LA COUR ;
Sur le premier moyen ; pris en ses trois branches réunies ;
Vu les articles 1275 du Code civil et 61 de la loi du 5 avril 1884 ;
Attendu que la transmission à un tiers des obligations actives et passives, corrélatives, résultant, pour l'une des parties, d'un contrat synallagmatique, tendant à une substitution de débiteur, n'est opposable à l'autre partie que si elle a été acceptée par cette dernière ; que, lorsque le cocontractant est une commune, l'acceptation, pour être valable, doit émaner du conseil municipal, seul organe qualifié pour "régler les affaires de la commune" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la "Société des Produits chimiques et électro-métallurgiques des Pyrénées" a fait apport, le 6 avril 1914, à la Société des Produits chimiques et électrométallurgiques d'Alais, Froges et Camargue, de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers composant son actif du 28 février de la même année ; que cet apport comprenait un contrat conclu avec la commune de Carlencas-et-Levas, et portant vente, par cette dernière, du minerai (bauxite) à extraire des terrains de son domaine privé, moyennant des redevances proportionnelles à la quantité de bauxite extraite ;
Attendu que, pour débouter la commune de son action en nullité de ladite cession, l'arrêt attaqué a jugé, dans son disposiitf, que celle-ci était, par son seul effet et dans les conditions de droit commun opposable à la demanderesse sans qu'il fût besoin de son acceptation ;
Attendu, toutefois, que dans certains de ses motifs, il a subsidiairement déclaré que "rien ne permettait de croire que la personnalité du bénéficiaire du contrat, à l'origine, ait été pour la commune la cause déterminante de son consentement" ; que, d'ailleurs son acceptation ultérieure résultait de la correspondance échangée entre le maire et la société cessionnaire, de l'exécution sans protestation, du contrat pendant de nombreuses années, et du versement des redevances par la Société d'Alais, Froges et Camargue, "en l'acquit de la société des Pyrénées" ;
Mais attendu, d'une part, que le contrat initial comportait, par la Société des Pyrénées, l'obligation, étroitement liée à son droit d'extraction, de payer les redevances stipulées ; que les dispositions de l'article 1275 du Code civil étaient donc applicables à un apport devant emporter changement de débiteur ;
Attendu d'autre part, qu'à défaut de constatations précises, démonstratives de la volonté contraire des parties contractantes, la personnalité du débiteur d'une obligation ne saurait être présumée indifférente au créancier ;
que ces circonstances postérieures à la cession, relevées par l'arrêt, ne suffisent pas davantage à justifier d'une ratification valable par la commune ; que les juges du fond, en effet, tenant toute acceptation inutile en droit, se sont abstenus de rechercher si, par ses délibérations, et notamment par le vote annuel du budget communal et en raison des mentions que ce budget aurait pu contenir, le Conseil municipal, seul qualifié pour ce faire, avait accepté la substitution d'une société à l'autre ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait l'arrêt attaqué a violé les textes visés au pourvoi.
Par ces motifs :
Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Montpellier, le 23 juin 1941, et renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.