CASSATION, sur le pourvoi de l'Agence Havas, d'un jugement rendu, le 8 novembre 1935, par le conseil de prud"hommes d'Aix-en-Provence, au profit du sieur X....
LA COUR, statuant toutes chambres réunies,
Ouï, M. le conseiller Debue en son rapport, MM. Y... et Chévrier, avocats en la Cour, en leurs observations, et M. le procureur général en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré, conformément à la loi ;
Sur l'unique moyen de cassation :
Vu l'article 1315 du Code civil ;
Attendu qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve ;
Attendu que X..., employé à la succursale de l'Agence Havas à Marseille, congédié le 24 mars 1934, avec un préavis d'un mois, a assigné son employeur devant le conseil de prud"hommes en paiement d'une indemnité de 950 francs qu'il prétend lui être due en vertu d'une décision du conseil d'administration qui, portée à la connaissance des intéressés le 6 juin 1934, allouait à tous les agents de cette société une gratification égale aux appointements touchés par chacun d'eux le 31 décembre 1933 ; qu'il a soutenu que, bien que ne faisant plus partie du personnel en juin 1934, il avait droit à cette gratification afférente à l'exercice 1933 ;
Mais attendu que le doublement du salaire mensuel d'un employé ne peut être exigé par celui-ci, à défaut d'une convention expresse intervenue entre les parties, qu'en exécution d'un usage constant auquel les contractants doivent être présumés avoir adhéré ;
Qu'il ne résulte pas des énonciations du jugement attaqué l'existence d'un accord de cette nature ou d'un usage d'après lequel X... aurait eu droit, en sa qualité d'employé de l'Agence Havas, à une gratification afférente à l'exercice de l'année écoulée, en raison de cette seule circonstance qu'il était encore à la date du 31 décembre 1933 au service de cette société ;
Qu'il n'est pas contesté, au contraire, que la gratification de 100 % du traitement du mois de décembre 1933 allouée au personnel a été votée au mois de juin 1934 et que, d'après les circulaires portées à la connaissance des intéressés, cette gratification n'était accordée qu'aux employés présents au moment du vote ;
Qu'il est, en outre, constaté par la décision attaquée qu'à cette date X... ne faisait plus partie du personnel ;
Attendu, dès lors, qu'en condamnant l'Agence Havas à payer à X... la gratification ci-dessus spécifiée par le motif qu'on ne saurait "homologuer le point de vue de la société subordonnant le paiement de cette gratification à la présence de l'employé au mois de juin 1934", le conseil de prud"hommes d'Aix-en-Provence n'a pas légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud"hommes d'Aix-en-Provence, le 8 novembre 1935, et renvoie devant le conseil de prud"hommes d'Avignon.