Vu, 1°) sous le n° 171138, la requête présentée pour la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES, société d'assurance mutuelle dont le siège est ... à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), représentée par son président en exercice ; la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 23 juin 1995 par laquelle la Commission de contrôle des assurances a mis en oeuvre à son encontre la procédure conduisant au transfert d'office de tout ou partie du portefeuille de contrats en application de l'article L. 310-18 (6°) du code des assurances ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ;
Vu, 2°) sous le n° 172053, la requête présentée pour la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES ; la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 21 juillet 1995 par laquelle la commission des assurances a transféré le portefeuille de contrats de la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES à la Société Allianz Via ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des assurances ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°s 171138 et 172053 de la SOCIETE MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES (MAA) sont dirigées contre les décisions en date respectivement du 23 juin et du 21 juillet 1995 par lesquelles la commission de contrôle des assurances a décidé de lui appliquer la sanction du transfert d'office de son portefeuille de contrats puis a désigné la Société Allianz Via comme repreneur ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 23 juin 1995 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 310-17 du code des assurances : "Lorsqu'une entreprise mentionnée aux 1°, 3° ou 4° de l'article L. 310-2 enfreint une disposition législative ou réglementaire dans le domaine relevant du contrôle de la commission ou a un comportement qui met en péril sa marge de solvabilité ou l'exécution des engagements qu'elle a contractés envers les assurés, la commission, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs observations, peut lui adresser une mise en garde. Elle peut également, dans les mêmes conditions, lui adresser une injonction à l'effet de prendre dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à rétablir ou renforcer son équilibre financier ou à corriger ses pratiques" ; qu'aux termes de l'article L. 310-18 du même code : "Lorsqu'une entreprise mentionnée aux 1°, 3° ou 4° de l'article L. 310-2 n'a pas respecté une disposition législative ou réglementaire dans le domaine relevant du contrôle de la commission ou n'a pas déféré à une injonction, la commission peut prononcer, à son encontre ou à celle de ses dirigeants, l'une ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes, en fonction de la gravité du manquement : ... 6°) Le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats ... Dans tous les cas visés au présent article, la commission de contrôle des assurances statue après une procédure contradictoire. Les responsables de l'entreprise sont obligatoirement mis à même d'être entendus avant que la commission de contrôle n'arrête sa décision. Ils peuvent se faire représenter ou assister" ;
Considérant qu'il résulte du rapprochement des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 dont elle procèdent, que les pourvoirs de sanction dévolus à la commission de contrôle des assurances par l'article L. 310-18 ne sont susceptibles de s'exercer qu'après qu'une injonction a été adressée à l'entreprise pour l'inviter à respecter les dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'en l'espèce, il est constant que la commission de contrôle des assurances n'avait adressé à la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES aucune injonction, lorsqu'elle a pris la décision du 23 juin 1995 décidant le transfert d'office du portefeuille des contrats de la société requérante ; qu'ainsi la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES est fondée à soutenir que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 21 juillet 1995 :
Considérant que la décision du 21 juillet 1995 a notamment pour objet de transférer à la Société Allianz Via la totalité de l'actif de la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES et une partie de son passif ; que par suite, contrairement à ce qui est soutenu, la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de ladite décision ;
Considérant qu'eu égard au lien existant entre la décision du 23 juin 1995 et celle du 21 juillet 1995, la société requérante est fondée à soutenir que la décision du 21 juillet 1995 doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de celle du 23 juin 1995 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES une somme de 15 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Les décisions du 23 juin et du 21 juillet 1995 de la commission de contrôle des assurances sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MUTUELLE ANTILLAISE D'ASSURANCES, à la Société Allianz Via, à la commission de contrôle des finances et au ministre de l'économie et des finances.