AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Michelle Y..., épouse X..., demeurant Châteauvallon Provence, F. ..., en cassation d'un arrêt rendu le 10 octobre 1995 par la cour d'appel de Chambéry (Chambre civile), au profit :
1°/ de M. Christian X..., demeurant ...,
2°/ de la Compagnie d'assurance "Assurances générales de France", dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mai 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Catry, conseiller référendaire rapporteur, M. Fouret, Mme Delaroche, M. Sargos, Mme Marc, MM. Aubert, Cottin, Bouscharain, conseillers, Mme Verdun, conseiller référendaire, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Catry, conseiller référendaire, les observations de Me Thouin-Palat, avocat de Mme X..., de Me Baraduc-Benabent, avocat de la Compagnie d'assurances générales de France, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à Mme X... de son désistement à l'égard de M. X... ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 114-1, alinéa 1er, du Code des assurances ;
Attendu, aux termes de ce texte, que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance;
qu'en matière d'assurances de groupe souscrite par un établissement de crédit pour la couverture de risques pouvant avoir une incidence sur le remboursement d'un prêt, la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur ne commence à courir que du jour ou l'établissement de crédit, bénéficiaire de l'assurance par l'effet de la stipulation faite à son profit, a demandé paiement à l'emprunteur assuré ;
Attendu que les époux X..., qui avaient emprunté diverses sommes à la Banque de Savoie, ont adhéré en 1983 à une assurance de groupe souscrite par cette banque auprès des AGF, pour couvrir le risque d'incapacité temporaire de travail;
que ce risque s'étant réalisé, les emprunteurs ont assigné l'assureur en garantie par acte du 23 juillet 1991, Mme X... faisant valoir que la banque lui avait délivré le 27 juin 1990 un commandement à fin de saisie immobilière;
que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action de Mme X..., au motif qu'elle avait été intentée plus de deux ans après le refus de prise en charge de son état, notifié par l'assureur le 2 septembre 1986 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... avait fait valoir que la Banque de Savoie lui avait délivré, le 27 juin 1990, un commandement à fin de saisie immobilière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la Compagnie d'assurances générales de France aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.