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11/07/2018 | FRANCE | N°409090

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 11 juillet 2018, 409090


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1503669 du 10 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16DA00687 du 19 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.<

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Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1503669 du 10 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16DA00687 du 19 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 20 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M.B....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., ressortissant algérien né le 12 décembre 1959 en France, a bénéficié d'un certificat de résidence entre 1981 et 1991 ; qu'il a, entre 1984 et 1996, fait l'objet d'une dizaine de condamnations judiciaires à des peines d'emprisonnement ; qu'après avoir purgé ses peines, il a vécu en Algérie de 1997 à 2001 suite à l'exécution d'un arrêté d'expulsion pris à son encontre par le ministre de l'intérieur le 25 mars 1988 ; qu'il est revenu en France après l'abrogation de cette mesure d'expulsion par un arrêté ministériel du 2 octobre 2000 intervenu en exécution d'une décision par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avait, le 30 décembre 1998, annulé un précédent refus d'abrogation du ministre de l'intérieur du 13 juin 1994 ; qu'après son retour en France en 2001, l'intéressé a été, de nouveau, condamné, en 2003, à deux ans d'emprisonnement, notamment pour recel de biens provenant d'un vol commis à l'aide d'une effraction puis, en 2006, à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour un viol commis en 2002 et à une interdiction de séjourner pendant dix années dans les départements du Nord et du Pas de Calais ; qu'enfin, il a été condamné en 2013 à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans pour conduite de véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique ; que M. B...ayant demandé à la préfecture de la Somme, le 7 avril 2015, son admission exceptionnelle en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans, l'autorité préfectorale a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire et a fixé l'Algérie comme pays de destination ; que l'intéressé a relevé appel du jugement du 10 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 19 janvier 2017, rejeté son appel formé contre ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ; que ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ; que, pour rejeter la requête de M.B..., la cour administrative d'appel de Douai a relevé que le préfet de la Somme pouvait légalement prendre en considération la nature, le caractère répété et la gravité des faits pour lesquels il a fait l'objet de multiples condamnations dont le quantum dépasse dix-huit années d'emprisonnement, en vue d'apprécier la menace pour l'ordre public qu'il continuait de présenter à la date de sa décision ; qu'elle n'a, ce faisant, entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les périodes de détention accomplies à la suite de condamnations à des peines privatives de liberté ne pouvaient être prises en compte dans le calcul de la durée de la résidence en France pour l'application des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour administrative d'appel, pour relever que M. B...n'établissait pas avoir résidé en France depuis plus de dix ans à la date de sa demande, une fois soustraites les périodes de détention, a pris en compte la durée des peines effectivement exécutées et non les seules peines prononcées ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'en estimant, d'une part, que M. B...n'avait pas cessé de présenter une menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'à la date de la décision attaquée, l'ensemble de ses liens familiaux ne présentaient pas une intensité telle qu'ils justifiaient son maintien en France, et en déduisant de ces circonstances que, malgré la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Somme n'avait pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, en prenant la mesure contestée, porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique des faits ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409090
Date de la décision : 11/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - TEXTES APPLICABLES - CONVENTIONS INTERNATIONALES - ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 - CERTIFICAT DE RÉSIDENCE D'UN AN (ART - 6) - APPLICABILITÉ DE LA RÉSERVE D'ORDRE PUBLIC - EXISTENCE [RJ1].

335-01-01-02 Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - REFUS DE SÉJOUR - MOTIFS - REFUS D'UN CERTIFICAT DE RÉSIDENCE D'UN AN DEMANDÉ SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 6 DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 - MOTIF D'ORDRE PUBLIC - LÉGALITÉ - EXISTENCE [RJ1].

335-01-03-04 Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Ass., 29 juin 1990, Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI), n° 78519, p. 171; Comp., s'agissant du renouvellement du certificat de résidence de 10 ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, CE, 14 février 2001, Ministre de l'intérieur c/,n° 206914, p. 64.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2018, n° 409090
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409090.20180711
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