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12/06/2019 | BELGIQUE | N°P.18.1001.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2019, P.18.1001.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1001.F
I. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
1. S. R.
2. B. J.
3. de S. O.
prévenus,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Thomas De Nys, avocat au barreau de Bruxelles,
II. D'H. V.
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile,
contre
S. R., mieux qualifié ci-dess

us,
prévenu,
défendeur en cassation,
III. B.J-F.
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour d...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1001.F
I. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
1. S. R.
2. B. J.
3. de S. O.
prévenus,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Thomas De Nys, avocat au barreau de Bruxelles,
II. D'H. V.
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile,
contre
S. R., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu,
défendeur en cassation,
III. B.J-F.
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseil Maître Christophe Van Melckebeke van den Nieuwenhuysen, avocat au barreau de Bruxelles,
IV. 1. L. E.D M.
2. B. G.
3. LE L. F.
4. P. S.
5. LE L. E.
6. F. Cl.
7. DE L.C.
8. DE A. P.
9. M. A.
10. M.R.
11. P. V.
12. P. I.
13. H. O.
14. S. B.
15. M. P.
16. K. E.
17. K. I.
les demandeurs 1 à 8 et 10 à 17 ayant fait élection de domicile à l'étude de l'huissier de justice Luc Indekeu, à Forest, avenue Brugmann, 69,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Dimitri de Béco et Caroline Heymans, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de Wynants, 23, où il est fait élection de domicile par Alice Mazur,
les pourvois contre
1. S. R.mieux qualifié ci-dessus,
2. OGYEN KUNZANG CHÔLING LE DOMAINE DE LA CLAIRE LUMIERE, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Ixelles, rue de Livourne, 111,
prévenus,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Thomas De Nys, avocat au barreau de Bruxelles,
V. 1. B. M.
2. L.M. R.
ayant fait élection de domicile à l'étude de l'huissier de justice Hugues Hellebaut, à Ixelles, boulevard de la Cambre, 3/34,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Maryse Alié et Agathe De Brouwer, avocats au barreau de Bruxelles,
les pourvois contre
1. S. R., mieux qualifié ci-dessus,
2. de S. O. mieux qualifiée ci-dessus,
prévenus,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur I invoque trois moyens, la demanderesse II, le demandeur III et les demandeurs IV chacun un et les demandeurs V en font valoir deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Aux audiences des 13 mars et 12 juin 2019, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
Le 23 avril 2019, le défendeur R. S. a déposé une note en réponse aux conclusions du ministère public.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la fin de non-recevoir opposée aux pourvois des demandeurs II à V par R. S.et déduite de ce qu'ils n'ont pas été signifiés de manière régulière :
Le défendeur, qui est domicilié à l'étranger, reproche aux demandeurs II à V d'avoir chacun signifié son pourvoi à l'adresse de son domicile élu en Belgique mais non à la personne de son mandataire, Maître Quentin Wauters. Selon le défendeur, la personne qui a reçu la copie de l'exploit des huissiers de justice instrumentant, Madame S. A., est une préposée de l'association de fait d'avocats établie à cette adresse et à laquelle appartient Maître Wauters, de sorte que ces significations, qui méconnaissent l'article 39 du Code judiciaire, seraient non avenues.
Selon l'arrêt, le défendeur a « fait élection de domicile au cabinet de son avocat Me Quentin Wauters » et, selon le courrier électronique de cet avocat, joint au mémoire de la demanderesse II, « l'élection de domicile [du défendeur] en [son] cabinet est valable pour la procédure en cassation ».
Conformément à l'article 39, alinéa 1er, du Code judiciaire, lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification et la notification peuvent être faites à ce domicile. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que si la copie de l'exploit est remise au domicile élu en mains propres du mandataire, la signification est réputée faite à personne.
À peine de faire dépendre la recevabilité du recours de la seule volonté du mandataire de la personne qu'il vise, il ne découle ni de cet article 39 ni d'aucune autre disposition que la signification au domicile élu ne peut être faite qu'en mains de ce mandataire, à l'exclusion notamment de ses préposés.
Par ailleurs, il résulte seulement de l'alinéa 2 de l'article 39 précité que si la copie de l'exploit de signification au domicile élu n'est pas remise en mains propres du mandataire du destinataire de cet acte, la signification n'est pas réputée faite à personne.
Les significations des pourvois des demandeurs au défendeur sont partant régulières.
Et ces significations suffisant à assurer la recevabilité des pourvois, il est sans intérêt d'examiner la régularité des autres significations du pourvoi du demandeur III au défendeur.
La fin de non-recevoir ne peut dès lors être accueillie.
A. Sur le pourvoi du procureur général :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R.S. :
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 149 de la Constitution et 21 et 24, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale :
1. La Cour est compétente pour vérifier s'il ressort des pièces de la procédure que la prescription de l'action publique est acquise et qu'elle a été interrompue ou suspendue.
En cas de délit collectif, la prescription court à partir du dernier fait commis avec la même intention délictueuse, pour autant que le délai de prescription ne soit écoulé entre aucun des faits.
2. Le défendeur est notamment poursuivi, dans la cause I, du chef de faux en écritures (préventions A.1, b, 1°, a ; A.1. e, 1°, a et A.2, a) et d'usage de ces faux, avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire (préventions A.1, b, 1°, b ; A.1, e, 2°, b et A.2, b).
L'arrêt considère que la prescription de l'action publique relative à ces faux, mis notamment à charge du défendeur, est acquise dès lors qu'ils auraient été commis plus de trois ans avant l'entrée en vigueur, le 31 décembre 1993, de l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993, qui, en modifiant l'article 21 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, a porté à cinq ans le délai de la prescription applicable aux délits.
3. Lorsqu'un prévenu, soupçonné d'être l'auteur de la pièce fausse, est également poursuivi du chef d'en avoir fait usage avec la même intention frauduleuse, l'usage du faux n'est que la continuation du faux lui-même. Le faux et l'usage du faux ne constituent, dans ce cas, qu'une seule infraction continuée, à propos de laquelle la prescription prend cours au moment où cesse l'usage, ce dernier se perpétuant, même sans fait nouveau de l'auteur du faux et sans intervention itérative de sa part, tant que le but qu'il visait n'est pas entièrement atteint et tant que l'acte initial qui lui est reproché ne cesse pas d'engendrer, sans qu'il s'y oppose, l'effet utile qu'il en attendait.
Selon les préventions, que la cour d'appel n'a pas modifiées, le défendeur aurait fait usage des trois faux précités avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire que ceux ayant présidé à leur confection et ce, depuis la date de celle-ci jusqu'au moins, respectivement, les 19 mai 2008, 22 avril 2008 et 16 juillet 2007.
Ces dates constituent ainsi le point de départ du délai primaire de la prescription pour les trois préventions.
Selon le libellé des préventions, l'action publique relative à ces faux n'était donc pas prescrite à la date de l'entrée en vigueur de l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993 précitée, de sorte qu'elle est soumise au délai quinquennal de prescription.
Conformément à l'article 21 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ainsi modifié, l'action publique aurait donc été prescrite, au plus tôt, respectivement, les 19 mai 2013, 22 avril 2013 et 16 juillet 2012, sous réserve des causes de suspension ou d'interruption de la prescription.
Sans préjudice de l'éventuelle unité d'intention entre ces faits et ceux qui pourraient avoir été commis plus tard, le cours de la prescription de l'action publique a été interrompu notamment par le plumitif de l'audience de la chambre des mises en accusation, du 20 mars 2013, pour les deux premiers et, pour le dernier, par l'ordonnance de la chambre du conseil qui, le 12 novembre 2010, a renvoyé les prévenus devant le tribunal correctionnel du chef de ces préventions et d'autres.
4. En vertu de l'article 24, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la prescription de l'action publique est suspendue lorsque la loi le prévoit ou lorsqu'il existe un obstacle légal à l'introduction ou à l'exercice de l'action publique.
La cour d'appel a considéré en fait que les infractions visées aux préventions non prescrites de la cause I et à la prévention A de la cause II, causes qui ont été jointes par le premier juge en raison de leur connexité, « à les supposer établies, constituent, sans interruption pendant un laps de temps plus long que le délai de prescription en vigueur, la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse ».
Eu égard à ces considérations, les circonstances qui suspendent la prescription de l'action publique et afférentes à l'une de ces deux causes ont également cet effet suspensif sur le cours de la prescription dans l'autre.
Sans préjudice de l'éventuelle unité d'intention entre les faits qui furent jugés atteints par la prescription et d'autres, visés aux préventions et qui auraient été commis ultérieurement, il ressort de l'arrêt attaqué que ce délai de prescription de cinq ans a, en tout état de cause, été suspendu pendant les instances en cassation ouvertes à la suite de pourvois contre les décisions ordonnant le renvoi devant le tribunal correctionnel, soit, respectivement, du 23 octobre 2013, date de la décision rendue par la chambre des mises en accusation statuant sur le règlement de la procédure en ce qui concerne la cause I, au 7 janvier 2015, date de l'arrêt rendu par la Cour, et du 10 janvier 2013, date de la décision rendue par la chambre des mises en accusation statuant sur le règlement de la procédure en ce qui concerne la cause II, au 11 septembre 2013, date de l'arrêt rendu par la Cour.
En effet, même si l'article 24 nouveau du titre préliminaire du Code de procédure pénale ne prévoit pas expressément une telle cause de suspension, la suspension de la prescription de l'action publique résulte de tout obstacle légal qui empêche le jugement de cette action.
Conformément à l'article 21 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, l'action publique relative aux deux premiers faits précités aurait donc été prescrite, en raison de la première cause de suspension précitée, au plus tôt, le 5 juin 2019, soit à un moment où la prescription était à nouveau suspendue, en raison du pourvoi dont la Cour est actuellement saisie. Entretemps, la cour d'appel n'a pas réformé la décision du premier juge de joindre les causes I et II et a constaté que les faits de la première, non atteints par la prescription, et la prévention A de la seconde, procédaient de la même intention délictueuse. Dès lors, la prescription aurait été atteinte, au plus tôt, le 4 février 2020, date à laquelle s'ajoutera, à tout le moins, la période de suspension découlant du présent pourvoi.
Quant aux faits constitutifs du troisième faux précité et de son usage, selon le libellé des préventions, ils procèderaient de la même intention délictueuse que d'autres, plus récents. La cour d'appel ne s'est pas prononcée concrètement quant à l'existence ou à l'absence d'un tel lien, qu'elle a cependant admis entre tous les autres faits de la cause I et ceux visés à la prévention A de la cause II, reprochés au défendeur, de sorte qu'il n'est pas établi que la prescription concernant les troisièmes faits serait acquise.
5. Par ailleurs, lorsque la suspension de la prescription de l'action publique intervient durant le premier terme de la prescription, les actes d'instruction ou de poursuite peuvent être accomplis durant le délai pendant lequel la prescription est suspendue et ils l'interrompent de la manière prévue à l'article 21 précité.
La prescription est alors interrompue par le dernier acte d'instruction ou de poursuite accompli durant la suspension en cours.

Le début du second terme de la prescription est, en pareille hypothèse, reporté au moment où la suspension prend fin.
Sous réserve de l'appréciation, par le juge du fond, de l'éventuelle unité d'intention entre ces faits et d'autres plus récents, le dernier acte de poursuite ayant interrompu le cours de la prescription durant le délai primaire afférent aux deux premiers faux et, le cas échéant, en fonction de l'existence d'une éventuelle intention délictueuse unique, au troisième, est le plumitif de l'audience précitée du 20 mars 2013. Cet acte est toutefois intervenu alors que le cours de la prescription de l'action publique était suspendu.
Le délai primaire de la prescription pourrait donc de surcroît être arrivé à son terme alors que la prescription était suspendue en raison d'un pourvoi en cassation pendant devant la Cour et cette suspension a pris fin le 11 septembre 2013.
6. Indépendamment notamment de la suspension de la prescription en raison du pourvoi actuellement soumis à la Cour, et sans préjudice de l'appréciation, par le juge du fond, de l'éventuelle unité d'intention entre ces faits et d'autres plus récents, le deuxième terme de la prescription serait donc en tout état de cause venu à échéance, au plus tôt, après la prononciation de l'arrêt attaqué.
Dès lors, la cour d'appel a violé les dispositions légales reprises au moyen.
7. La cour a également constaté que l'action publique exercée en cause du défendeur du chef des préventions d'extorsion C.2 à C.6 et de l'abus de confiance visé sous F.3 était éteinte en raison de la prescription.
Toutefois, selon le libellé des préventions concernant notamment le défendeur, les faits de la cause I auraient été commis entre le 10 janvier 1975 (un abus de confiance repris sous F.3, mais également le commandement au sein d'une association de malfaiteurs) et le 20 mai 2008 (notamment l'usage de faux repris sous A.1, b, 1°, b) et constitueraient la manifestation successive et continue, dans le chef du défendeur, d'une intention délictueuse unique, le dernier fait ayant été commis le 19 mai 2008.
Par aucune énonciation, l'arrêt n'indique que les faits, notamment, de participation en qualité de dirigeant à une association de malfaiteurs, qui se seraient poursuivis jusqu'au 8 mars 1999, ne procéderaient pas de la même intention délictueuse que celle qui, d'après l'arrêt, unit les autres infractions reprises sous cette cause, aux extorsions et à l'abus de confiance précités.
Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision que l'action publique relative à ces infractions est éteinte par l'effet de la prescription.
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 21ter et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 21bis, 28quater, alinéa 3, et 47bis du Code d'instruction criminelle :
8. Pour décider que les poursuites qui visent, notamment, le défendeur sont irrecevables, en raison d'un ensemble d'irrégularités qui, selon la cour d'appel, ont atteint de manière irrémédiable le droit des prévenus à un procès équitable, l'arrêt attaqué énonce ou considère que
- l'expert-comptable a empiété sur les prérogatives du juge ou des enquêteurs, avec lesquels il a œuvré de concert, en examinant notamment des questions juridiques, tandis qu'il a accompli des devoirs qui n'avaient pas été sollicités, de sorte que « les éléments contenus dans les douze rapports d'expertise ne peuvent définitivement plus asseoir une preuve fiable [quant aux préventions de faux et d'usage de ces faux, d'infractions fiscales, d'extorsion, d'escroquerie, d'abus de confiance et de blanchiment] »,
- les interrogatoires des prévenus ont été réalisés sans que ces derniers aient pu bénéficier du droit à l'assistance d'un avocat, de sorte que ces actes ne pourraient constituer la base d'une condamnation des auteurs de ces déclarations ou d'autres prévenus,
- le procureur du Roi a manqué à son devoir de loyauté, en ouvrant une information portant sur les mêmes faits que ceux dont le juge d'instruction était saisi. Selon la cour d'appel, ce faisant, le procureur du Roi a détourné « sciemment la procédure pénale, de manière secrète, afin d'accomplir des actes de violation de la vie privée dont la compétence exclusive appartient au juge d'instruction », de sorte que l'usage de la preuve qui résulte de ces investigations est définitivement et irrémédiablement contraire au droit à un procès équitable,
- le procureur du Roi a autorisé, sans qu'aucune demande n'eût été formulée, cent trente et une personnes à prendre connaissance et copie du dossier. Cet accès, sans contrôle préalable, a, selon la cour d'appel, permis des « fuites » sur les réseaux sociaux et a considérablement réduit la fiabilité des preuves contenues dans les auditions effectuées ensuite,
- les « droits de la défense [des prévenus] ont été sciemment et volontairement violés » devant les premiers juges, en raison, d'une part, du refus de ces derniers d'accorder aux parties le droit d'interroger à l'audience les personnes entendues, qui se sont manifestées à la suite du courrier précité du procureur du Roi et, d'autre part, de l'absence de réaction du tribunal lorsque ces personnes évoquaient des faits étrangers à sa saisine,
- le délai raisonnable pour juger les prévenus a été dépassé depuis l'arrêt de la chambre des mises en accusation du 23 octobre 2013, qui a statué sur le règlement de la procédure.
9. Conformément à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la nullité d'un élément de preuve obtenu irrégulièrement n'est décidée que si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, ou l'irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve, ou l'usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Par ailleurs, en application de l'article 47bis, § 6, 9), du Code d'instruction criminelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le fondement de déclarations qu'elle a faites en violation des règles y indiquées, en ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l'assistance d'un avocat au cours de l'audition.
Enfin, en règle, conformément à l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi.
10. Il résulte de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et des dispositions qui règlent certains des actes énumérés ci-avant, que la conséquence de l'irrégularité d'un élément de preuve, la sanction de la violation du droit à la concertation préalable et à l'assistance d'un avocat, et celle de la méconnaissance du droit à être jugé dans un délai raisonnable, ne sont pas l'irrecevabilité des poursuites ou de l'action publique, mais, lorsque ces irrégularités sont légalement constatées par le juge du fond, respectivement la mise à l'écart de l'élément de preuve illégal, l'interdiction faite à cette juridiction de trouver des preuves de la culpabilité dans une déclaration faite en violation du droit précité et l'atténuation de la sanction prononcée voire comminée par la loi.
Par ailleurs, le troisième cas d'exclusion de la preuve irrégulière visé à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, auquel la cour d'appel a rattaché sa décision, implique que le juge qui envisage d'écarter une preuve irrégulière détermine si la procédure a été équitable. Il lui appartient, à cette fin, de vérifier si les droits de la défense ont été respectés.
Enfin, l'équilibre des droits entre les parties n'épuise pas la notion de procès équitable. L'idéal de justice en est également une composante. Il en résulte que le poids de l'intérêt public à la poursuite d'une infraction et au jugement de ses auteurs peut être pris en considération et mis en balance avec l'intérêt de l'individu à ce que les preuves à sa charge soient recueillies régulièrement.
11. De son côté, l'irrecevabilité de l'action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d'intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable.
L'irrecevabilité de cette action ne se confond dès lors pas avec l'irrégularité ou la nullité de l'acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l'origine.
Le caractère irrémédiable d'une atteinte portée au droit à un procès équitable doit être démontré et constaté concrètement par le juge et il ne saurait s'identifier à la circonstance même qu'un tel grief, auquel il incombe d'abord au juge de tenter de remédier, serait avéré. Ainsi, la décision qui se borne à affirmer que ce droit a été méconnu de manière irrémédiable ne saurait passer pour légalement justifiée au regard de cette exigence.
Cette vérification exige également un examen de la cause dans son ensemble, à l'effet de rechercher si un vice inhérent à un stade de la procédure a pu, ou non, être corrigé par la suite.
A cet égard, il y a lieu d'examiner notamment si les parties se sont vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation. Ce contrôle tient compte de la qualité de l'élément de preuve, en ce compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de son exactitude.
12. Le juge du fond apprécie en fait les conséquences que les irrégularités qu'il dit avoir constatées ont eues sur la manière dont le droit à un procès équitable du prévenu peut encore, ou non, s'exercer. La Cour vérifie toutefois si, de ses constatations, il a pu légalement déduire, à la fois, l'irrégularité même des actes d'instruction ou de poursuite et les conséquences qu'il y a attachées, lorsqu'elles ne sont pas celles comminées par la loi.
13. Pour constater que le droit des prévenus à un procès équitable est irrémédiablement atteint, de sorte que l'irrecevabilité des poursuites devait être ordonnée, les juges d'appel ont constaté que plusieurs irrégularités affectaient certains actes d'instruction.
14. Ils ont d'abord relevé que l'expert judiciaire aurait fait preuve de partialité pour les motifs énoncés ci-avant, soit en s'arrogeant les prérogatives du juge, en œuvrant de concert avec les enquêteurs, en n'envisageant pas une explication à décharge relative à certaines transactions et en accomplissant des enquêtes qui ne lui avaient pas été demandées. Ils en concluent que la fiabilité des preuves relatives aux préventions de faux et d'usage de ces faux, d'infraction fiscale, d'extorsion, d'escroquerie, d'abus de confiance et de blanchiment, « qui ont été libellées sur la base des douze rapports d'expertise judiciaire comptable », est définitivement compromise.
L'équité procédurale peut notamment être compromise lorsque le recueil des preuves, dans son ensemble, s'est déroulé dans des circonstances qui portent atteinte à la fiabilité de la preuve obtenue parce que le doute plane sur l'impartialité des personnes chargées de l'enquête.
La crainte d'une récolte de preuves réalisée de manière partiale doit toutefois être justifiée de manière objective. Le juge doit constater qu'il existe des motifs faisant légitimement craindre aux parties la naissance d'un tel risque de partialité.
Le caractère suffisant du degré d'indépendance et d'impartialité des personnes et organes en charge de l'enquête s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances particulières de chaque espèce.
Par ailleurs, il découle de l'article 962 du Code judiciaire que la mission confiée à un expert doit se limiter à recueillir les éléments de fait nécessaires pour permettre au juge d'appliquer les règles de droit pertinentes ; le juge ne peut charger l'expert de donner un avis sur le fondement des poursuites.
Pour apprécier si l'expert s'est borné à procéder à des constatations ou à donner un avis technique ou s'il s'est arrogé la juridiction du juge en ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé des poursuites et pour vérifier s'il est sorti du cadre que le juge lui a assigné, il y a lieu d'examiner la formulation de la mission dans son ensemble et de tenir compte de tous les éléments propres à l'expertise, comme la technicité de la mission et le contexte dans lequel l'expert est chargé de celle-ci. Il peut arriver que la question à laquelle l'expert est chargé de répondre, d'un point de vue technique, se confonde avec celle que le juge doit trancher sur le plan juridique.
Il ressort du réquisitoire désignant cet expert, dont le contenu est reproduit par l'arrêt, que l'homme de l'art fut invité par le juge d'instruction à se prononcer sur les indices des infractions dont ce dernier était saisi, y compris le blanchiment, à identifier les éventuels faux, à lui suggérer tous devoirs utiles à la manifestation de la vérité et à l'assister lors de l'exécution des devoirs d'investigation, l'expertise ne concernant en tout état de cause que certaines des infractions dont la cour d'appel était saisie. Sans avoir eu égard à la formulation de la mission confiée à l'expert ni aux éléments propres à cette expertise pour déterminer si l'homme de l'art s'était arrogé des prérogatives qui ne lui appartenaient pas et n'avait pas agi de la manière demandée par le juge d'instruction, la cour d'appel a considéré que ladite expertise était irrégulière et que les preuves en résultant n'étaient pas fiables.
En outre, la circonstance même que la fiabilité d'une expertise est douteuse, comme l'a décidé la cour d'appel, n'a, en règle, pour effet ni d'emporter l'irrecevabilité de l'ensemble des poursuites ni de dispenser le juge de l'examen, d'une part, des préventions auxquelles cet acte se rapporte en fonction des autres preuves régulièrement produites et, d'autre part, des préventions étrangères à la preuve critiquée.
Les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision de dire que l'expertise comptable réalisée par l'expert judiciaire était irrégulière. L'aurait-elle été, ils n'ont pas davantage légalement justifié leur décision que toute autre preuve des infractions auxquelles se rapportait cette expertise est définitivement compromise en raison des griefs qu'ils ont formulés à l'égard de l'expert.
15. Les juges d'appel ont ensuite constaté que les auditions des suspects ayant été réalisées sans que les intéressés aient bénéficié du droit à l'assistance d'un avocat, la cour « ne peut [en] tirer le moindre élément de culpabilité [...], tant à leur égard qu'à l'égard des autres prévenus qui invoquent la même violation ».
Le défaut d'assistance d'un avocat au cours de l'audition d'un suspect n'a pas, en règle, pour conséquence qu'il soit porté irrémédiablement atteinte aux droits de la défense ou qu'un traitement équitable de la cause soit définitivement exclu.
Lorsque le juge envisage une autre sanction que celle prévue par la loi, il lui appartient de vérifier quel est l'impact concret de l'absence de cette assistance sur l'exercice des droits de la défense du suspect et sur son droit à un procès équitable au cours du déroulement ultérieur de la procédure. Par ailleurs, lorsque la même personne, toujours sans avocat à ce stade de la procédure, consent des déclarations qui incriminent également des tiers, la preuve ainsi recueillie à charge de ceux-ci n'est pas, en soi, irrégulière. Sans préjudice de la possibilité pour lui de revenir sur leur contenu, le suspect n'agit alors que comme un témoin dont la déposition, pour être reçue, ne doit pas être faite en la présence d'un conseil.
Par aucune considération, les juges d'appel n'ont constaté l'impact concret qu'avaient eu, pour les prévenus, de telles déclarations, qui ne sont pas nulles, tandis qu'ils ne pouvaient en exclure d'autorité et de manière absolue l'usage à l'égard de coprévenus. Ainsi, ils n'ont pas légalement justifié leur décision que cette circonstance avait contribué à compromettre de manière irrémédiable l'exercice des droits de la défense du défendeur.
16. L'arrêt constate encore que le procureur du Roi de Bruxelles a ouvert, le 5 janvier 2006, une information visant des faits identiques à ceux dont le magistrat instructeur était toujours saisi. Selon les juges d'appel, le représentant du ministère public, en « détournant sciemment la procédure pénale, de manière secrète, afin d'accomplir des actes de violation de la vie privée dont la compétence exclusive [appartient] au juge d'instruction », a empiété sur les prérogatives de ce dernier, de sorte que l'usage des preuves découlant de ces actes méconnaîtrait définitivement et irrémédiablement le droit à un procès équitable des prévenus.
Mais conformément à l'article 28quater, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle, le devoir et le droit d'information du procureur du Roi subsistent après l'intentement de l'action publique. Ce devoir et ce droit d'information cessent toutefois pour les faits dont le juge d'instruction est saisi, dans la mesure où l'information porterait sciemment atteinte à ses prérogatives, sans préjudice de la réquisition prévue à l'article 28septies, alinéa 1er, du même code et dans la mesure où le juge d'instruction saisi de l'affaire ne décide pas de poursuivre lui-même l'ensemble de l'enquête.
À la supposer avérée, la circonstance que le ministère public aurait ordonné, même en connaissance de cause, des devoirs de sa compétence à propos de faits dont un juge d'instruction n'est pas encore dessaisi, n'emporte pas, en elle-même, la démonstration du fait qu'il a ainsi été sciemment porté atteinte aux prérogatives de ce dernier.
Selon la cour d'appel, au rang des éléments qui ont donné lieu aux investigations du procureur du Roi figurent, d'une part, une information de la Sûreté de l'Etat du 7 décembre 2005 relative à la mise en vente d'un immeuble appartenant au défendeur et, d'autre part, un rapport de la Cellule de traitement des informations financières du 9 février 2006.
Par aucune énonciation de l'arrêt, les juges d'appel n'exposent en quoi les actes accomplis par le procureur du Roi plusieurs années après la délivrance de l'ordonnance de soit-communiqué, selon l'arrêt, auraient sciemment porté atteinte aux prérogatives du juge d'instruction, lequel avait, en 2003, estimé son instruction terminée.
Par ailleurs, en qualifiant la preuve jugée irrégulière d' « éventuellement contenue » dans l'information susdite, la cour d'appel ne fait état que d'une hypothèse et n'a, partant, ni constaté concrètement que ce dossier contenait des éléments illicites, dont l'usage porterait atteinte au droit des prévenus à un procès équitable, ni recherché si un vice, à le supposer établi, inhérent à ce stade de la procédure a pu, ou non, être corrigé par la suite, notamment en examinant si les parties se sont vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve concerné et de s'opposer à son utilisation. Enfin, la circonstance même, que relève l'arrêt attaqué, qu'une preuve aurait été recueillie en violation du droit au respect de la vie privée, ne justifie pas sa mise à l'écart, et a fortiori l'irrecevabilité des poursuites, pareille méconnaissance n'étant pas, à elle seule, de nature à rendre l'usage d'une telle preuve contraire au droit à un procès équitable.
La cour d'appel n'a, partant, pas légalement justifié sa décision que tout usage de la preuve recueillie dans le cadre du dossier précité serait définitivement et irrémédiablement contraire au droit du défendeur à un procès équitable.
17. La cour d'appel a également reproché au ministère public d'avoir adressé un courrier à de nombreuses personnes qui, selon elle, n'étaient pas directement intéressées au sens de l'article 21bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, dans son libellé à l'époque de la communication, courrier les avisant de la tenue imminente du procès et de la possibilité de s'y constituer partie civile, tout en les autorisant à prendre connaissance et copie du dossier, alors qu'aucune demande en ce sens n'avait été formulée. Selon la cour, ce courrier aurait suscité des réactions qualifiées de fuites et des auditions, dont les procès-verbaux furent déposés lors des débats devant le tribunal, certaines des personnes interrogées décidant de surcroît de se constituer partie civile. Les déclarations précitées ne seraient pas fiables en raison des interférences entre elles.
Contrairement à ce qu'énonce l'arrêt, l'article 21bis précité n'a pas pour portée d'interdire au ministère public, auquel incombe un devoir d'information des victimes, après la clôture de l'information ou de l'instruction, d'aviser les parties susceptibles d'être intéressées, d'initiative et dans le respect du droit à la présomption d'innocence des prévenus, des suites de la procédure, et d'octroyer à cette occasion l'autorisation susvisée à l'ensemble des victimes potentielles des infractions. Ni cette disposition ni aucune autre n'interdit par ailleurs au procureur du Roi de déposer, durant les débats au fond, des procès-verbaux ou informations complémentaires, pourvu qu'ils puissent être débattus de manière contradictoire.
Dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision selon laquelle le ministère public avait outrepassé sa compétence et avisé de manière irrégulière ces personnes, tandis que procèdent d'une hypothèse et ne sauraient partant justifier pareille décision, les considérations de l'arrêt selon lesquelles des fuites qualifiées d'éventuelles auraient découlé de cette communication et des interférences, non autrement étayées, entre personnes interrogées auraient influencé leurs dires.
18. Enfin, la cour d'appel a considéré que le premier juge, en déniant aux prévenus le droit d'interroger lors des débats à l'audience les personnes se disant victimes, entendues à la suite du courrier précité du procureur du Roi, et en refusant d'interrompre ces dernières lorsqu'elles faisaient des déclarations à propos de faits échappant à la saisine du tribunal, avait sciemment et volontairement violé les droits de la défense des premiers.
Tout en constatant que la cour d'appel avait, quant à elle, entendu ces personnes en permettant à la défense de leur poser toute question utile, les juges d'appel ont cependant estimé qu'en raison de l'absence de contradiction devant le tribunal, ils n'ont pu « confronter les éventuelles divergences ou nuances entre les déclarations recueillies devant elle et les propos qui eurent pu être différents de ceux consignés dans les plumitifs de première instance à la suite des questions posées par la partie poursuivante et/ou la défense ».
Mais l'arrêt, d'une part, constate en réalité que la cour d'appel, entendant à l'audience les personnes précitées et autorisant les parties à leur poser toutes les questions utiles, a fait ce qu'il dit que le premier juge eût dû faire et, d'autre part, pour le surplus, ne fait état que d'hypothèses en énonçant n'avoir pu confronter des divergences ou nuances, qualifiées d'éventuelles, entre les déclarations des personnes entendues devant la cour et celles, le cas échéant différentes, qui auraient pu être faites si le respect du contradictoire avait été assuré devant le tribunal.
Ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement imputé à la méconnaissance du principe contradictoire devant le premier juge, le caractère d'une atteinte irrémédiable au droit des prévenus à un procès équitable.
19. Le dépassement du droit du prévenu à être jugé dans un délai raisonnable est sanctionné conformément à l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Partant, le seul constat par le juge du fond que ce délai est dépassé ne justifie pas légalement la décision d'irrecevabilité des poursuites.
20. La décision de la cour d'appel que les poursuites sont irrecevables n'est pas légalement justifiée.
21. Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux moyens qui, à les supposer fondés, ne seraient pas de nature à entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du présent dispositif.
Le contrôle d'office
22. Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf les illégalités à censurer ci-après, conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de J. B. :
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 21ter et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 21bis, 28quater, alinéa 3, et 47bis du Code d'instruction criminelle :
23. Pour les motifs indiqués au second moyen pris d'office sur le pourvoi du demandeur contre la décision relative à R. S., la décision de la cour d'appel que les poursuites sont irrecevables n'est pas légalement justifiée.
24. Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux moyens du demandeur qui, à les supposer fondés, ne seraient pas de nature à entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du présent dispositif.
Le contrôle d'office
25. Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf les illégalités à censurer ci-après, conforme à la loi.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de O.de S. :
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 149 de la Constitution et 21 et 24, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale :
26. La défenderesse est notamment poursuivie, dans la cause I, du chef de faux en écritures (préventions A.1, b, 1°, a ; A.1. e, 1°, a et A.2, a) et d'usage de ces mêmes faux (préventions A.1, b, 1°, b ; A.1, e, 2°, b et A.2, b) et d'abus de confiance (prévention F.3).
L'arrêt considère que la prescription de l'action publique relative aux faux précités, imputés notamment à la défenderesse, est acquise, dès lors qu'ils auraient été commis plus de trois ans avant l'entrée en vigueur, le 31 décembre 1993, de l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993, qui, en modifiant l'article 21 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, a porté à cinq ans le délai de la prescription applicable aux délits.
Selon les préventions, que la cour d'appel n'a pas modifiées, la défenderesse aurait fait usage des trois faux précités avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire que ceux ayant présidé à leur confection et ce, depuis la date de celle-ci jusqu'au moins, respectivement, les 10 mars 1998, 22 avril 2008 et 16 juillet 2007.
27. Mais, d'une part, pour les motifs indiqués au premier moyen pris, d'office, sur le pourvoi contre la décision relative à R.S., la cour d'appel a omis de prendre en considération la circonstance qu'en l'espèce, le faux et son usage ne constitueraient qu'une seule infraction, et n'a pas eu égard à la survenance de causes de suspension de la prescription de l'action publique.
Partant, la cour d'appel a violé les articles 21 et 24, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
28. D'autre part, selon le libellé des préventions concernant la défenderesse, tous les faits de la cause I auraient été commis entre le 10 janvier 1975 et le 20 mai 2008 et constitueraient, dans le chef de la défenderesse, la manifestation successive et continue d'une intention délictueuse unique, de sorte que le dernier fait aurait été commis le 19 mai 2008.
Par aucune considération, l'arrêt n'énonce que l'usage des faux précités, qui forme avec le faux lui-même une seule infraction continuée et se serait poursuivi au moins, respectivement, jusqu'aux 10 mars 1998, 22 avril 2008 et 16 juillet 2007, ne procéderait pas de la même intention délictueuse que celle constatée par l'arrêt en ce qui concerne les autres infractions reprises sous la cause I et visant la défenderesse.
Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision que l'action publique relative à ces faux et à leur usage est éteinte par l'effet de la prescription.
29. Enfin, la cour d'appel a décidé que l'action publique était également éteinte en raison de la survenance de la prescription, en ce qui concerne les poursuites visant la défenderesse du chef des détournements repris sous la prévention F.3 et qui auraient été commis, à plusieurs reprises, entre le 10 janvier 1975 et le 12 janvier 1990.
Mais en admettant que les faits d'autres préventions, contemporains de ces éventuels détournements, aient procédé, dans le chef de la défenderesse, de la même intention délictueuse que des faits qui n'étaient pas prescrits, et en s'abstenant d'indiquer que la cour d'appel entendait ainsi s'écarter du libellé des préventions en ce qui concerne les détournements repris sous F.3, l'arrêt ne justifie pas davantage sa décision que ces derniers faits sont prescrits.
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 21ter et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 21bis, 28quater, alinéa 3, et 47bis du Code d'instruction criminelle :
30. Pour les motifs indiqués au second moyen pris, d'office, en réponse au pourvoi du demandeur contre la décision relative à R.S., la décision de la cour d'appel que les poursuites sont irrecevables n'est pas légalement justifiée.
31. Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux moyens du demandeur qui, à les supposer fondés, ne seraient pas de nature à entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du présent dispositif.
Le contrôle d'office
32. Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf les illégalités à censurer ci-après, conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de V. D'H. contre la décision rendue sur l'action civile exercée par cette demanderesse contre R. S. :
33. La cassation de la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R. S. entraîne l'annulation de la décision déclarant la cour d'appel sans compétence pour connaître des demandes de la partie civile dont elle demeurait saisie dans la mesure de l'appel du défendeur. La deuxième décision est, en effet, unie à la première par un lien nécessaire.
34. Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen de la demanderesse, lequel ne saurait entraîner la cassation dans d'autres termes que ceux du présent dispositif.
35. Pour le surplus, la demanderesse se désiste de son pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre d'autres prévenus que R. S.
La Cour n'a pas égard au désistement, fait par un avocat dont il n'apparaît pas qu'il soit porteur d'une procuration spéciale et qui n'est pas avocat à la Cour de cassation, d'un pourvoi formé par la partie civile contre une décision rejetant totalement ou partiellement sa demande, le désistement du pourvoi équivalant en pareil cas à un désistement de l'action.
36. La demanderesse n'a pas eu d'instance liée devant le juge du fond avec d'autres prévenus que le défendeur et le jugement ne prononce aucune condamnation à sa charge au profit de tels coprévenus.
Dans cette mesure, le pourvoi est irrecevable.
C. Sur le pourvoi de J.-F. B. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le demandeur contre R.t S. :
37. La cassation de la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R. S. entraîne l'annulation de la décision déclarant la cour d'appel sans compétence pour connaître des demandes de la partie civile dont elle demeurait saisie dans la mesure de l'appel du demandeur et du défendeur. La deuxième décision est, en effet, unie à la première par un lien nécessaire.
38. Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen du demandeur, lequel ne saurait entraîner la cassation dans d'autres termes que ceux du présent dispositif.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le demandeur contre l'association sans but lucratif Ogyen Kunzang Chôling :
Sur l'ensemble du moyen :
39. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3 du Code judiciaire, 21ter et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 21bis, 28quater, 47bis et 199 du Code d'instruction criminelle.
Le demandeur reproche à l'arrêt de déclarer les poursuites contre la défenderesse irrecevables, après avoir constaté que plusieurs irrégularités avaient été commises soit durant l'instruction, soit après le renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel et lors des débats devant ce dernier. Ce faisant, les juges d'appel auraient méconnu les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, notamment celles qui règlent la manière d'exécuter les devoirs critiqués par les juges d'appel ou qui sanctionnent l'omission d'observer les conditions de leur mise en œuvre.
40. Pour les motifs indiqués au second moyen pris, d'office, sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Bruxelles contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R. S. la décision de la cour d'appel que les poursuites sont irrecevables n'est pas légalement justifiée.
Le moyen est fondé.
D. Sur les pourvois des demandeurs L.E.et consorts :
1. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par les demandeurs contre R. S. :
41. La cassation de la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R. S. entraîne l'annulation de la décision déclarant la cour d'appel sans compétence pour connaître des demandes des parties civiles dont elle demeurait saisie dans la mesure de l'appel du défendeur. La deuxième décision est, en effet, unie à la première par un lien nécessaire.
42. Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen des demandeurs, lequel ne saurait entraîner la cassation dans d'autres termes que ceux du présent dispositif.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par les demandeurs contre l'association sans but lucratif Ogyen Kunzang Chôling :
Sur l'ensemble du moyen :
43. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 21bis et 47bis du Code d'instruction criminelle.
Les demandeurs reprochent à l'arrêt de déclarer les poursuites irrecevables, après avoir constaté que plusieurs irrégularités avaient été commises soit durant l'instruction, soit après le renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel et lors des débats devant ce dernier. Ce faisant, les juges d'appel auraient méconnu les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, notamment celles qui règlent la manière d'exécuter les devoirs critiqués par les juges d'appel ou qui sanctionnent l'omission d'observer les conditions de leur mise en œuvre. Par ailleurs, la manière dont les irrégularités constatées auraient, selon les motifs de l'arrêt attaqué, porté irrémédiablement atteinte au droit des prévenus à un procès équitable relève d'hypothèses, tandis que la cour d'appel a décliné l'examen de proportionnalité revenant, en tout état de cause, au juge lorsque la preuve accusée d'une telle violation fait l'objet d'une demande d'écartement.
44. Il ressort de la réponse donnée ci-dessus au pourvoi du procureur général, que la décision susdite n'est pas légalement justifiée.
Le moyen est fondé.
E. Sur les pourvois des demandeurs B. et L. contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par les demandeurs contre R. S. et O. de S. :
45. La cassation de la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de R.S. et d'O. de S. entraîne l'annulation de la décision déclarant la cour d'appel sans compétence pour connaître des demandes des parties civiles dont elle demeurait saisie dans la mesure de l'appel des demandeurs et des défendeurs. La deuxième décision est, en effet, unie à la première par un lien nécessaire.
46. Il n'y a pas lieu d'examiner les moyens des demandeurs, lesquels ne sauraient entraîner la cassation dans d'autres termes que ceux du présent dispositif.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué en tant que, statuant sur l'action publique exercée à charge de R. S.et O.de S., il dit l'action publique relative à diverses préventions éteinte par prescription dans le chef de ces deux prévenus ;
Casse l'arrêt attaqué en tant que, statuant sur l'action publique exercée à charge de R. S., J. B. et O. de S., il déclare irrecevables les poursuites mues à charge de ces trois défendeurs et délaisse à l'État belge les frais des deux instances ;
Casse l'arrêt attaqué en tant que, statuant sur les actions civiles exercées par les demandeurs parties civiles, il dit la cour d'appel sans juridiction pour statuer sur les demandes de ces derniers dirigées contre R. S., J. B., O. de S. et l'association sans but lucratif Ogyen Kunzang Chôling ;
Rejette les pourvois du procureur général près la cour d'appel et de V. D'H. pour le surplus ;
Condamne V. D'H. à un dixième des frais de son pourvoi, laisse à charge de l'Etat un vingtième des frais du pourvoi du procureur général et réserve le surplus desdits frais pour qu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Liège.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux mille six cent vingt-six euros trente-neuf centimes dont I) sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Bruxelles : cent quatre-vingt-quatre euros cinquante-quatre centimes dus ; II) sur le pourvoi de V. d'H. : cent quinze euros quarante-sept centimes dus et deux cent trente-quatre euros quarante centimes payés par cette demanderesse ; III) sur le pourvoi de J-F. B. : trois cent dix-neuf euros nonante-neuf centimes dus et trois cent vingt-huit euros trente-trois centimes payés par ce demandeur ; IV) sur les pourvois de M. L. E. et consorts : trois cent vingt-trois euros vingt-neuf centimes dus et cinq cent quarante-deux euros quatre-vingt-deux centimes payés par ces demandeurs et V) sur les pourvois de M. B. et R.L. M. : trois cent dix-neuf euros nonante-neuf centimes dus et deux cent quarante-huit euros cinquante-six centimes payés par ces demandeurs.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du douze juin deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.18.1001.F
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres

Analyses

La conséquence de l'irrégularité d'un élément de preuve, la sanction de la violation du droit à la concertation préalable et à l'assistance d'un avocat, et celle de la méconnaissance du droit à être jugé dans un délai raisonnable, ne sont pas l'irrecevabilité des poursuites ou de l'action publique, mais, lorsque ces irrégularités sont légalement constatées par le juge du fond, respectivement la mise à l'écart de l'élément de preuve illégal, l'interdiction faite à cette juridiction de trouver des preuves de la culpabilité dans une déclaration faite en violation du droit précité et l'atténuation de la sanction prononcée voire comminée par la loi (1). (1) Voir (juridictions d'instructions) Cass. 18 janvier 2017, RG P.16.0626.F, Pas. 2017, n° 39, et concl. « dit en substance » du MP et note signée M.N.B. ; Fr. LUGENTZ, La Preuve en matière pénale - Sanction des irrégularités, Anthemis, Limal, 2017, pp. 195 et sq.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Irrégularité d'un élément de preuve - Violation des droits à la concertation préalable, à l'assistance d'un avocat et à être jugé dans un délai raisonnable - Constatation par le juge du fond - Sanction - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Irrégularité d'un élément de preuve - Violation des droits à la concertation préalable et à l'assistance d'un avocat - Constatation par le juge du fond - Sanction - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - AVOCAT - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Matière répressive - Irrégularité d'un élément de preuve - Violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable - Constatation par le juge du fond - Sanction [notice1]

Pour décider qu'il y a lieu d'écarter une preuve irrégulière au motif que son utilisation viole le droit à un procès équitable, le juge doit déterminer si la procédure a été équitable; il lui appartient, à cette fin, de vérifier si les droits de la défense ont été respectés (1). (1) Cass. 30 avril 2014, RG P.13.1869.F, Pas. 2014, n° 307 (en cause de C.-S., quant à la preuve obtenue à l'étranger), Rev. dr. pén. crim., 2014, pp. 834 et sq., note F. LUGENTZ ; voir Cour eur. D.H., 28 juillet 2009, requête n° 18704/05, Lee Davies c. Belgique.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Preuve irrégulière - Ecartement - Critère de l'utilisation de la preuve violant le droit à un procès équitable - Respect des droits de la défense - Vérification par le juge - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice6]

L'équilibre des droits entre les parties n'épuise pas la notion de procès équitable; l'idéal de justice en est également une composante; il en résulte que le poids de l'intérêt public à la poursuite d'une infraction et au jugement de ses auteurs peut être pris en considération et mis en balance avec l'intérêt de l'individu à ce que les preuves à sa charge soient recueillies régulièrement (1). (1) Cass. 30 avril 2014, RG P.13.1869.F/7, Pas. 2014, n° 307 (en cause de C.-S., quant à la preuve obtenue à l'étranger) ; voir Cour eur. D.H., 1er mars 2007, requête n° 5935/02, Heglas c. République tchèque, § 86 et 87 ; Cour eur. D.H., 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n° 54810/00, § 97.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Preuve irrégulière - Critère de l'utilisation de la preuve violant le droit à un procès équitable - Mise en balance de l'intérêt public et de l'intérêt des parties [notice8]

L'irrecevabilité de l'action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d'intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable (1) ; l'irrecevabilité de cette action ne se confond dès lors pas avec l'irrégularité ou la nullité de l'acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l'origine (2). (1) Cass. 27 février 2013, RG P.12.1698.F, Pas. 2013, n° 134. (2) Voir Fr. LUGENTZ, o.c., pp. 203-208.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Irrecevabilité de l'action publique ou de son exercice - Irrégularité ou nullité de l'acte accompli dans le cours de l'exercice de l'action publique ou qui en est à l'origine - Distinction [notice9]

Le caractère irrémédiable d'une atteinte portée au droit à un procès équitable doit être démontré et constaté concrètement (1) par le juge et il ne saurait s'identifier à la circonstance même qu'un tel grief, auquel il incombe d'abord au juge de tenter de remédier, serait avéré; ainsi, la décision qui se borne à affirmer que ce droit a été méconnu de manière irrémédiable ne saurait passer pour légalement justifiée au regard de cette exigence. (1) Voir, quant à l'irrégularité procédant du défaut d'assistance d'un avocat lors des auditions du suspect au cours de sa privation de liberté, Cass. 14 octobre 2014, RG P.14.0507.N, Pas. 2014, n° 606, §§ 8 et 10 ; Cour eur. D.H., 27 novembre 2008, requête n° 36391/02, Salduz c. Turquie.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Matière répressive - Atteinte au droit à un procès équitable - Caractère irrémédiable - Constatation par le juge - Exigence d'une démonstration et d'une constatation concrètes - Conséquences

La vérification du caractère irrémédiable d'une atteinte portée au droit à un procès équitable exige un examen de la cause dans son ensemble, à l'effet de rechercher si un vice inhérent à un stade de la procédure a pu, ou non, être corrigé par la suite (1) ; à cet égard, il y a lieu d'examiner notamment si les parties se sont vu offrir la possibilité de remettre en question l'authenticité de l'élément de preuve et de s'opposer à son utilisation; ce contrôle tient compte de la qualité de l'élément de preuve, en ce compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de son exactitude (2). (1) Voir Fr. LUGENTZ, o.c., pp. 206-207. (2) Cass. 30 avril 2014, P.13.1869.F/7, Pas. 2014, n° 307, précité.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Atteinte au droit à un procès équitable - Caractère irrémédiable - Vérification - Exigence d'un examen de la cause dans son ensemble - Preuve irrégulière [notice11]

Le juge du fond apprécie en fait les conséquences que les irrégularités qu'il dit avoir constatées ont eues sur la manière dont le droit à un procès équitable du prévenu peut encore, ou non, s'exercer; la Cour vérifie toutefois si, de ses constatations, il a pu légalement déduire, à la fois, l'irrégularité même des actes d'instruction ou de poursuite et les conséquences qu'il y a attachées (1), lorsqu'elles ne sont pas celles comminées par la loi. (1) Voy. Cass. 27 février 2019, RG P.18.1121.F, Pas. 2019, n° 126.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Irrégularité d'un élément de preuve - Conséquences quant au droit à un procès équitable - Appréciation souveraine par le juge du fond - Contrôle marginal de la Cour - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Matière répressive - Irrégularité d'un élément de preuve - Conséquences quant au droit à un procès équitable - Appréciation souveraine par le juge du fond - Contrôle marginal de la Cour - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Irrégularité d'un élément de preuve - Conséquences quant au droit à un procès équitable - Contrôle marginal de la Cour [notice12]

L'équité procédurale peut être compromise lorsque le recueil des preuves, dans son ensemble, s'est déroulé dans des circonstances qui mettent en doute la fiabilité de la preuve obtenue parce que le doute plane sur l'impartialité des personnes chargées de l'enquête; la crainte d'une récolte de preuves réalisée de manière partiale doit toutefois être justifiée de manière objective, en manière telle que le juge doit constater qu'il existe des motifs faisant légitimement craindre aux parties la naissance d'un tel risque de partialité (1). (1) (Quant à l'impartialité de l'enquêteur et non d'un expert comme dans la présente espèce) Cass. 27 février 2019, RG P.18.1121.F, Pas. 2019, n° 126 ; Cass. 11 juin 2013, RG P.13.0428.N, Pas. 2013, n° 357 ; voir aussi (quant à l'obligation de loyauté des enquêteurs et magistrats en charge de l'enquête) Cass. 31 mai 2011, RG P.10.2037.F, « KBL », Pas. 2011, n° 370, version intégrale (disponible sur Juportal.be).

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Matière répressive - Recueil des preuves - Doute sur l'impartialité des personnes chargées de l'enquête - Motifs faisant légitimement craindre un risque de partialité - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - GENERALITES - Recueil des preuves - Doute sur l'impartialité des personnes chargées de l'enquête - Motifs faisant légitimement craindre un risque de partialité - EXPERTISE - Matière répressive - Doute sur l'impartialité des personnes chargées de l'enquête - Motifs faisant légitimement craindre un risque de partialité [notice15]

Le caractère suffisant du degré d'indépendance et d'impartialité des personnes et organes en charge de l'enquête s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances particulières de chaque espèce (1). (1) Cass. 27 février 2019, RG P.18.1121.F, Pas. 2019, n° 126 ; Cour eur. D.H., 14 avril 2015, Mustafa Tunç et Fecire Tunç c. Turquie, requête n° 24014/05, §§ 223 et suivants.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Matière répressive - Personnes et organes en charge de l'enquête - Indépendance et impartialité - Appréciation du juge - Portée - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - GENERALITES - Personnes et organes en charge de l'enquête - Indépendance et impartialité - Appréciation du juge - Portée - EXPERTISE - Matière répressive - Personnes et organes en charge de l'enquête - Indépendance et impartialité - Appréciation du juge - Portée [notice18]

Il découle de l'article 962 du Code judiciaire que la mission confiée à un expert doit se limiter à recueillir les éléments de fait nécessaires pour permettre au juge d'appliquer les règles de droit pertinentes; le juge ne peut charger l'expert de donner un avis sur le fondement des poursuites (1). (1) (En matière civile) Cass. 15 juin 2018, RG C.17.0422.F, Pas. 2018, n° 391 ; Cass. 15 novembre 2012, RG C.11.0579.F, Pas. 2012, n° 616 ; sur la question de l'applicabilité possible, en procédure pénale, des articles 962 et s. C. jud., en particulier quant au caractère contradictoire de l'expertise ordonnée par le juge pénal en sa qualité de juge du fond, voir C.A. 27 mai 1998, n° 60/98, spéc. §§ B.2, B.8 et B.9.

EXPERTISE - Matière répressive - Mission - Pouvoir de juridiction [notice21]

Pour apprécier si l'expert s'est borné à procéder à des constatations ou à donner un avis technique ou s'il s'est arrogé la juridiction du juge en ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé des poursuites et pour vérifier s'il est sorti du cadre que le juge lui a assigné, il y a lieu d'examiner la formulation de la mission dans son ensemble et de tenir compte de tous les éléments propres à l'expertise, comme la technicité de la mission et le contexte dans lequel l'expert est chargé de celle-ci; il peut arriver que la question à laquelle l'expert est chargé de répondre, d'un point de vue technique, se confonde avec celle que le juge doit trancher sur le plan juridique (1). (1) (En matière civile) Cass. 15 juin 2018, RG C.17.0422.F, Pas. 2018, n° 391 ; Cass. 15 novembre 2012, RG C.11.0579.F, Pas. 2012, n° 616 ; sur la question de l'applicabilité possible, en procédure pénale, des articles 962 et s. C. jud., en particulier quant au caractère contradictoire de l'expertise ordonnée par le juge pénal en sa qualité de juge du fond, voir C.A. 27 mai 1998, n° 60/98, spéc. §§ B.2, B.8 et B.9.

EXPERTISE - Matière répressive - Mission - Pouvoir de juridiction - Examen - Effet [notice22]

La circonstance que la fiabilité d'une expertise est douteuse n'a, en règle, pour effet ni d'emporter l'irrecevabilité de l'ensemble des poursuites ni de dispenser le juge de l'examen, d'une part, des préventions auxquelles cet acte se rapporte en fonction des autres preuves régulièrement produites et, d'autre part, des préventions étrangères à la preuve critiquée (1). (1) Quant à l'exigence d'impartialité dans le chef d'un expert, voir Cass. 20 décembre 2007, RG C.07.0307.N, Pas. 2007, n° 654. Voir aussi Cass. 15 mars 1985, RG 4439, Pas. 1985, n° 428 : « de la seule circonstance qu'un expert désigné par le juge pourrait être soupçonné de partialité ne saurait se déduire que la cause n'aurait pas été entendue équitablement; il en est ainsi spécialement lorsque les parties ont eu l'occasion de s'expliquer au sujet de la prétendue partialité ». Et « l'avis émis par l'expert judiciaire, qu'il soit ou non intervenu au stade de l'information, ne bénéficie pas d'une force probante particulière; les juges en apprécient librement le contenu; rien ne les oblige à donner au rapport de l'homme de l'art plus de crédit qu'à celui du conseil technique de l'inculpé ou de la partie civile. » (Cass. 19 décembre 2012, RG P.12.1310.F, Pas. 2012, n° 701).

EXPERTISE - Matière répressive - Caractère douteux - Conséquences quant à la recevabilité des poursuites et à l'obligation du juge d'examiner les préventions en fonction des autres preuves - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Caractère douteux d'une expertise - Conséquences quant à la recevabilité des poursuites et à l'obligation du juge d'examiner les préventions en fonction des autres preuves [notice23]

Le défaut d'assistance d'un avocat au cours de l'audition d'un suspect n'a pas, en règle, pour conséquence qu'il soit porté irrémédiablement atteinte aux droits de la défense ou qu'un traitement équitable de la cause soit définitivement exclu; lorsque le juge envisage une autre sanction au défaut d'assistance d'un avocat au cours de l'audition que celle prévue par la loi, il lui appartient de vérifier quel est l'impact concret de l'absence de cette assistance sur l'exercice des droits de la défense du suspect et sur son droit à un procès équitable au cours du déroulement ultérieur de la procédure (1). (1) Voir Cass. 14 octobre 2014, RG P.14.0507.N, Pas. 2014, n° 606, § 8 (relatif à une telle audition « à un moment où la Cour européenne des Droits de l'Homme n'interprétait pas encore les articles 6.1 et 6.3.c de la Convention en ce sens et où la législation belge ne prévoyait pas encore cette nécessité ») ; Cour eur. D.H. 27 novembre 2008, requête n° 36391/02, Salduz c. Turquie).

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Droit à un procès équitable - Défaut d'assistance d'un avocat - Violation des droits de la défense - Conséquences - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - Article 6, § 3, c) - Droit à un procès équitable - Matière répressive - Défaut d'assistance d'un avocat - Violation des droits de la défense - Conséquences - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - AVOCAT [notice25]

Lorsqu'un suspect consent sans l'assistance d'un avocat des déclarations qui incriminent également des tiers, la preuve ainsi recueillie à charge de ceux-ci n'est pas, en soi, irrégulière; sans préjudice de la possibilité pour lui de revenir sur leur contenu, le suspect n'agit alors que comme un témoin dont la déposition, pour être reçue, ne doit pas être faite en la présence d'un conseil (1). (1) Cass. 5 septembre 2012, RG P.12.0418.F, Pas. 2012, n° 447  (3ème moyen), avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général; voir Cass. 26 mars 2013, RG P.12.0145.N, Pas. 2013, n° 210, § 7.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Preuve testimoniale - Audition d'un suspect sans l'assistance d'un avocat - Déclarations incriminant également des tiers - Incidence sur la régularité de la preuve [notice29]

Lorsqu'un suspect consent sans l'assistance d'un avocat des déclarations qui incriminent également des tiers, la preuve ainsi recueillie à charge de ceux-ci n'est pas, en soi, irrégulière; sans préjudice de la possibilité pour lui de revenir sur leur contenu, le suspect n'agit alors que comme un témoin dont la déposition, pour être reçue, ne doit pas être faite en la présence d'un conseil (1). (1) Cass. 5 septembre 2012, RG P.12.0418.F Pas. 2012, n° 447  (3ème moyen), avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général; voir Cass. 26 mars 2013, RG P.12.0145.N, Pas. 2013, n° 210, § 7.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Droit à un procès équitable - Matière répressive - Audition d'un suspect sans l'assistance d'un avocat - Déclarations incriminant également des tiers - Incidence sur la régularité de la preuve - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - Article 6, § 3, c) - Audition d'un suspect sans l'assistance d'un avocat - Déclarations incriminant également des tiers - Incidence sur la régularité de la preuve - AVOCAT - Matière répressive - Audition d'un suspect sans l'assistance d'un avocat - Déclarations incriminant également des tiers - Incidence sur la régularité de la preuve [notice30]

La circonstance que le ministère public aurait ordonné, même en connaissance de cause, des devoirs à propos de faits dont un juge d'instruction est par ailleurs saisi, n'emporte pas, en elle-même, la démonstration du fait qu'il a ainsi été sciemment porté atteinte aux prérogatives de ce dernier (1). (1) Voir Cass. 8 mars 2006, RG P.05.1673.F, Pas. 2006, n° 134 : « Après que le dossier lui [a] été une nouvelle fois communiqué à toutes fins suite à l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires, le procureur du Roi, dont le droit et le devoir d'information subsistent tant que l'action publique n'est pas éteinte, peut encore ordonner ou exécuter des compléments d'enquête, joindre au dossier des procès-verbaux et, dans le réquisitoire qu'il établit en vue du règlement de la procédure, retenir des faits dont le juge d'instruction n'était pas saisi ou mettre en prévention d'autres personnes que celles visées dans le réquisitoire de saisine du juge d'instruction ». Dans la présente espèce, la Cour relève que l'arrêt attaqué constate que le procureur du Roi a ouvert l'information litigieuse le 5 janvier 2006 (soit avant le règlement de la procédure mais plus de trois ans après que le juge d'instruction avait rendu deux ordonnances de soit communiqué dans les dossiers qui font l'objet des causes 1 et 2, les 30 janvier et 5 février 2003), à la suite de nouvelles informations, émanant de la Sûreté, en décembre 2005, et de la CTIF en février 2006, relatives à des opérations suspectes en cause des inculpés (et dont le juge d'instruction ne pouvait avoir été saisi), et que cette information visait à « vérifier la situation financière actuelle » de personnes inculpées dans ces dossiers puis à faire procéder à divers devoirs d'enquête (saisies, descentes, auditions, enquêtes bancaires,...). La Cour constate ensuite en substance que les juges d'appel ne pouvaient légalement déduire de ces circonstances que le procureur du Roi a, ce faisant, aux termes de l'art. 28quater, al. 3, C.I.cr., « porté sciemment atteinte [aux] prérogatives » du magistrat instructeur. En d'autres termes, via ce contrôle marginal, elle rappelle que le juge ne peut faire un procès d'intention à cet égard au ministère public. La Cour ajoute en substance que c'est d'une hypothèse que les juges d'appel ont déduit l'irrégularité de ladite information (voir Cass. 18 janvier 2017, RG P.16.0626.F, Pas. 2017, n° 39) et que même à supposer que les éléments recueillis par cette information soient affectés d'une telle irrégularité, l'arrêt attaqué ne permet pas de comprendre en quoi l'usage de la preuve qu'ils contiennent « éventuellement » serait « définitivement et irrémédiablement contraire au droit à un procès équitable », selon les termes de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, ce qui empêche la Cour d'exercer son contrôle à cet égard (voir Cass. 28 février 2017, RG P.16.0261.N, Pas. 2017, n° 139). (M.N.B.)

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - Actes d'information ordonnés par le ministère public avant le règlement de la procédure - Atteinte aux prérogatives du juge d'instruction - "Sciemment" - Notion - INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Divers [notice33]

L'article 21bis du Code d'instruction criminelle (1) n'a pas pour portée d'interdire au ministère public, auquel incombe un devoir d'information des victimes, après la clôture de l'information ou de l'instruction (2), d'aviser les parties susceptibles d'être intéressées, d'initiative et dans le respect du droit à la présomption d'innocence des prévenus, des suites de la procédure, et d'octroyer à cette occasion l'autorisation de prendre connaissance et copie du dossier à l'ensemble des victimes potentielles des infractions (3). (1) Devenu art. 21bis, § 1er, C.I.cr. (art. 3 de la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, de la procédure pénale et du droit judiciaire). (2) Le MP a relevé à cet égard que la loi dispose que l'ensemble des victimes potentielles des infractions qui font l'objet du dossier « reçoivent notamment les informations utiles sur les modalités de constitution de partie civile et de déclaration de personne lésée » (art. 3bis, al. 2, T. prél. C.P.P.) et que « le procureur du Roi communique les lieu, jour et heure de la comparution [devant le tribunal correctionnel] par tout moyen approprié aux victimes connues » (art. 182, al. 2, C.I.cr.). (M.N.B.) (3) L'arrêt ne précise pas le critère sur la base duquel le procureur du Roi pourrait opérer un « tri » à cet égard entre ces personnes en fonction, aux termes de l'arrêt attaqué, « des risques d'utilisation des données du dossier (, afin de) contrôler l'ampleur des éventuelles fuites d'information ». En outre, à supposer que l'autorisation octroyée serait irrégulière, cet arrêt n'indique pas non plus sur quels éléments il fonde la considération qu'elle aurait « considérablement réduit la fiabilité des éléments de preuve contenus dans les auditions recueillies postérieurement par le [premier juge] ». (M.N.B.)

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Divers - Clôture - Devoir d'information des victimes incombant au ministère public - Avis motu proprio quant aux suites de la procédure à l'ensemble des victimes potentielles des infractions - Autorisation de prendre connaissance et copie du dossier - Compatibilité avec l'article 21bis du Code d'instruction criminelle [notice35]

Ni l'article 21bis du Code d'instruction criminelle ni aucune autre disposition n'interdit au procureur du Roi de déposer, durant les débats au fond, des procès-verbaux ou informations complémentaires, pourvu qu'ils puissent être débattus de manière contradictoire.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Principe du contradictoire - Dépôt de pièces par le ministère public durant les débats au fond - Condition [notice36]

La juridiction d'appel qui considère d'une part que le premier juge, en déniant aux prévenus le droit d'interroger lors des débats à l'audience les personnes y entendues se disant victimes, a sciemment et volontairement violé les droits de la défense, mais constate d'autre part que les juges d'appel ont entendu à l'audience ces personnes et autorisé les parties à leur poser toutes les questions utiles, constate en réalité que la juridiction d'appel a ainsi fait ce qu'elle dit que le premier juge eût dû faire (1) ; les juges d'appel ne peuvent dès lors imputer à la méconnaissance du principe contradictoire, devant le premier juge, le caractère d'une atteinte irrémédiable au droit des prévenus à un procès équitable. (1) Rappelons à cet égard qu'un moyen de cassation est irrecevable à défaut d'intérêt lorsque le juge a statué comme il aurait dû le faire s'il n'avait commis la violation invoquée (voir R. DECLERCQ, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 448).

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Principe du contradictoire - Droit d'interroger ou faire interroger les témoins à charge - Débats à l'audience - Demande de la défense d'interroger les personnes entendues qui se disent victimes - Refus du premier juge - Appel - Autorisation par les juges d'appel - Conséquences - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 - Article 6, § 3, d) - Principe du contradictoire - Droit d'interroger ou faire interroger les témoins à charge - Débats à l'audience - Demande de la défense d'interroger les personnes entendues qui se disent victimes - Refus du premier juge - Appel - Autorisation par les juges d'appel - Conséquences - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Droits de la défense - Principe du contradictoire - Droit d'interroger ou faire interroger les témoins à charge - Débats à l'audience - Demande de la défense d'interroger les personnes entendues qui se disent victimes - Refus du premier juge - Appel - Autorisation par les juges d'appel - Conséquences [notice37]

Le dépassement du droit du prévenu à être jugé dans un délai raisonnable est sanctionné conformément à l'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale; partant, le seul constat par le juge du fond que ce délai est dépassé ne justifie pas légalement la décision d'irrecevabilité des poursuites.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Dépassement du délai raisonnable pour être jugé - Sanction - Conséquence quant à la recevabilité des poursuites [notice40]

Le faux en écritures et son usage qui ont été commis avec la même intention frauduleuse ou le même dessein de nuire ne forment qu'une seule infraction continuée (1). (1) Voir Cass. 29 mars 2017, RG P.16.1242.F, Pas. 2017, n° 226. Outre les §§ 26 à 29 de l'arrêt, voir ses §§ 1er à 6, spéc. le § 4 (non publiés mais disponibles en pdf sur juridat.be) le moyen similaire, pris d'office en cause du premier défendeur, quant à des préventions faisant l'objet de causes distinctes jointes par le juge en raison de leur connexité (voir Cass. 11 janvier 2011, RG P.10.0966.N, Pas. 2011, n° 25 ; Cass. 8 mars 2000, RG P.99.1583.F, Pas. 2000, n° 161, quant à deux causes relatives à des prévenus différents).

FAUX ET USAGE DE FAUX - Même intention frauduleuse - Infraction continuée [notice41]

Lorsque les préventions jugées ensemble constituent, selon leur libellé, la manifestation successive et continue d'une intention délictueuse unique, le juge ne peut décider que l'action publique relative à certaines de ces préventions est éteinte par l'effet de la prescription, si cette décision suppose l'absence d'un tel concours idéal (1), sans indiquer qu'il entend s'écarter à cet égard du libellé des préventions. (1) Voir Cass. 10 octobre 2017, RG P.17.0603.N, Pas. 2017, n° 542 ; Cass. 24 juin 2015, RG P.15.0284.F, Pas. 2015, n° 435.

PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Généralités - Concours idéal ressortissant du libellé des préventions - Point de départ de la prescription - Calcul - Absence de prise en compte du concours idéal - Obligation de justifier cette décision [notice42]

À peine de faire dépendre la recevabilité du recours de la seule volonté du mandataire de la personne qu'il vise, il ne découle ni de l'article 39 du Code judiciaire ni d'aucune autre disposition que la signification au domicile élu ne peut être faite qu'en mains de ce mandataire, à l'exclusion notamment de ses préposés; par ailleurs, il résulte seulement de l'alinéa 2 de l'article 39 précité que si la copie de l'exploit de signification au domicile élu n'est pas remise en mains propres du mandataire du destinataire de cet acte, la signification n'est pas réputée faite à personne (1). (1) A l'appui de la fin de non-recevoir qu'il proposait, le premier défendeur rappelait que « lorsque le destinataire d'une signification a élu domicile chez un mandataire, seule la remise, en mains propres du mandataire, de la copie de l'exploit de signification est réputée constituer signification à personne » (Cass. 18 janvier 2000, RG P.99.1436.N, Pas. 2000, n° 40). Mais il ne résulte nullement de l'art. 39, du Code judiciaire, ni d'aucune autre disposition, ni de l'arrêt précité, que la signification d'un pourvoi faite au préposé du mandataire serait « non avenue » et ne constituerait pas une signification « à domicile » (voir G. DE LEVAL (dir.), Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 325, n° 3.50). Le MP en déduisait que la fin de non-recevoir ne pouvait être accueillie. À propos de l'application des règles du Code judiciaire en matière de formes à observer et de modalités de signification du pourvoi, voir F. VAN VOLSEM, « Het cassassieberoep in strafzaken na Potpourri II », in B. MAES ET P. WOUTERS (dir.), Procéder devant la Cour de cassation, Knop Books, 2016, pp. 258-261, n° 258-261 et les références. (M.N.B.)

SIGNIFICATIONS ET NOTIFICATIONS - EXPLOIT - Domicile élu - Signification à un préposé du mandataire - Conséquences [notice43]


Références :

[notice1]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750

[notice6]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750

[notice8]

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6 - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice9]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750 ;

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice11]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750 ;

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice12]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 16-04-1878 - Art. 32 - 01 ;

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice15]

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice18]

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice21]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 962

[notice22]

Code Judiciaire - 09-10-1967 - Art. 962

[notice23]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 962

[notice25]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis, § 6 - 30 / No pub 1808111701 ;

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6 - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice29]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis - 30 / No pub 1808111701

[notice30]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 47bis - 30 / No pub 1808111701

[notice33]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 28quater, al. 3 - 30 / No pub 1808111701

[notice35]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 21bis - 30 / No pub 1808111701

[notice36]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 21bis - 30 / No pub 1808111701

[notice37]

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 6, § 3 - 59 / Lien DB Justel 19501104-59

[notice40]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 21ter - 01 / No pub 1878041750

[notice41]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 193, 196 et 197 - 01 / No pub 1867060850

[notice42]

Titre préliminaire du Code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 21 et 24 - 01 / No pub 1878041750

[notice43]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 39


Composition du Tribunal
Président : DEJEMEPPE BENOIT
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-06-12;p.18.1001.f ?

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