Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "MALOT-DAUMESNIL", dont le siège est ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 18 septembre 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à obtenir de l'Etat français la réparation de son préjudice résultant du refus de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice,
2° condamne l'Etat à lui verser la somme de 2 500 000 F avec intérêts du 16 janvier 1984, avec la capitalisation des intérêts échus,
3° subroge l'Etat dans sa créance, à concurrence de l'indemnité fixée, contre les occupants de l'immeuble,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction ;
Vu le nouveau code de procédure civile, notamment son article 507 ;
Vu la loi n° 49-458 du 2 avril 1949 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Le Bret, de Lanouvelle, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE MALOT-DAUMESNIL,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une ordonnance du 13 janvier 1982 rendue au profit des consorts Y... et confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 9 novembre 1982, le Président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné l'expulsion, à compter du 1er avril 1982, de Mme X... Rabia et de tous occupants de son chef des lieux qu'ils occupent ... ; que les consorts Y... ont requis, le 7 mars 1983, le concours de la force publique pour faire assurer l'exécution de cette ordonnance mais, alors qu'aucune suite n'avait été donnée à cette demande, la Société Civile Immobilière "MALOT-DAUMESNIL" a acquis, le 30 novembre 1983, l'immeuble en cause ;
Considérant que cet acte de vente subroge exclusivement l'acquéreur aux droits du vendeur dans l'action que ce dernier pouvait engager contre Mme X... Rabia ; qu'ainsi, le refus de faire droit à la demande de concours de la force publique présentée par le précédent propriétaire, n'a fait naître aucun droit à indemnisation contre l'Etat, au profit de l'acquéreur ;
Considérant que, postérieurement à l'acte par lequel elle est devenue propriétaire de l'immeuble, la Société Civile Immoblière "MALOT-DAUMESNIL" a, au plus tard le 2 décembre 1983, demandé par un de ses représentants, à l'autorité de police le concours de la force publique pour faire expulser les occupants sans titre de ce bâtiment ; que ni l'article 507 du nouveau code de procédure civile ni aucun autre texte législatif, n'imposait au propriétaire d'agir par l'intermédiaire d'un huissier de justice auprès de l'autorité de police ; que par suite, celle-ci a été valablement saisie par la société propriétaire de l'immeuble ; que si, eu égard aux risques pour l'ordre public qu'aurait entraîné, au cas d'espèce, le recours de la force, le Commissaire de police n'a pas commis une faute lourde en s'abstenant d'agir matériellement, cette abstention ouvre à la société demanderesse un droit à indemnité contre l'Etat sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article L. 613-3 du code de la construction, rendu applicable aux occupants de locaux meublés non situés dans un hôtel de tourisme homologué par l'article L. 613-5 du même code : "il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er décembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes ...." ; que la société requérante ne conteste pas que son établissement était au nombre de ceux auxquels s'appliquaient la disposition précitée ; qu'au cas d'espèce, l'autorité de police a été saisie, comme il a été dit ci-dessus, par la société requérante, d'une demande d'expulsion le 2 décembre 1983 ; qu'il résulte de l'instruction que les locaux ont été évacués le 6 février 1984 ; que la société n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'abstention de l'autorité de police lui a causé un préjudice dont elle puisse demander réparation et, par voie de conséquence, à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnité ;
Article 1er : La requête de la Société Civile Immobilière "MALOT-DAUMESNIL" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société Civile Immobilière "MALOT-DAUMESNIL" et au ministre de l'intérieur.