Vu le pourvoi, enregistré le 31 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 083390 du 4 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes, faisant droit à la demande présentée par la société coopérative agricole (SCA) de Broons, l'a déchargée de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 dans les rôles de la commune de Broons, à hauteur de la somme de 153 474 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par la SCA de Broons ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société coopérative agricole de Broons,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société coopérative agricole de Broons ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) 6° a. les bâtiments qui servent aux exploitations rurales, tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes (...) ; / b. dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles (...) " ;
Considérant qu'en faisant expressément référence aux conditions de l'exonération de taxe foncière prévue au a. du 6° de l'article 1382 précité du code général des impôts, laquelle concerne les bâtiments servant aux exploitations rurales, les dispositions du b. du même article ont entendu donner à la notion d'usage agricole qu'elles mentionnent une signification visant les opérations qui sont réalisées habituellement par les agriculteurs eux-mêmes et qui ne présentent pas un caractère industriel ; que, pour l'application de ces dispositions, ne présentent pas un caractère industriel les opérations réalisées par une société coopérative agricole avec des moyens techniques qui n'excèdent pas les besoins collectifs de ses adhérents, quelle que soit l'importance de ces moyens ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société coopérative agricole (SCA) de Broons exerce une activité de fabrication d'aliments pour animaux de ferme à partir des céréales de ses adhérents dont elle assure la collecte, la réception, le séchage, le tri et le stockage, ainsi qu'une activité de collecte et de vente de porcs et d'oeufs ; que l'administration a remis en cause la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts utilisée jusqu'alors, en application de l'article 1500 du même code, pour l'évaluation de la valeur locative de certains de ses biens passibles de taxe foncière sur les propriétés bâties et lui a substitué la méthode comptable définie à l'article 1499 du même code ; que, par le jugement attaqué du 4 février 2010, le tribunal administratif de Rennes a accordé à la société la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007, que l'administration avait établie en tenant compte des nouvelles bases rectifiées de l'année 2005, mises à jour selon cette méthode ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant le tribunal administratif, l'administration fiscale s'est bornée à soutenir que la production d'aliments pour les animaux de ferme effectuée par la SCA de Broons ne pouvait être regardée comme une activité habituellement réalisée par les agriculteurs eux-mêmes au motif que les céréales apportées par les adhérents à la coopérative, qui subissaient un traitement visant à augmenter leur pouvoir nutritif, étaient ainsi transformées en aliments composés ; que le tribunal administratif a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que les activités exercées par la société, notamment la fabrication d'aliments pour animaux de ferme principalement à partir des céréales collectées auprès de ses adhérents, étaient au nombre de celles qui peuvent être habituellement réalisées par les agriculteurs eux-mêmes, alors même qu'elle incorpore aux aliments qu'elle élabore des additifs nutritionnels acquis auprès de tiers et, d'autre part, que les moyens techniques mis en oeuvre par la coopérative ne sauraient être regardés comme excédant les besoins collectifs de ses adhérents ; qu'en en déduisant que les bâtiments dans lesquels elle exerce ces activités devaient être regardés comme affectés à un usage agricole et entraient, dès lors, dans le champ de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévues par le b. du 6° de l'article 1382 du code général des impôts, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit au regard de ces dispositions et a exactement qualifié les faits qu'il a souverainement appréciés ; que, par suite, le pourvoi du ministre doit être rejeté ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCA de Broons au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société coopérative agricole de Broons la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société coopérative agricole de Broons.