LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée à compter du 28 mars 2007 par M. Y... en qualité de chauffeur de taxi en vertu de deux contrats à durée déterminée auxquels a succédé le 2 janvier 2008 un contrat à durée indéterminée sur la base d'un temps partiel de 120 heures mensuelles ; que le 15 septembre 2008, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses demandes en paiement ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité pour repos compensateurs, alors, selon le moyen, que pour un chauffeur de taxi, le temps d'attente entre deux courses constitue un temps de travail lorsqu'il demeure, pendant cette période, à la disposition de l'employeur en un lieu imposé par celui-ci ou à proximité de celui-ci et ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles ; de sorte qu'en déboutant la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires en se bornant à affirmer qu'elle avait été réglée de ses heures de conduite et d'entretien sans rechercher si, lorsqu'elle était tenue de rester à son domicile ou à proximité de celui-ci afin d'être en mesure d'effectuer une course à la demande de l'employeur, elle pouvait ou non vaquer à ses occupations personnelles ni, plus généralement, analyser les conditions dans lesquelles se déroulaient les temps d'attente, notamment en fin de semaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les heures dont il était demandé paiement étaient des heures durant lesquelles la salariée était tenue de rester en fin de semaine à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir en cas de nécessité, sans qu'il soit contesté que l'intéressé ait été payée des heures de travail effectif ainsi que des temps d'astreinte, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que la salariée n'était pas dans l'impossibilité de vaquer à des activités personnelles, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen, que la seule constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse doit entraîner la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; de sorte qu'en ne condamnant pas l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts afin de réparer le préjudice causé par la perte de son emploi, tout en décidant que la prise d'acte de la rupture du 15 septembre 2008 devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la salariée ne réclamait aucune indemnité du chef de la rupture du contrat de travail, c'est à bon droit que la cour d'appel ne lui a pas alloué de somme à titre de dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de paiement au titre des repos compensateurs, l'arrêt se borne à énoncer en son dispositif qu'il déboute la salariée de cette réclamation ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande au titre des repos compensateurs, l'arrêt rendu le 2 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a débouté la salariée de ses demandes au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés y afférents et de l'indemnité pour repos compensateur non pris ainsi que de ses demandes subséquentes de remise de bulletins de salaires et d'attestation Pôle Emploi conforme.
AUX MOTIFS QUE la salariée ne réclame pas le paiement d'heures complémentaires, mais exclusivement d'heures supplémentaires ; Que l'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; Que la preuve des heures supplémentaires effectuées par le salarié est de fait partagée ; au salarié d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés de façon à ce que l'employeur puisse répondre et, dans ce cas, à l'employeur de fournir ses propres éléments ; Qu'en l'espèce, pour étayer ses dires, Mme X... produit, outre diverses attestations, ses agendas pour les années 2007 et 2008 sur lesquels figurent ses horaires de travail, avec mention des tâches accomplies, outre des décomptes établis par mois et par semaine ; Que la salariée produit ainsi des éléments qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ; Que, cela étant, Mme X... indique expressément en cause d'appel que l'employeur a toujours réglé les heures de conduite et d'entretien qu'elle a accomplies et que sa demande en paiement ne concerne que des heures durant lesquelles elle se trouvait à la « disposition permanente » de son employeur ; qu'il résulte de l'examen des agendas produits et des décomptes précis établis par la salariée que ces heures dont il est demandé le paiement comme heures supplémentaires-et donc comme heures de temps de travail effectif accomplies audelà de la durée légale-sont des heures durant lesquelles elle était tenue de rester à son domicile ou à proximité, afin d'être en mesure d'intervenir au service de l'entreprise en cas de nécessité ; Qu'elle décompte ainsi, au titre de certaines fins de semaine, la journée du vendredi jusqu'à 24 heures, les journées des samedi et dimanche pour 24 heures chacune et la journée du lundi suivant à compter de 0 heure (cf. par exemple les fins de semaine du vendredi 20 avril 2007 au lundi 23 avril 2007, du vendredi 22 juin 2007 au lundi 25 juin 2007, du vendredi 18 janvier au lundi 21 janvier 2008, etc.), soit 60 heures par week-end concerné, quel que soit le nombre d'heures de travail effectif accomplies-dont il n'est pas contesté qu'elles lui ont été payées ; Qu'il résulte par ailleurs des bulletins de paie produits et des décomptes établis par la salariée, que l'intéressée a été payée durant toute la période-à l'exception du mois de mars 2007, incomplet-sur la base de 151, 67 heures (soit un salaire brut mensuel de base de 1. 407, 50 € de janvier à septembre 2008) et que des heures supplémentaires lui ont été régulièrement payées au taux majoré (ainsi, pour l'année 2008, en janvier, février, mars, mai et juin 2008) ; Qu'on notera en outre que figurent sur certains des bulletins de paie produits des sommes à titre de « majoration heure astreintes » ; Qu'en cet état, la demande en paiement d'heures supplémentaires ne saurait être accueillie, la salariée n'ayant pas accompli des heures de travail effectif qui ne lui auraient pas été payées ; Que le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
ALORS QUE, premièrement, pour un chauffeur de taxi, le temps d'attente entre deux courses constitue un temps de travail lorsqu'il demeure, pendant cette période, à la disposition de l'employeur en un lieu imposé par celui-ci ou à proximité de celui-ci et ne peut vaquer librement à ses occupations personnelles ; de sorte qu'en déboutant Mme X... de ses demandes au titre des heures supplémentaires en se bornant à affirmer qu'elle avait été réglée de ses heures de conduite et d'entretien sans rechercher si, lorsqu'elle était tenue de rester à son domicile ou à proximité de celui-ci afin d'être en mesure d'effectuer une course à la demande de l'employeur, elle pouvait ou non vaquer à ses occupations personnelles ni, plus généralement, analyser les conditions dans lesquelles se déroulaient les temps d'attente, notamment en fin de semaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, Mme X... faisait valoir dans ses conclusions (p. 4, alinéa 2) qu'elle avait à plusieurs reprises dépassé l'amplitude journalière prévue par l'article 7 du décret n° 2003-1242 du 22 décembre 2003 et que l'employeur ne l'avait jamais informée de ses droits à repos compensation des dépassements d'amplitude ; de sorte qu'en la déboutant de l'intégralité de ses demandes au titre des repos compensateurs, sans répondre, ne serait-ce qu'implicitement, au moyen pertinent tiré de l'existence de droits spécifiques à repos compensateurs en conséquence des dépassements d'amplitude et au manquement, par l'employeur, de son obligation d'information sur ces droits à repos, la cour a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a débouté la salariée de sa demande au titre de la rupture aux torts de l'employeur en ce que celle-ci n'aurait réclamé aucune somme à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la démission s'analyse en une prise d'acte, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE la seule constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse doit entraîner la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; de sorte qu'en ne condamnant pas M. Y...à payer à Mme X... des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice causé par la perte de son emploi, tout en décidant que la prise d'acte de la rupture du 15 septembre 2008 devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail.