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12/03/2014 | FRANCE | N°359643

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 12 mars 2014, 359643


Vu 1°, sous le n° 359643, le pourvoi, enregistré le 23 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11PA03000 du 27 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur l'appel de M. A...B...tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0314546 du 4 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi par lui du fait des fautes commis

es par l'administration fiscale à l'encontre de la société de gestion ...

Vu 1°, sous le n° 359643, le pourvoi, enregistré le 23 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11PA03000 du 27 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur l'appel de M. A...B...tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0314546 du 4 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi par lui du fait des fautes commises par l'administration fiscale à l'encontre de la société de gestion Laborde, d'autre part, à la condamnation de l'Etat, a ordonné un supplément d'instruction aux fins de permettre aux parties de lui communiquer tous éléments permettant de préciser le caractère certain de ce préjudice et d'en déterminer le montant ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B...;

Vu 2°, sous le n° 361975, le pourvoi, enregistré le 17 août 2012, présenté par le ministre délégué, chargé du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11PA03000 du 28 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n° 0314546 du 4 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de M. A...B...tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi par lui du fait des fautes commises par l'administration fiscale à l'encontre de la société de gestion Laborde, a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.B... ;

....................................................................................

Vu 3°, sous le n° 362191, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 21 novembre 2012, présentés pour M. A...B..., demeurant à ...; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°11PA03000 du 28 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement n° 0314546 du 4 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi par lui du fait des fautes commises par l'administration fiscale à l'encontre de la société de Gestion Laborde, a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 10 000 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'intégralité de ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Maxime Boutron, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. A...B...;

1. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de deux vérifications de comptabilité de la société anonyme MM. B...etC..., dont M. A...B...était l'un des deux associés et le président du conseil d'administration, et aux droits de laquelle est venue la société de gestion Laborde, portant respectivement sur les années 1987 à 1989, puis 1990 à 1992, l'administration a notamment remis en cause l'allègement d'impôt sur les sociétés dont cette société avait bénéficié au titre de l'article 44 quater du code général des impôts alors en vigueur, au motif que son activité n'était pas au nombre de celles ouvrant droit à cet allègement ; qu'elle a mis en recouvrement les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces contrôles ; qu'en particulier, elle a adressé à la société, le 22 janvier 1996, un commandement de payer les cotisations supplémentaires ainsi établies au titre de l'exercice clos en 1990 et procédé à la saisie conservatoire de ses comptes bancaires ; qu'en juin 1996, la société a été placée en liquidation judiciaire ; que les redressements litigieux ont tous été abandonnés en 2000 à la suite d'instances engagées par la société au motif que l'activité de la société entrait dans le champ d'application de l'article 44 quater susmentionné ; que M. B...a demandé à l'Etat la réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la liquidation judiciaire de la société, qu'il impute aux procédures d'établissement et de recouvrement des impôts litigieux ; qu'après avoir confirmé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il avait jugé que les services du recouvrement n'avaient pas commis de faute, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision du 30 mai 2011, a censuré l'arrêt de cette cour en tant qu'il concernait la responsabilité des services d'établissement de l'impôt et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Paris ; que celle-ci, par un premier arrêt avant-dire droit du 27 mars 2012 dont le ministre délégué, chargé du budget, demande l'annulation, a jugé que l'administration avait commis une faute à l'égard de la société de gestion Laborde ayant contribué à sa mise en liquidation judiciaire, et ordonné un supplément d'instruction aux fins de préciser la nature et le montant du préjudice subi par M.B... ; que par un second arrêt, en date du 28 juin 2012, dont le ministre délégué, chargé du budget, et M. B... demandent l'annulation, elle a condamné l'Etat à verser à M. B...une somme de 10 000 euros en réparation des troubles subis dans les conditions de son existence ; que les pourvois sont relatifs au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la responsabilité de l'administration fiscale quant à la mise en liquidation judiciaire de la Société de gestion Laborde :

3. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir estimé, par une appréciation souveraine des faits qui n'est pas entachée de dénaturation, que l'administration disposait, au plus tard, dès la fin de l'année 1994 de tous les éléments nécessaires pour porter une appréciation correcte sur la nature de l'activité de la société de gestion Laborde, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, ni dénaturer les faits soumis à son examen, que l'administration avait commis une faute en poursuivant en 1996 le recouvrement des impositions mises à la charge de cette société au titre de l'exercice clos en 1990, et en n'en prononçant le dégrèvement qu'au cours de l'année 2000 durant l'instance contentieuse ; que la cour n'a ni dénaturé les faits soumis à son examen, ni entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique, en jugeant que la circonstance que la société avait tardé à saisir le juge de l'impôt de la contestation des cotisations litigieuses et à produire certaines pièces permettant de conforter la qualification de son activité, ne présentait pas le caractère d'une faute de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par sa décision du 30 mars 2011, a jugé que les services de recouvrement de l'impôt n'avaient commis aucune faute, la cour, en statuant comme elle l'a fait, n'a pas reproché à l'administration une faute des services de recouvrement, mais une faute des services d'établissement de l'impôt, dont la conséquence légale a été la mise en recouvrement des impositions litigieuses et la saisie conservatoire des comptes bancaires de la société ; que la cour n'a, ainsi, nullement méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat dans sa décision précitée ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que la saisie conservatoire de ses comptes bancaires avait privé la société de gestion Laborde de ses liquidités et l'avait mise dans l'impossibilité de faire face au paiement de certaines de ses dettes venant à échéance, la contraignant, du moins pour partie, à se déclarer en cessation de paiement, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique, et sans dénaturer les faits soumis à son examen, qu'il existait un lien direct de causalité entre la faute de l'administration et la mise en liquidation judiciaire de la société ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué, chargé du budget, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt en date du 27 mars 2012, qui est suffisamment motivé, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a jugé que l'administration avait commis une faute à l'égard de la société de gestion Laborde ayant contribué à sa mise en liquidation judiciaire ;

Sur l'indemnisation du préjudice subi par M.B... :

7. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'en vertu de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, codifiée ultérieurement dans le code de commerce, le président du conseil d'administration d'une société anonyme est élu parmi les membres du conseil d'administration ; que si le mandat d'administrateur ne peut excéder six ans, il est renouvelable sans limitation ; d'autre part, que la circonstance qu'un administrateur de société a acquis les droits lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein ne permet pas de regarder comme hypothétique la perte de revenus subie par cet administrateur du fait de la liquidation de la société dans laquelle il exerce ses fonctions ; qu'en jugeant que le préjudice matériel allégué par M. B...du fait de la perte de ses revenus de président du conseil d'administration de la société de gestion Laborde, qui avait été placée en liquidation judiciaire, ne présentait pas de caractère certain, au motif que M. B...pouvait faire valoir ses droits à la retraite et qu'il n'avait pas établi que les statuts de la société, ni son règlement intérieur, comportaient des stipulations expresses lui permettant d'envisager le renouvellement de son mandat d'administrateur et donc de président, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreurs de droit ;

8. Considérant, en second lieu, que, pour justifier sa demande d'indemnisation des troubles qu'il avait subis dans ses conditions d'existence du fait de la liquidation judiciaire de la société de gestion Laborde, M. B...avait invoqué non seulement l'atteinte à sa réputation professionnelle, mais aussi les souffrances morales endurées du fait de la disparition d'une société qu'il avait fondée et développée, le long combat juridique qu'il avait dû mener pour obtenir, d'abord, l'abandon des redressements litigieux, puis l'indemnisation de son préjudice et celui de sa société, et le sentiment durable d'être victime d'une injustice ; qu'en se bornant à relever que M. B...avait subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant, notamment de l'atteinte à sa réputation, pour limiter l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 10 000 euros, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt en date du 28 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a statué sur le montant de son préjudice ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

10. Considérant que, pour les sociétés anonymes, l'article 110-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, codifié à l'article L. 225-48 du code de commerce, dispose : " Les statuts doivent prévoir pour l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration une limite d'âge qui, à défaut d'une disposition expresse, est fixée à soixante-cinq ans. Toute nomination intervenue en violation des dispositions prévues à l'alinéa précédent est nulle. Lorsqu'un président de conseil d'administration atteint la limite d'âge, il est réputé démissionnaire d'office " ; que M.B..., qui avait atteint l'âge de 68 ans à la date de la liquidation judiciaire de la société de gestion Laborde, n'a pas établi que les statuts de cette société comportaient une stipulation expresse qui lui aurait permis de continuer son activité de président du conseil d'administration de la société au-delà de cette date ; que le préjudice matériel allégué par M. B...du fait de la liquidation judiciaire de la société de gestion Laborde ne saurait, dès lors, être regardé comme certain ;

11. Considérant, en revanche, que la liquidation judiciaire de la société de gestion Laborde, que M. B...avait fondée et dont il présidait le conseil d'administration, a constitué une atteinte grave à sa réputation professionnelle ; qu'elle a conduit à la disparition d'une société à laquelle il avait consacré une part importante de sa vie professionnelle ; que la fin de sa carrière professionnelle a été gravement et durablement perturbée par les multiples procédures qu'il a dû engager pour faire reconnaître ses droits et par la disparition de sa société ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par M. B... en fixant l'ensemble à la somme de 80 000 euros ; que M. B...a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 10 juin 2003, date de réception par l'administration de sa demande préalable d'indemnisation ; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. B... a demandé la capitalisation des intérêts le 23 septembre 2005 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle pour les intérêts échus postérieurement à cette même date ;

Sur les conclusions de M. A...B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à verser à M. B...au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B...la somme de 80 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2003. Les intérêts échus le 23 septembre 2005 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...devant la cour administrative d'appel de Paris et des pourvois du ministre délégué, chargé du budget est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 359643
Date de la décision : 12/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - RESPONSABILITÉ DES SERVICES FISCAUX LORS DE L'EXÉCUTION D'OPÉRATIONS SE RATTACHANT AUX PROCÉDURES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - 1) FAUTE COMMISE À L'ÉGARD DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE EN L'ESPÈCE [RJ1] - 2) PRÉJUDICES SUBIS PAR LE DIRIGEANT - INCLUSION - PRÉJUDICE MORAL ET TROUBLES DE TOUTE NATURE DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE [RJ2] - ESPÈCE.

19-01-06 1) Administration fiscale ayant remis en cause l'allègement d'impôt sur les sociétés dont une société avait bénéficié entre 1987 à 1992 au titre de l'article 44 quater du code général des impôts, au motif que son activité n'était pas au nombre de celles ouvrant droit à cet allègement, en particulier en émettant en 1996 un commandement de payer les cotisations supplémentaires ainsi établies au titre de l'exercice clos en 1990 et en procédant en 1996 à la saisie conservatoire des comptes bancaires de cette société, qui a peu de temps après été placée en liquidation judiciaire. Les redressements litigieux ont cependant tous été abandonnés en 2000 à la suite d'instances engagées par la société au motif que l'activité de la société entrait bien dans le champ d'application de l'article 44 quater.,,,Dès lors que l'administration disposait, au plus tard, dès la fin de l'année 1994 de tous les éléments nécessaires pour porter une appréciation correcte sur la nature de l'activité de cette société, la cour administrative d'appel a pu juger que l'administration avait commis une faute en poursuivant en 1996 le recouvrement des impositions mises à la charge de cette société au titre de l'exercice clos en 1990, et en n'en prononçant le dégrèvement qu'au cours de l'année 2000 durant l'instance contentieuse.,,,2) Cette faute a contribué à la mise en liquidation judiciaire de cette société. Le dirigeant de cette société peut prétendre à l'indemnisation du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis en lien direct avec cette faute. En l'espèce, l'atteinte grave portée à la réputation professionnelle du dirigeant, la disparition d'une société à laquelle il avait consacré une part importante de sa vie professionnelle et la perturbation grave et durable de la fin de sa carrière professionnelle en raison des multiples procédures qu'il a dû engager pour faire reconnaître ses droits justifient l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués pour un montant de 80 000 euros.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES ÉCONOMIQUES - SERVICES FISCAUX - RESPONSABILITÉ DES SERVICES FISCAUX LORS DE L'EXÉCUTION D'OPÉRATIONS SE RATTACHANT AUX PROCÉDURES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - 1) FAUTE COMMISE À L'ÉGARD DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE EN L'ESPÈCE [RJ1] - 2) PRÉJUDICES SUBIS PAR LE DIRIGEANT - INCLUSION - PRÉJUDICE MORAL ET TROUBLES DE TOUTE NATURE DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE [RJ2] - ESPÈCE.

60-02-02-01 1) Administration fiscale ayant remis en cause l'allègement d'impôt sur les sociétés dont une société avait bénéficié entre 1987 à 1992 au titre de l'article 44 quater du code général des impôts, au motif que son activité n'était pas au nombre de celles ouvrant droit à cet allègement, en particulier en émettant en 1996 un commandement de payer les cotisations supplémentaires ainsi établies au titre de l'exercice clos en 1990 et en procédant en 1996 à la saisie conservatoire des comptes bancaires de cette société, qui a peu de temps après été placée en liquidation judiciaire. Les redressements litigieux ont cependant tous été abandonnés en 2000 à la suite d'instances engagées par la société au motif que l'activité de la société entrait bien dans le champ d'application de l'article 44 quater.,,,Dès lors que l'administration disposait, au plus tard, dès la fin de l'année 1994 de tous les éléments nécessaires pour porter une appréciation correcte sur la nature de l'activité de cette société, la cour administrative d'appel a pu juger que l'administration avait commis une faute en poursuivant en 1996 le recouvrement des impositions mises à la charge de cette société au titre de l'exercice clos en 1990, et en n'en prononçant le dégrèvement qu'au cours de l'année 2000 durant l'instance contentieuse.,,,2) Cette faute a contribué à la mise en liquidation judiciaire de cette société. Le dirigeant de cette société peut prétendre à l'indemnisation du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis en lien direct avec cette faute. En l'espèce, l'atteinte grave portée à la réputation professionnelle du dirigeant, la disparition d'une société à laquelle il avait consacré une part importante de sa vie professionnelle et la perturbation grave et durable de la fin de sa carrière professionnelle en raison des multiples procédures qu'il a dû engager pour faire reconnaître ses droits justifient l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence invoqués pour un montant de 80 000 euros.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 21 mars 2011,,, n° 306225, p. 101.,,

[RJ2]

Cf. CE, 16 juin 1999,,, n° 177075, p. 202.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2014, n° 359643
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:359643.20140312
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