Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1990 et 4 mai 1990 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nationale des chemins de fer français, dont le siège est ... (75435), représentée par ses dirigeants légaux ; la Société nationale des chemins de fer français demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 7 novembre 1989, par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé, à la demande de la ville de Paris, le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mars 1986, l'a condamnée à verser à cette collectivité la somme de 2 078 000 F, représentant le coût du déplacement de supports de caténaires, à l'occasion des travaux de réfection du pont de Tolbiac ;
2°) de rejeter la demande présentée par la ville de Paris devant la cour administrative d'appel de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de la Société nationale des chemins de fer français et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Tabuteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte clairement des termes de la convention passée, le 14 février 1891, entre la ville de Paris et la compagnie des chemins de fer d'Orléans que si les parcelles nécessaires à l'édification des piles et des culées du pont de Tolbiac ont fait l'objet d'une cession au profit de la ville de Paris, les autres terrains inclus dans le domaine public ferroviaire, que franchit cet ouvrage, continuaient à faire partie du domaine public concédé par l'Etat à la compagnie des chemins de fer ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris a dénaturé les clauses du contrat en estimant que les terrains au-dessus desquels a été édifié le pont de Tolbiac avaient été, en vertu des stipulations dudit contrat, transférés dans le domaine public de la ville de Paris et que de ce fait, la Société nationale des chemins de fer français, venue aux droits de la compagnie des chemins de fer d'Orléans, se trouvait, en raison de l'installation sous le tablier du pont des conducteurs d'électricité, dans la situation du bénéficiaire d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public routier de la ville de Paris ; que, dès lors, la Société nationale des chemins de fer français est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 7 novembre 1989 de la cour administrative d'appel de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction adminisrative statuant en dernier ressort, peut "règler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de règler l'affaire au fond ;
Considérant que la Société nationale des chemins de fer français dispose, sur les dépendances du domaine public de l'Etat spécialement affectées au service public qu'elle exploite, d'un droit de jouissance qui lui permet d'y faire tous les travaux nécessaires à la bonne marche du service dont il s'agit ; qu'elle doit notamment pouvoir réaliser tous les aménagements nécessaires à l'électrification des lignes, si l'utilité de cette transformation vient à apparaître ; que le décret du 26 août 1892 déclarant d'utilité publique la construction du pont de Tolbiac qui a autorisé la ville de Paris à faire traverser par son ouvrage le domaine public ferroviaire, n'a pas eu pour effet de mettre à la charge de la Société nationale des chemins de fer français, venue aux droits de la compagnie des chemins de fer d'Orléans, les frais supplémentaires qu'a occasionnés, lors de la restauration du pont de Tolbiac, la présence des aménagements réalisés par le chemin de fer sous le tablier de ce pont, dès lors que ces aménagements trouvent leur origine dans la nécessité d'adapter à la présence de l'ouvrage routier les transformations d'intérêt général du réseau ferroviaire liées à l'électrification des lignes ; que si la convention du 14 février 1891 stipule que la compagnie des chemins de fer d'Orléans conserve le droit de jouir des parcelles situées sous les arches du pont, sous réserve que les travaux qu'elle serait amenée à effectuer sur ces terrains ne mettront pas obstacle à l'entretien du pont, ces stipulations doivent être interprétées selon la commune intention des parties, à la date de la convention ; qu'à cette époque, l'électrification des voies qu'enjambe le pont, n'avait pu entrer dans leurs prévisions ; que, par suite, la ville de Paris ne saurait se prévaloir des stipulations susmentionnées pour soutenir que les sommes qu'elle a exposées pour la dépose des installations réalisées par la Société nationale des chemins de fer français devraient être mises à la charge de cette société ; que, dès lors, la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 12 mars 1986, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : L'arrêt en date du 7 novembre 1989 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la ville de Paris devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale des chemins de fer français, à la ville de Paris et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.