Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 3 juillet 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean X..., demeurant ... à l'Etang-La-Ville (78620) ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 décembre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 juillet 1990 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1981, à raison de la plus-value réalisée lors de la vente de son appartement de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Garaud, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 150C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Toute plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est exonérée. Il en est de même pour la première cession d'une résidence secondaire lorsque le cédant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée. Sont considérés comme résidences principales : a) les immeubles ou parties d'immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l'acquisition ou l'achèvement ou pendant au moins cinq ans ; aucune condition de durée n'est requise lorsque la cession est motivée par des impératifs d'ordre familial ou un changement de résidence ... Sont considérés comme résidences secondaires, les autres immeubles ou parties d'immeubles dont le propriétaire a la libre disposition pendant au moins cinq ans. Aucune condition de durée n'est requise lorsque la cession est motivée par un changement de lieu d'activité, par un changement de résidence consécutif à une mise à la retraite ou par des impératifs d'ordre familial ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., dans le but d'acquérir une résidence correspondant à ses besoins familiaux, a mis en vente simultanément en 1981 l'appartement constituant sa résidence principale dans lequel il habitait au Vésinet et un appartement de 30 m à Paris dont il avait retrouvé la disposition après l'avoir loué ; que, le 18 septembre 1981, il a vendu l'appartement du Vésinet et acquis une maison à l'Etang-La-Ville ; qu'il s'est installé dans l'appartement de Paris du 15 septembre au 15 octobre 1981, pendant la durée des travaux de mise en état de cette résidence ; qu'il a vendu son appartement de Paris le 23 octobre 1981 et a demandé à être exonéré pour la plus-value réalisée lors de cette dernière cession, en soutenant que cet appartement était, lors de sa vente, sa résidence principale et en invoquant à la fois les dispositions précitées de l'article 150C du code général des impôts et, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les réponses ministérielles adressées respectivement le 2 décembre 1978 à M. Z..., député, et le 25 août 1979 à M. Y..., député, ainsi que l'instruction 8M1523 du 1er octobre 1980 ;
Considérant qu'un logement ne perd pas sa qualité de résidence principale du seul fait que son propriétaire a libéré les lieux quelque temps avant la date de sa vente ; qu'en jugeant que l'appartement de Paris, occupé par M. X... jusqu'au 15 octobre, ne constituait plus, en tout état de cause, la résidence principale de celui-ci à la date de sa vente, le 23 octobre, la cour administrative d'appel de Paris a donc commis une erreur de droit ; que M. X... est, par suite, fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, d'une part, que même si la cession de l'appartement de Paris était motivée par des impératifs d'ordre familial, son occupation temporaire par M. X... pendant une brève période d'un mois, alors qu'il faisait exécuter des travaux dans sa nouvelle maison qu'il avait acquise en vue d'en faire sa résidence principale et dont il n'établit pas qu'il n'en aurait pas eu la disposition ou qu'elle aurait été indisponible en fait, n'a pu suffire à conférer, dans les circonstances de l'espèce, à cet appartement le caractère d'une résidence principale au sens desdispositions précitées de l'article 150C du code général des impôts ; que cet appartement, alors que M. X... disposait d'une résidence principale dont il avait la disposition, avait dès lors le caractère d'une résidence secondaire ; que M. X... étant propriétaire de sa résidence principale, la plus-value réalisée lors de la cession par l'intéressé d'une résidence secondaire ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées ;
Considérant, d'autre part, que M. X... ne peut, pour obtenir l'exonération de plus-value qu'il sollicitait, se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ni des réponses ministérielles adressées à MM. Y... et Z..., députés, qui concernent, la première, le cas du contribuable qui vend successivement sa résidence secondaire, puis sa résidence principale en vue d'acquérir une nouvelle résidence principale, la seconde, le cas du contribuable non propriétaire de sa résidence principale qui vend sa résidence secondaire en vue d'acquérir une résidence principale mais ne conclut cette vente qu'après avoir acheté sa résidence principale, ni de l'instruction 8M1523 du 1er octobre 1980, qui reprend les termes de ces réponses ministérielles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il ne pouvait obtenir l'exonération de la plus-value en cause, sur le fondement de l'article 150C précité du code général des impôts ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 décembre 1991 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X... devant le Conseil d'Etat et ses conclusions devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.