N° S.08.0003.N
W. L.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
INSTITUT NATIONAL D'ASSURANCE MALADIE-INVALIDITÉ,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2008 par la cour du travail d'Anvers.
Le conseiller Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir infligé une amende administrative au demandeur au motif qu'il n'a pas tenu de registre de prestations, alors que l'obligation de tenir un tel registre et la sanction administrative prévue à cet égard ont été abrogées par la loi du 7 décembre 2005 et ne constituent plus une infraction « punissable ».
2. La règle de la rétroactivité au sens des articles 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 2, alinéa 2, du Code pénal que le demandeur invoque, a pour seule conséquence que le prévenu peut se prévaloir rétroactivement d'un régime plus favorable que celui qui était en vigueur au moment où il a commis le fait mis à sa charge, s'il ressort de la nouvelle réglementation que le législateur a changé d'opinion quant au caractère punissable du fait litigieux.
3. L'article 7, § 9, de l'annexe à l'arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal du 18 décembre 2002, énumère les éléments que le dossier kinésithérapeutique individuel doit comporter.
Le dernier alinéa de l'article 7, § 9, dispose qu'aucun honoraire n'est dû pour les prestations pour lesquelles la tenue du dossier est incomplète. Cette disposition est entrée en vigueur dès la date de suppression de l'obligation de tenir un registre des prestations, prévue par l'arrêté royal du 25 novembre 1996 fixant les modalités de tenue d'un registre de prestations par les dispensateurs de soins visés à l'article 76 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, et déterminant les amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces dispositions.
4. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 7 décembre 2005 abrogeant l'article 76, alinéa 1er, et l'article 168, alinéa 6, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, et de son arrêté d'exécution du 10 novembre 2006 que l'abrogation de l'obligation de tenir un registre de prestations résulte du souci de simplification administrative. Cette obligation est apparue comme une charge administrative superflue pesant inutilement sur les kinésithérapeutes dès lors que le dossier kinésithérapeutique individuel doit contenir des éléments quasiment identiques et que ces éléments suffisent au contrôle jugé nécessaire des prestations. Il a été relevé à cette occasion qu'à l'avenir, à la suite de l'abrogation de l'obligation de tenir un registre de prestations et des sanctions applicables en cas de non-tenue du registre, la tenue imparfaite du dossier kinésithérapeutique individuel donnerait lieu à la récupération de l'entièreté de l'intervention de l'assurance pour les prestations mal consignées dans le dossier, ce qui constitue une sanction plus lourde que l'amende administrative prévue par l'arrêté royal du 25 novembre 1996, limitée à 25 p.c. de l'intervention de l'assurance.
Il apparaît ainsi que l'opinion du législateur quant au caractère punissable du fait mis à charge du demandeur est restée inchangée.
5. Dans la mesure où il soutient qu'en infligeant une sanction administrative au demandeur au motif qu'il n'a pas tenu de registre de prestations, l'arrêt viole le principe de la rétroactivité de la loi pénale la plus clémente, tel qu'il est consacré aux articles 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 2, alinéa 2, du Code pénal, le moyen ne peut être accueilli.
6. Dans la mesure où il fait valoir qu'en refusant de considérer l'amende administrative comme une sanction pénale bénéficiant des garanties de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Code pénal, l'arrêt méconnaît la notion de « peine », ainsi que la nature pénale de l'amende administrative visée aux articles 168, alinéa 6, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités et 6 de l'arrêté royal du 25 novembre 1996, le moyen, fût-il fondé, ne saurait entraîner la cassation.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.
7. Le demandeur demande que, dans la mesure où elle considérerait que le grief repris au considérant 6 manque en droit, la Cour pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
8. Eu égard à la réponse donnée, la Cour n'est pas tenue de poser la question soulevée.
(...)
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
(...)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille dix par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Albert Fettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
Le greffier, Le conseiller,