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02/02/2015 | FRANCE | N°370385

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 02 février 2015, 370385


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Le 30 juillet 2008, M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2005 à raison des bénéfices réalisés en France et des sommes mises à sa disposition par les sociétés Transange SL et Transcamio SL, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 08-05376 du 3 juin 2010, le tribunal administratif de Marseille, apr

ès avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande à concurrence de la dé...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

Le 30 juillet 2008, M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de le décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2005 à raison des bénéfices réalisés en France et des sommes mises à sa disposition par les sociétés Transange SL et Transcamio SL, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 08-05376 du 3 juin 2010, le tribunal administratif de Marseille, après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande à concurrence de la décharge partielle prononcée par l'administration, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Par un arrêt n° 10MA03312 du 24 mai 2013, la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par M. B..., a annulé le jugement du tribunal administratif et prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti ainsi que des pénalités correspondantes.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi, enregistré le 22 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 mai 2013.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A...B....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B...est gérant et associé unique de deux sociétés de droit espagnol, Transange SL et Transcamio SL, qui exercent une activité de transport routier de marchandises ; qu'à l'issue de vérifications de comptabilité portant sur les exercices 2003 à 2005, l'administration fiscale a conclu que l'activité des sociétés était conduite à partir d'un établissement stable situé à Rognac (Bouches-du-Rhône) et considéré que leurs bénéfices ainsi que les sommes mises à la disposition de M. B... au cours de ces trois années avaient le caractère de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, par un jugement du 3 juin 2010, le tribunal administratif de Marseille, après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de M. B...à concurrence de la décharge partielle prononcée par l'administration, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles l'intéressé a été assujetti au titre des années 2003 à 2005 ainsi que des pénalités correspondantes ; que, par un arrêt du 24 mai 2013, contre lequel le ministre délégué chargé du budget se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et fait droit à la demande de décharge de M. B... au motif que les bénéfices et sommes en litige étaient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

2. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable ; que, compte tenu de ces constatations, il lui revient de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française ;

3. Considérant que, d'une part, la cour administrative d'appel a relevé que les sociétés Transange SL et Transcamio SL sont des sociedad de responsabilidad limitada, ou SRL, dont M. B...est l'associé unique ; qu'en vertu du droit des sociétés espagnol, le capital des SRL est divisé en parts égales, non librement cessibles, entre des associés qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports et peut, sous certaines conditions, être réuni entre les mains d'un associé unique ; qu'ainsi, en jugeant que les deux sociétés devaient être assimilées en droit français à des sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique ; que, d'autre part, en vertu du 4° de l'article 8 et du 1 et du e du 3 de l'article 206 du code général des impôts, l'associé unique personne physique d'une société à responsabilité limitée est imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus correspondant à l'activité de la société, sauf à ce que la société ait opté en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; que, dès lors, en jugeant qu'en l'absence d'option des deux SRL, qui exercent une activité industrielle et commerciale, en faveur de l'assujettissement en France à l'impôt sur les sociétés, leurs résultats et les sommes mises à la disposition de leur associé unique sont imposables à l'impôt sur le revenu, dans le chef de M. B..., dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la cour administrative d'appel n'a pas non plus commis d'erreur de droit ; que, par suite, le ministre délégué chargé du budget n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 370385
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE) - 1) LITIGE PORTANT SUR LE TRAITEMENT FISCAL D'UNE OPÉRATION IMPLIQUANT UNE SOCIÉTÉ DE DROIT ÉTRANGER - MÉTHODE À SUIVRE - IDENTIFICATION - AU REGARD DE L'ENSEMBLE DES CARACTÉRISTIQUES DE CETTE SOCIÉTÉ ET DU DROIT QUI EN RÉGIT LA CONSTITUTION ET LE FONCTIONNEMENT - DU TYPE DE SOCIÉTÉ DE DROIT FRANÇAIS AUQUEL LA SOCIÉTÉ DE DROIT ÉTRANGER EST ASSIMILABLE PUIS DÉTERMINATION DU RÉGIME APPLICABLE À L'OPÉRATION LITIGIEUSE AU REGARD DE LA LOI FISCALE FRANÇAISE [RJ1] - 2) APPLICATION DE CETTE MÉTHODE - A) SOCIÉTÉS DE DROIT ESPAGNOL (SOCIEDAD DE RESPONSABILIDAD LIMITADA) ASSIMILABLES À DES SARL DONT L'ASSOCIÉ UNIQUE EST UNE PERSONNE PHYSIQUE - B) APPLICATION À L'ASSOCIÉ UNIQUE DE CES SOCIÉTÉS ESPAGNOLES DU RÉGIME FISCAL FRANÇAIS DE L'ASSOCIÉ UNIQUE PERSONNE PHYSIQUE D'UNE SARL N'AYANT PAS OPTÉ EN FAVEUR DE L'ASSUJETTISSEMENT À L'IS.

19-01-01-02 1) Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.,,,2) a) En l'espèce, les deux sociétés en cause, de droit espagnol, sont des sociedad de responsabilidad limitada, ou SRL, ayant un associé unique. En vertu du droit des sociétés espagnol, le capital des SRL est divisé en parts égales, non librement cessibles, entre des associés qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports et peut, sous certaines conditions, être réuni entre les mains d'un associé unique. Les deux sociétés doivent donc être assimilées en droit français à des sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont l'associé unique est une personne physique.,,,b) En vertu du 4° de l'article 8 et du 1 et du e du 3 de l'article 206 du code général des impôts, l'associé unique personne physique d'une société à responsabilité limitée est imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus correspondant à l'activité de la société, sauf à ce que la société ait opté en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés (IS). En l'absence d'option des deux SRL, qui exercent une activité industrielle et commerciale, en faveur de l'assujettissement en France à l'impôt sur les sociétés, leurs résultats et les sommes mises à la disposition de leur associé unique sont imposables à l'impôt sur le revenu, dans le chef de leur associé unique, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - PERSONNES ET ACTIVITÉS IMPOSABLES - ÉNUMÉRATION DES PERSONNES ET ACTIVITÉS - 1) LITIGE PORTANT SUR LE TRAITEMENT FISCAL D'UNE OPÉRATION IMPLIQUANT UNE SOCIÉTÉ DE DROIT ÉTRANGER - MÉTHODE À SUIVRE - IDENTIFICATION - AU REGARD DE L'ENSEMBLE DES CARACTÉRISTIQUES DE CETTE SOCIÉTÉ ET DU DROIT QUI EN RÉGIT LA CONSTITUTION ET LE FONCTIONNEMENT - DU TYPE DE SOCIÉTÉ DE DROIT FRANÇAIS AUQUEL LA SOCIÉTÉ DE DROIT ÉTRANGER EST ASSIMILABLE PUIS DÉTERMINATION DU RÉGIME APPLICABLE À L'OPÉRATION LITIGIEUSE AU REGARD DE LA LOI FISCALE FRANÇAISE [RJ1] - 2) APPLICATION DE CETTE MÉTHODE - A) SOCIÉTÉS DE DROIT ESPAGNOL (SOCIEDAD DE RESPONSABILIDAD LIMITADA) ASSIMILABLES À DES SARL DONT L'ASSOCIÉ UNIQUE EST UNE PERSONNE PHYSIQUE - B) APPLICATION À L'ASSOCIÉ UNIQUE DE CES SOCIÉTÉS ESPAGNOLES DU RÉGIME FISCAL FRANÇAIS DE L'ASSOCIÉ UNIQUE PERSONNE PHYSIQUE D'UNE SARL N'AYANT PAS OPTÉ EN FAVEUR DE L'ASSUJETTISSEMENT À L'IS.

19-04-02-01-01-01 1) Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.,,,2) a) En l'espèce, les deux sociétés en cause, de droit espagnol, sont des sociedad de responsabilidad limitada, ou SRL, ayant un associé unique. En vertu du droit des sociétés espagnol, le capital des SRL est divisé en parts égales, non librement cessibles, entre des associés qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports et peut, sous certaines conditions, être réuni entre les mains d'un associé unique. Les deux sociétés doivent donc être assimilées en droit français à des sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont l'associé unique est une personne physique.,,,b) En vertu du 4° de l'article 8 et du 1 et du e du 3 de l'article 206 du code général des impôts, l'associé unique personne physique d'une société à responsabilité limitée est imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus correspondant à l'activité de la société, sauf à ce que la société ait opté en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés (IS). En l'absence d'option des deux SRL, qui exercent une activité industrielle et commerciale, en faveur de l'assujettissement en France à l'impôt sur les sociétés, leurs résultats et les sommes mises à la disposition de leur associé unique sont imposables à l'impôt sur le revenu, dans le chef de leur associé unique, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Plénière fiscale, 24 novembre 2014, Société Artémis SA, n° 363556, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2015, n° 370385
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370385.20150202
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