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08/02/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0354.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 février 2019, C.18.0354.N


N° C.18.0354.N
HAPPY FLIGHTS, s.p.r.l.,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,

contre
RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY, société de droit étranger,
Me Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 mai 2018 par le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, statuant en dernier ressort.
Le 7 janvier 2019, l'avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat gé

néral Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au pr...

N° C.18.0354.N
HAPPY FLIGHTS, s.p.r.l.,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,

contre
RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY, société de droit étranger,
Me Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 mai 2018 par le tribunal de commerce néerlandophone de Bruxelles, statuant en dernier ressort.
Le 7 janvier 2019, l'avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Sur la recevabilité du moyen, en cette branche :
1. La défenderesse oppose deux fins de non-recevoir :
- le moyen, en cette branche, est dénué d'intérêt parce que la décision de valider la clause d'élection de for en vertu de l'article 25 du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après « règlement Bruxelles Ibis ») et de ne pas appliquer la loi irlandaise n° 27/1995 qui transpose en droit irlandais la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs demeure légalement justifiée dès lors que la demanderesse n'est protégée ni par cette directive ni par cette loi puisqu'elle n'est pas elle-même un consommateur mais a agi en qualité de cessionnaire des créances des consommateurs ;
- en outre, le moyen, en cette branche, est également dénué d'intérêt pour la raison que la décision de valider la clause d'élection de for en vertu de l'article 25 du règlement Bruxelles Ibis et de ne pas se référer au droit irlandais demeure légalement justifiée dès lors que, en vertu de l'annexe 1, point e), ii), de la loi irlandaise n° 27/1995 transposant la directive 93/13/CEE en droit irlandais, cette loi ne s'applique en aucun cas à une clause d'élection de for conforme à l'article 25 du règlement Bruxelles Ibis.
2. Le jugement attaqué n'énonce pas de constatations relatives à la qualité de la demanderesse.
La Cour ne peut apprécier elle-même en fait cette qualité.
La première fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
3. L'examen de la seconde fin de non-recevoir ne peut être dissocié de celui du moyen, en cette branche.
La seconde fin de non-recevoir ne peut davantage être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
4. Aux termes de l'article 25, alinéa 1er, du règlement Bruxelles Ibis, si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
5. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'à l'article 2.4 des conditions générales du contrat de transport, qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation individuelle, les parties ont conféré compétence exclusive aux juridictions irlandaises, à savoir les juridictions de l'État membre dans lequel le vendeur est établi, pour connaître des litiges relatifs à ce contrat.
6. En vertu de l'article 25, § 1er, du règlement Bruxelles Ibis précité, la validité matérielle de cette clause attributive de compétence internationale doit donc être appréciée selon le droit irlandais, y compris la loi irlandaise n° 27/1995, qui a transposé la directive 93/13/CEE en droit irlandais.
7. Conformément à l'article 3, alinéa 1er, de la loi irlandaise n° 27/1995, la loi s'applique, sous réserve des dispositions de l'annexe 1, à toutes les clauses d'un contrat conclu entre un vendeur de biens ou un prestataire de services et un consommateur qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation individuelle.
Selon l'article 3, alinéa 2, de cette loi, une clause d'un contrat est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
L'article 3, alinéa 4, de la même loi précise qu'une clause est toujours considérée comme n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle lorsqu'elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n'a, de ce fait, pas pu avoir d'influence sur son contenu, notamment dans le cadre d'un contrat d'adhésion.
Suivant l'article 3, alinéa 7, de ladite loi et le point 1, q, de l'annexe 2, des clauses peuvent être déclarées abusives lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur.
L'article 6 de la loi précitée prévoit que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu entre un vendeur ou un prestataire de services et le consommateur ne lient pas ce dernier.
8. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, l'article 3, alinéa 3, de la directive 93/13/CEE, dont l'article 3, alinéa 7, de la loi irlandaise n° 27/1995 constitue la transposition, doit être interprété en ce sens que, dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, une clause préalablement rédigée par le professionnel et n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, peut être qualifiée d'abusive (CJUE 27 juin 2000, Océano Grupo, C-240/98-C-244/98 ; CJUE 4 juin 2009, Pannon, C-243/08 ; CJUE 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08).
9. Le jugement attaqué, qui se borne à apprécier la validité formelle de la clause de compétence internationale en cause à l'aune des conditions prévues à l'article 25 du règlement Bruxelles Ibis sans vérifier si, selon le droit applicable en vertu de la règle de renvoi consacrée par cette disposition, cette clause crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, n'est pas légalement justifié.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de l'entreprise de Louvain.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, et les conseillers Koen Mestdagh et Bart Wylleman, et prononcé en audience publique du huit février deux mille dix-neuf par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0354.N
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Droit commercial - Droit européen - Autres

Analyses

Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, l'article 3, alinéa 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, dont l'article 3, alinéa 7, de la loi irlandaise n° 27/1995 constitue la transposition, doit être interprété en ce sens que, dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, une clause préalablement rédigée par le professionnel et n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle, qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, peut être qualifiée d'abusive de sorte que le juge belge qui se borne à apprécier la validité formelle de la clause de compétence internationale en cause à l'aune des conditions prévues à l'article 25 du règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement Bruxelles Ibis) sans vérifier si, selon le droit applicable en vertu de la règle de renvoi consacrée par cette disposition, cette clause crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ne justifie pas légalement sa décision (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

AVIATION - Contrat de transport - Clause d'élection de for - Appréciation par le juge - Portée - TRANSPORT - TRANSPORT DE PERSONNES - Aviation - Contrat de transport - Clause d'élection de for - Appréciation par le juge - Portée - UNION EUROPEENNE - GENERALITES - Règlement n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale - Contrat de transport - Clause d'élection de for - Appréciation par le juge - Portée - ORGANISATION JUDICIAIRE - MATIERE CIVILE - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - GENERALITES [notice1]


Références :

[notice1]

Règlement(CEE) - 12-12-2012 - Art. 25, al. 1er


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VAN DE SIJPE VANESSA
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : SMETRYNS ALAIN, DECONINCK BEATRIJS, WYLLEMAN BART, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-02-08;c.18.0354.n ?

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