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07/04/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0379.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 avril 2017, C.15.0379.N


N° C.15.0379.N
B. G.,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. L. P.,
2. E. C.,
Me Johan Verbist et Me Beatrix Vanlerberghe, avocats à la Cour de cassation,
3. J. B.,
Me Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 9 février 2017.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingel

gem a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copi...

N° C.15.0379.N
B. G.,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. L. P.,
2. E. C.,
Me Johan Verbist et Me Beatrix Vanlerberghe, avocats à la Cour de cassation,
3. J. B.,
Me Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
L'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions le 9 février 2017.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen dans son ensemble :
1. L'arrêt considère, sans être critiqué, que l'action initiale en contestation de paternité du premier défendeur est recevable.
2. Aux termes de l'article 318, § 1er, du Code civil, tel qu'il était applicable avant le 1er septembre 2014, à moins que l'enfant ait la possession d'état à l'égard du mari, la présomption de paternité peut être contestée devant le tribunal de la famille par la mère, l'enfant, l'homme à l'égard duquel la filiation est établie et par la personne qui revendique la paternité de l'enfant.
Par l'article 318, § 1er, du Code civil, le législateur a voulu prévoir une fin de non-recevoir générale de la demande si le juge constate la possession d'état à l'égard du mari.
3. Dans son arrêt n° 105/2013 rendu le 9 juillet 2013 dans la présente cause, la Cour constitutionnelle a considéré que l'article 318, § 1er, du Code civil viole l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que l'action en contestation de paternité intentée par l'homme qui revendique la paternité de l'enfant n'est pas recevable si l'enfant a la possession d'état à l'égard du mari de sa mère.
La Cour constitutionnelle a considéré à cet égard que :
« B.7. Le législateur, lorsqu'il élabore un régime légal qui entraîne une ingérence de l'autorité publique dans la vie privée, jouit d'une marge d'appréciation pour tenir compte du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble [...].
Cette marge d'appréciation du législateur n'est toutefois pas illimitée : pour apprécier si une règle légale est compatible avec le droit au respect de la vie privée, il convient de vérifier si le législateur a trouvé un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause. Pour cela, il ne suffit pas que le législateur ménage un équilibre entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société dans son ensemble, mais il doit également ménager un équilibre entre les intérêts contradictoires des personnes concernées [...], sous peine de prendre une mesure qui ne serait pas proportionnée aux objectifs légitimes poursuivis.
B.8. La paix des familles et la sécurité juridique des liens familiaux, d'une part, et l'intérêt de l'enfant, d'autre part, constituent des buts légitimes dont le législateur peut tenir compte pour empêcher que la contestation de la présomption de paternité puisse être exercée sans limitation. À cet égard, il est pertinent de ne pas laisser prévaloir a priori la réalité biologique sur la réalité socio-affective de la paternité.
B.9. En érigeant la « possession d'état » en fin de non-recevoir absolue de l'action en contestation de la présomption de paternité, le législateur a cependant fait prévaloir dans tous les cas la réalité socio-affective de la paternité sur la réalité biologique. Du fait de cette fin de non-recevoir absolue, l'homme qui revendique la paternité est totalement privé de la possibilité de contester la présomption de paternité d'un autre homme, à l'égard duquel l'enfant a la possession d'état.
Il n'existe dès lors, pour le juge, aucune possibilité de tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées.
Une telle mesure n'est pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis par le législateur et n'est dès lors pas compatible avec l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
4. Il suit d'une interprétation conforme à la Constitution de l'article 318, § 1er, du Code civil, tel qu'il est compris par la Cour constitutionnelle, que la fin de non-recevoir pour cause de possession d'état qu'il prévoit n'a pas un caractère absolu et que le juge peut y déroger compte tenu des intérêts de toutes les parties en cause et en particulier de ceux de l'enfant.
5. Le moyen qui, en ses trois branches, suppose que la possession d'état ne constitue jamais une fin de non-recevoir, de sorte que toute possibilité de contrôle judiciaire sur l'intérêt de l'enfant mineur qui n'a pas atteint l'âge de 12 ans fait défaut lorsque la mère ne s'oppose pas à l'action en contestation de paternité du père, et qui suppose, en outre, qu'à défaut de possibilité pour l'époux-père de former opposition, ce dernier n'a pas l'occasion d'invoquer l'intérêt de l'enfant, repose sur un soutènement juridique erroné.
Le moyen manque en droit.
Sur les questions préjudicielles :
6. La première ainsi que la troisième question préjudicielle proposées reposent sur le même soutènement juridique erroné que le moyen.
7. La deuxième question préjudicielle proposée est sans pertinence pour la solution du litige étant donné qu'elle concerne une distinction qui n'est pas présente en l'espèce.
8. La Cour ne doit pas poser ces questions.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Koen Mestdagh, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du sept avril deux mille dix-sept par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Mireille Delange et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.15.0379.N
Date de la décision : 07/04/2017
Type d'affaire : Droit civil - Droit constitutionnel

Analyses

Avec l'article 318, § 1er, du Code civil, le législateur a voulu prévoir une fin de non-recevoir générale de la demande si le juge constate la possession d'état à l'égard de l'époux (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

FILIATION - Demande en contestation de paternité - Code civil, article 318, § 1er - Législateur - Fin de non-recevoir pour cause de possession d'état - Portée [notice1]

Il ressort d'une interprétation conforme à la Constitution de l'article 318, § 1er, du Code civil, tel que compris par la Cour constitutionnelle, que la fin de non-recevoir pour cause de possession d'état qu'il prévoit n'a pas un caractère général et que, compte tenu des intérêts de toutes les parties en cause et particulièrement de ceux de l'enfant, le juge peut y déroger (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

COUR CONSTITUTIONNELLE - Demande en contestation de paternité - Code civil, article 318, § 1er - Fin de non-recevoir pour cause de possession d'état - Interprétation conforme à la Constitution - Conséquence [notice2]

Conclusions de l'avocat général Van Ingelgem.

FILIATION - Demande en contestation de paternité - Code civil, article 318, § 1er - Législateur - Fin de non-recevoir pour cause de possession d'état - Portée - COUR CONSTITUTIONNELLE - Demande en contestation de paternité - Code civil, article 318, § 1er - Fin de non-recevoir pour cause de possession d'état - Interprétation conforme à la Constitution - Conséquence


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - Art. 318, § 1er

[notice2]

ancien Code Civil - Art. 318, § 1er


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : VAN INGELGEM ANDRE
Assesseurs : DECONINCK BEATRIJS, WYLLEMAN BART, MOENS KOENRAAD, MESTDAGH KOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-04-07;c.15.0379.n ?

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