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05/10/2016 | FRANCE | N°380432

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 05 octobre 2016, 380432


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, d'une part, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et des intérêts de retard dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignées au titre des années 1999 à 2001 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires de contributions sociales qui leur ont été réclamées au titre des mêmes années. Par un jugement n° 0805538 du 14 février 2012, le tribunal administratif de Bordeaux

a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 12BX00939 du 18 mars 2014, la cour ad...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge, d'une part, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et des intérêts de retard dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignées au titre des années 1999 à 2001 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires de contributions sociales qui leur ont été réclamées au titre des mêmes années. Par un jugement n° 0805538 du 14 février 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 12BX00939 du 18 mars 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel que M. et Mme B...ont formé contre ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des pénalités.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 11 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme B...;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1999 à 2001, à l'issue duquel l'administration a taxé, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les sommes issues de détournements de fonds opérés par Mme B... au préjudice de plusieurs sociétés appartenant au groupe dont elle était la directrice administrative. Les rectifications opérées en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assorties de majorations au taux de 80 % prévues par les dispositions alors en vigueur du 1 de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses. M. et Mme B...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 18 mars 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre le jugement du 14 février 2012 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des majorations précitées.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (...) ". Les pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations du paragraphe 1 précité. Le principe de personnalité des peines découle du principe de la présomption d'innocence posé par les stipulations du paragraphe 2.

3. D'autre part, aux termes du second alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts : " Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge (...) ". Aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal ". Aux termes du I de l'article 1754 de ce code : " Le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt ".

4. Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines mentionné au point 2, lequel s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé, après avoir relevé que l'administration avait assigné au foyer fiscal que forment M. et Mme B...les majorations pour manoeuvres frauduleuses imputables uniquement à cette dernière, que le principe de personnalité des peines garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devait être appliqué en tenant compte du principe de l'imposition commune des couples mariés et ne faisait pas obstacle à ce que les pénalités encourues à raison des agissements de l'un seulement des conjoints soient mises à la charge commune des membres de ce couple. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 380432
Date de la décision : 05/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - MAJORATION DE L'IMPÔT DÛ PAR LE FOYER FISCAL FORMÉ PAR LES DEUX ÉPOUX À RAISON DU COMPORTEMENT D'UN SEUL DES DEUX ÉPOUX - CONFORMITÉ AU PRINCIPE DE PERSONNALITÉ DES PEINES - EXISTENCE.

19-01-04-015 Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), lequel s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts (CGI) et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6) - PRINCIPE DE PERSONNALITÉ DES PEINES - MAJORATION DE L'IMPÔT DÛ PAR LE FOYER FISCAL FORMÉ PAR LES DEUX ÉPOUX À RAISON DU COMPORTEMENT D'UN SEUL DES DEUX ÉPOUX - CONFORMITÉ.

26-055-01-06 Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH), lequel s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts (CGI) et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2016, n° 380432
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:380432.20161005
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