N°P.09.1281.F.
I. J. S.
ayant pour conseil Maître Raf Verstraeten, avocat au barreau de Bruxelles,
II. VECQUIM, société anonyme dont le siège social est établi à Lasne (Maransart), vallée à la Dame, 2,
ayant pour conseil Maître Robert De Baerdemaeker, avocat au barreau de Bruxelles,
III. COMPAGNIE FOND'ROY, société anonyme dont le siège social est établi à Uccle, avenue Prince d'Orange, 51,
ayant pour conseil Maître Jean-François Moreau, avocat au barreau de Liège,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois de S. J. et de la société anonyme Compagnie Fond'Roy sont dirigés contre les arrêts rendus les 8 septembre 2008 et 30 juin 2009 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle. Le pourvoi de la société anonyme Vecquim est dirigé contre ce second arrêt.
Le demandeur S. J.invoque quatre moyens et la demanderesse société anonyme Vecquim trois, chacun dans un mémoire. Ces deux mémoires sont annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
La demanderesse société anonyme Compagnie Fond'Roy a remis un mémoire au greffe de la Cour le 27 octobre 2009.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 6 janvier 2010.
A l'audience du 10 février 2010, le président de section Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
Le demandeur S. J. a déposé le 1er février 2010 une note en réponse aux conclusions du ministère public.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois de S. J., à savoir :
1. le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 8 septembre 2008 :
Le demandeur, représentant permanent d'une société administratrice-déléguée de la personne morale poursuivie avec lui pour les mêmes faits, est sans intérêt à critiquer la décision qui, en vue de prévenir les conflits d'intérêts entre la personne morale et l'organe habilité à la représenter, désigne un mandataire ad hoc pour représenter cette personne morale en application de l'article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Le pourvoi est irrecevable.
2. le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 30 juin 2009 :
Sur le premier moyen :
Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir violé la foi due à la citation, en fixant du 14 novembre 2002 au 14 mars 2003 la période délictueuse de la prévention A, alors que, selon la citation, celle-ci s'étendait du 20 janvier 2003 au 1er juillet 2004. Le demandeur considère qu'ainsi, les juges d'appel ont violé leur saisine.
Le juge ne viole pas la foi due à la citation qui le saisit dans la mesure où, sans lui faire dire ce qu'elle ne dit pas, il rectifie la date des faits dont l'examen lui est soumis. Or, la cour d'appel n'a fait que corriger les dates à partir desquelles les travaux litigieux ont commencé et ont été interrompus.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, soutenant que l'arrêt ne pouvait le condamner pour les faits commis entre le 14 novembre 2002 et le 20 janvier 2003, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt, dès lors que la peine infligée au demandeur est légalement justifiée par les faits souverainement constatés par la cour d'appel comme ayant été commis du 20 janvier au 14 mars 2003.
Sur le deuxième moyen :
L'arrêt dit établies la prévention A du 14 novembre 2002 au 14 mars 2003 et la prévention B du 21 janvier au 14 mars 2003. Le moyen invoque la méconnaissance du principe non bis in idem au motif que le demandeur est frappé de deux peines distinctes alors que la seconde prévention vise des faits intégralement compris dans la première.
Outre que la prévention A ne concerne pas seulement des travaux d'aménagement intérieur d'un même immeuble, mais aussi des faits de déboisement, de modification du relief du sol et d'aménagement d'une aire de stationnement, il n'apparaît pas de l'arrêt que, contrairement à ce que le moyen allègue, les faits visés à la prévention B s'identifient à une partie de ceux qui sont visés à la prévention A. Celle-ci consiste en effet à avoir effectué des travaux en infraction à l'article 154 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, alors que la prévention B consiste à avoir poursuivi des travaux illégaux sans obtempérer à un ordre ou à une décision. Or, il résulte de l'article 158, dernier alinéa, dudit code, que celui qui poursuit les travaux ou actes en violation de l'ordre d'interrompre, de la décision de confirmation ou de l'ordonnance du président, commet une infraction distincte des infractions prévues à l'article 154.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
Il n'apparaît pas du dossier que le demandeur ait sollicité la prononciation d'une peine unique au cas où les deux préventions reprochées seraient déclarées établies.
D'une part, le juge apprécie en fait et, partant, de manière souveraine si différentes infractions soumises à son examen constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse.
Dans la mesure où il revient à critiquer cette appréciation de la cour d'appel, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
D'autre part, sauf conclusions, le juge n'est pas tenu de donner les motifs pour lesquels il prononce plusieurs peines, lorsqu'il considère implicitement que ces infractions ne constituent pas une infraction collective.
En tant qu'il soutient que la Cour doit vérifier d'office si, des faits qu'il a constatés, le juge a pu déduire l'absence d'unité d'intention, alors que celle-ci n'a pas été invoquée devant lui, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Contrairement à ce que soutient le demandeur, l'arrêt n'admet par aucune considération qu'il a commis les faits des deux préventions avec la même intention délictueuse.
Les juges d'appel ont donc infligé deux peines au demandeur sans verser dans la contradiction.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir condamné le demandeur à une peine d'amende de trois mille euros du chef de la prévention B, alors que l'article 158, dernier alinéa, du Code wallon ne prévoit qu'une peine d'emprisonnement de huit jours à un mois.
Le dépassement du délai raisonnable autorise le juge qui le constate à prononcer une peine inférieure au minimum prévu par la loi. L'article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale ne lui permet cependant pas, s'il décide pour ce motif de substituer une amende à l'emprisonnement porté seul, de dépasser le maximum prévu en pareil cas par l'article 85, alinéa 3, du Code pénal.
L'amende de trois mille euros infligée au demandeur du chef de la prévention B contrevient à l'article 85, alinéa 3, précité, en tant qu'elle excède le maximum de cinq cents euros prévus par cette disposition.
Le moyen est fondé.
Cette illégalité entraîne la cassation de la peine et de la condamnation à la contribution au Fonds spécial d'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, infligées au demandeur du chef de la prévention B. Toutefois, il n'y a pas lieu d'étendre la cassation à la décision par laquelle les juges d'appel ont déclaré l'infraction B établie, puisque l'annulation est encourue pour un motif étranger à ceux qui justifient cette décision.
Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de la société anonyme Vecquim :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Après avoir énoncé, par une considération surabondante, qu'en raison du caractère réglementaire de l'infraction, la preuve que l'auteur l'a commise sciemment et volontairement résulte de la contravention à la prescription légale elle-même, l'arrêt relève que la demanderesse fut avertie en temps réel, par le gestionnaire du chantier, de la nature et de l'ampleur des travaux effectués dans l'immeuble loué, et qu'elle a, en pleine connaissance de cause, consenti à ces travaux réalisés sans permis ou toléré ceux-ci.
L'arrêt n'étant pas entaché de l'ambiguïté que la demanderesse lui prête, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant aux deuxième et troisième branches :
Contrairement à ce que le demandeur soutient et comme exposé ci-dessus, l'arrêt ne se borne pas à invoquer le caractère réglementaire de l'interdiction formulée à l'article 84 du Code wallon. Pour dire l'infraction établie, conformément à l'article 154, alinéa 2, précité, il considère en effet que la demanderesse a consenti aux travaux litigieux ou les a tolérés en connaissance de cause. Cet élément moral, l'arrêt le déduit de la circonstance que la demanderesse, mise au courant par la personne physique à l'intervention de laquelle elle agissait, a exercé sur les travaux la surveillance prévue dans le contrat de bail consenti sur l'immeuble que la société locataire comptait transformer.
Procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen, en ces branches, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
L'article 5, alinéa 2, du Code pénal, qui régit les cas où la responsabilité d'une personne physique et celle d'une personne morale sont engagées en raison d'une même infraction, crée une cause d'excuse absolutoire au profit de celle qui a commis la faute la moins grave.
Le bénéfice de cette excuse n'est toutefois reconnu qu'à l'auteur d'une infraction commise par imprudence ou négligence, et non à celui qui a agi sciemment et volontairement.
L'arrêt déclare établie l'infraction aux articles 84 et 154 du Code wallon déjà cité, après avoir décidé que tant le demandeur J. que la demanderesse avaient contrevenu à ces dispositions en pleine connaissance de cause et volontairement.
En considérant ainsi que l'élément moral retenu à charge des demandeurs est le dol et non le défaut de prévoyance ou de précaution, les juges d'appel ont régulièrement motivé leur décision de ne pas appliquer la cause d'excuse absolutoire invoquée par le moyen.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
La demanderesse soutient que la cour d'appel a accordé à une coprévenue le bénéfice d'une circonstance atténuante qui lui revenait.
Ce grief nécessite pour son examen la vérification d'éléments de fait pour laquelle la Cour est sans pouvoir.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
Considérant que l'omission de prendre en considération une pièce déposée à l'audience par la demanderesse revient à violer la foi due à cette pièce, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
C. Sur les pourvois de la société anonyme Compagnie Fond'Roy :
La Cour ne peut avoir égard au mémoire de la demanderesse reçu au greffe en dehors du délai prévu par l'article 420bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, la cause ayant été inscrite au rôle général de la Cour le 4 août 2009.
1. Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 8 septembre 2008 :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 30 juin 2009 :
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 158, dernier alinéa, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine et de l'article 41bis du Code pénal :
L'infraction à l'article 158, dernier alinéa, du Code wallon est punie d'un emprisonnement de huit jours à un mois mais, en vertu de l'article 41bis du Code pénal, la peine applicable à une personne morale, en remplacement de cet emprisonnement, est une amende de cinq cents à deux mille euros.
Il s'ensuit que la peine de deux mille cinq cents euros infligée du chef de la prévention B est illégale.
Cette illégalité entraîne la cassation de la peine et de la condamnation à la contribution au Fonds spécial d'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, infligées à la demanderesse du chef de la prévention B. Toutefois, il n'y a pas lieu d'étendre la cassation à la décision par laquelle les juges d'appel ont déclaré l'infraction B établie, puisque l'annulation est encourue pour un motif étranger à ceux qui justifient cette décision.
Pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt du 30 juin 2009 en tant seulement qu'il condamne le demandeur S. J. et la demanderesse société anonyme Compagnie Fond'Roy à une peine et à une contribution au Fonds spécial d'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence du chef de la prévention B ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt du 30 juin 2009 partiellement cassé ;
Condamne les demandeurs S. J. et société anonyme Fond'Roy chacun aux quatre cinquièmes des frais de leur pourvoi et laisse le restant de ceux-ci à charge de l'Etat ;
Condamne la société anonyme Vecquim aux frais de son pourvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de : trois cent soixante-huit euros soixante-quatre centimes dont I) sur le pourvoi de S. J. : cent vingt-deux euros quatre-vingt-huit centimes dus ; II) sur le pourvoi de la société anonyme Vecquim : cent vingt-deux euros quatre-vingt-huit centimes dus et III) sur le pourvoi de la société anonyme compagnie Fond'Roy : cent vingt-deux euros quatre-vingt-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Jean de Codt, président de section, Benoît Dejemeppe, Martine Regout, Pierre Cornelis et Gustave Steffens, conseillers, et prononcé en audience publique du dix février deux mille dix par Jean de Codt, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.