impôt étranger (QFIE) ne revêtaient pas un caractère professionnel, dès lors que le placement effectué dans des obligations italiennes ne relevait pas des activités normales d'une banque et que la demanderesse ne s'était jamais livrée auparavant à des transactions analogues ;
- le placement portait sur un montant équivalant à pas moins de cinq fois les fonds propres de la demanderesse, alors qu'il n'existait aucune garantie quant au résultat final ;
- la demanderesse avait acheté les obligations le 10 octobre 1989 et les avait déjà revendues quelques heures plus tard le même jour ;
- la demanderesse n'a jamais eu l'intention d'inscrire un résultat comptable positif au moyen d'un montage QFIE ;
- le montage QFIE était motivé par des fins purement fiscales en vue de l'obtention d'un avantage en matière d'impôts.
13. En considérant que le montage QFIE, envisagé dans son ensemble, ne répond pas à la finalité requise par l'article 44, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1964, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Alain Smetryns et les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et François Stévenart Meeûs, et prononcé en audience publique du vingt et un juin deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : F.15.0067.N
Date de la décision : 21/06/2019
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

Si le contribuable répond à l'avis de rectification dans le mois qui suit son envoi, l'administration peut, après réception de cette réponse, procéder à l'établissement de la cotisation après l'expiration de ce délai et avant l'expiration d'un mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit celui de l'envoi de l'avis; dans ce cas, le délai à observer vis-à-vis de ce dernier court à compter du jour de l'envoi de l'avis de rectification de la déclaration (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

IMPOTS SUR LES REVENUS - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Rectification de la déclaration par l'administration - Avis de rectification - Délai pour l'établissement de la cotisation - Point de départ [notice1]

En vertu du principe général de la primauté du droit international sur le droit national, la convention belgo-italienne prime sur les dispositions du droit national; il s'ensuit que, dès lors que la convention belgo-italienne impose l'octroi de la réduction d'impôt qui y est prévue, il ne peut être donné suite à des règles de droit interne belge qui subordonnent cette réduction à des conditions complémentaires (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

IMPOTS SUR LES REVENUS - CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention belgo-italienne préventive de doubles impositions du 19 octobre 1970 - Résident de la Belgique - Caractère imposable des intérêts - Réduction d'impôt octroyée par la convention - Conditions complémentaires posées dans le droit interne - Conséquence [notice2]

Il ne suit pas de l'article 44, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1964 qui, en vertu de l'article 96 du même code, s'applique aux sociétés commerciales, que la déduction de frais professionnels soit subordonnée à la condition qu'ils soient inhérents à l'activité sociale de la société commerciale telle qu'elle ressort de son objet social; la circonstance qu'il n'existe pas de lien entre une opération réalisée par une société et son activité sociale ou son objet statutaire et qu'une opération ait été effectuée dans le seul but d'obtenir un avantage fiscal n'exclut pas en tant que telle que les frais afférents à de telles opérations puissent être qualifiés de frais professionnels déductibles (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES SOCIETES - Détermination du revenu global net imposable - Frais professionnels - Conditions de déductibilité [notice3]


Références :

[notice1]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 346 - 30 / No pub 1992003455

[notice2]

Convention entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement d'Italie, signée à Bruxelles, le 19 octobre 1970 - 19-10-1970 - Art. 11 et 23 - 31

[notice3]

Code des Impôts sur les Revenus 1964 - 26-02-1964 - Art. 44, al. 1er - 31 ;

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - act. art. 49 - 30 / No pub 1992003455


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : VAN DER FRAENEN JOHAN
Assesseurs : SMETRYNS ALAIN, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-06-21;f.15.0067.n ?

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