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26/12/2018 | FRANCE | N°424570

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 26 décembre 2018, 424570


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 28 septembre, 31 octobre, 23 novembre et 5 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société JPC-DS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 120 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-BIC-PVMV-10-20-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 28 septembre, 31 octobre, 23 novembre et 5 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société JPC-DS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 120 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-BIC-PVMV-10-20-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 décembre 2018, présentée par la société JPC-DS.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts : " Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Une quote-part de frais et charges égale à 12 % du montant brut des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères à condition de détenir au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a (...) ".

2. Le paragraphe n° 120 des commentaires administratifs publiés le 11 mars 2013 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-BIC-PVMV-10-20-10 énonce que " La cession d'un élément d'actif par une société passible de l'impôt sur les sociétés à l'un de ses associés moyennant un prix inférieur à la valeur vénale réelle du bien cédé s'analyse à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé en une libéralité assimilable à une distribution de fonds sociaux. / Par suite, la différence ainsi constatée est imposable dans les conditions de droit commun et ne peut pas bénéficier du régime des plus-values (...) ".

3. Les minorations du prix de cession d'un élément de l'actif peuvent conduire, lorsqu'elles ne relèvent pas d'une gestion normale pour l'application des articles 38 et 209 du code général des impôts ou constituent des bénéfices indirectement transférés au sens de l'article 57 du même code, à un rehaussement, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, du bénéfice de la société cédante, imposable dans les conditions de droit commun prévues par ces dispositions. Elles ne peuvent en revanche, dès lors qu'elles constituent des libéralités, être imposées selon les régimes particuliers applicables aux plus-values professionnelles, notamment celui prévu au a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts pour les plus-values à long terme sur titres de participation réalisées par une société soumise à l'impôt sur les sociétés. La seule circonstance que le bénéfice de ce régime n'est plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, subordonné à l'inscription de la plus-value réalisée au sein de la réserve spéciale des plus-values à long terme ne saurait avoir pour effet de rendre ce régime applicable aux rehaussements du bénéfice imposable auxquels l'administration est en droit de procéder lorsqu'elle constate une minoration du prix de cession de titres de participation.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. La société JPC-DS soutient que, dans l'hypothèse où les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts seraient interprétées comme ne s'appliquant pas aux rehaussements résultant de la mise en évidence d'une minoration du prix de cession de titres de participation, il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et de la liberté d'entreprendre.

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, le rehaussement du bénéfice imposable consécutif à la constatation par l'administration d'une minoration délibérée du prix de cession de titres de participation par rapport à leur valeur vénale fait l'objet d'un traitement fiscal identique, à savoir une soumission à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun sans application du régime particulier d'imposition prévu par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, que l'insuffisance de prix résulte de l'acte de cession lui-même ou d'un acte postérieur ayant pour effet de réduire le prix de cession. Par ailleurs, si le supplément de prix versé à l'acquéreur, à la suite d'une action en rescision pour lésion au sens de l'article 1674 du code civil, lorsque l'acquéreur choisit, comme le lui permet l'article 1681 du code civil, de conserver le bien en payant un tel supplément de prix est traité par la loi fiscale comme un complément de la plus-value initiale, taxable au titre de l'année de la cession, et non comme un élément de bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au titre de l'année de son versement, une telle différence de traitement fiscal est justifiée par une différence objective de situation tenant au caractère non délibéré, de la part du vendeur, de l'insuffisance du prix stipulé à l'acte. Par suite, ne peut qu'être écarté le grief tiré de ce qu'en déterminant le champ d'application des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, telles qu'interprétées par la jurisprudence, le législateur ne se serait pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but, qu'il poursuivait, de soumettre à l'impôt les plus-values de cession des titres de participation dans des conditions dérogatoires.

7. En second lieu, le droit dont dispose l'administration fiscale de contrôler le prix de cession de titres librement stipulé par les parties et, le cas échéant, de tirer les conséquences sous le contrôle du juge d'une éventuelle minoration, n'a pas pour effet de restreindre l'exercice de la liberté d'entreprendre. Par suite, le grief tiré de ce que l'imposition des minorations de prix de cession des titres de participation selon le régime de droit commun applicable aux bénéfices méconnaitrait cette liberté ne présente pas davantage de caractère sérieux.

8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur l'autre moyen de la requête :

9. Il résulte de ce qui est dit au point 3 qu'en énonçant qu'en cas de constat, par l'administration, de la cession d'un élément d'actif par une société passible de l'impôt sur les sociétés à l'un de ses associés pour un prix inférieur à la valeur vénale réelle du bien cédé, dans des conditions traduisant l'existence, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, d'une libéralité assimilable à une distribution de fonds sociaux, le supplément de bénéfice ainsi mis en évidence est imposable entre les mains de la société dans les conditions de droit commun, sans pouvoir bénéficier du régime des plus-values, les commentaires attaqués ne donnent pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une interprétation du droit applicable qui en méconnaît la portée. En particulier, la circonstance que ces commentaires se réfèrent à des décisions jurisprudentielles rendues pour l'application de dispositions législatives qui ne sont plus en vigueur et qui ont été remplacées par des dispositions de portée différente est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'interprétation qu'ils comportent de la loi fiscale.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la JPC-DS doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société JPC-DS.

Article 2 : La requête de la société JPC-DS est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société JPC-DS et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 424570
Date de la décision : 26/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2018, n° 424570
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:424570.20181226
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