Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 31 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1000427 du 25 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 février 2010 du ministre de la défense lui refusant la révision de sa pension militaire de retraite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 14 avril 1924 portant réforme du régime des pensions civiles et des pensions militaires ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Spinosi, avocat de M.A... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) c) Bénéfices de campagne dans le cas de services militaires, notamment pour services à la mer et outre-mer " ; qu'aux termes de l'article R. 14 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige et issue de la loi du 14 avril 1924 portant réforme du régime des pensions civiles et des pensions militaires : " Les bénéfices de campagne prévus à l'article L. 12, c, attribués en sus de la durée effective des services militaires sont décomptés selon les règles ci-après : (...) C. - Totalité en sus ou moitié en sus de la durée effective, selon le degré d'insalubrité ou les conditions d'insécurité du territoire envisagé déterminés aux articles R. 15 à R. 17, le service accompli, soit à terre, soit à bord des bâtiments de l'Etat ou des bâtiments de commerce au compte de l'Etat : 1° En Algérie, dans les territoires et pays d'outre-mer, Maroc et Tunisie, pour les militaires envoyés de la métropole, d'Algérie, d'un autre territoire ou pays d'outre-mer, Maroc et Tunisie. Sont considérés à cet égard comme envoyés d'Europe les militaires français originaires d'Europe ou nés dans un territoire ou pays d'outre-mer, Maroc et Tunisie, de père et de mère tous deux Européens, de passage dans ces régions et n'y étant pas définitivement fixés " ;
2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite que les bénéfices de campagne attribués, pour le service accompli en Algérie, dans les territoires et pays d'outre-mer, au Maroc et en Tunisie, aux militaires envoyés de la métropole, d'Algérie, d'un autre territoire ou pays d'outre-mer, du Maroc ou de Tunisie, peuvent bénéficier aux militaires français nés dans un territoire ou pays d'outre-mer, au Maroc ou en Tunisie, à condition que leurs deux parents aient été Européens et de passage dans ces régions, sans y être définitivement fixés ; qu'en prévoyant d'accorder ces bénéfices de campagne à des militaires nés dans un des territoires ou pays énumérés ci-dessus et en limitant cet avantage aux militaires dont les parents non seulement étaient de passage dans ces régions et n'y étaient pas définitivement fixés, mais étaient en outre tous deux " Européens ", le pouvoir réglementaire a opéré entre militaires ayant accompli des services dans certains territoires et pays une différence de traitement sans rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit, qui est de réserver les bénéfices de campagne aux militaires ayant accompli des services dans un territoire ou pays dont ils ne sont pas originaires ; que, par suite, en jugeant que la différence de traitement résultant de ces dispositions était justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet des dispositions en cause, le tribunal administratif de Fort-de-France a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 25 mars 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Fort-de-France.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au ministre de la défense et au ministre de l'économie et des finances.