LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 octobre 2010), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 23 septembre 2009, pourvois n° 0745269, 0745379 et 0843049) que M. X..., engagé en octobre 1969 par la société Philips, et dont le contrat de travail a été transféré à la société Universal Music, était directeur général de "Polygram back catalogue" depuis le 3 décembre 1996 ce qui lui a fait perdre à compter du 10 février 1997 le bénéfice du régime d'allocations d'entraide de la SACEM (RAES) ; que pour pallier cette perte l'employeur s'est engagé, dans l'hypothèse où il rachèterait une ou plusieurs sociétés d'édition graphique, à le désigner comme dirigeant de telle sorte qu'il puisse valider dix années en qualité de personne bénéficiaire d'une société d'édition et qu'il puisse acquérir les points annuels lui permettant d'obtenir une retraite SACEM au taux maximum ; que le salarié a été nommé entre 1997 et 2001 gérant et a bénéficié à ce titre du RAES ; qu'estimant que ces nominations ne lui permettaient pas de bénéficier d'un nombre de points suffisants au regard des revenus perçus par ces deux sociétés et contestant son licenciement intervenu le 17 juillet 2002, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnisation du préjudice subi suite au manquement contractuel de l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/ qu'ayant relevé que le préjudice subi par M. X... du fait du manquement de la société Universal Music à son obligation contractuelle de le nommer à un poste de dirigeant aux fins d'acquérir les points annuels lui permettant de le faire bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la SACEM dit RAES, consiste en un gain manqué par la perte effective de toute allocation au titre du RAES du fait qu'il n'a pu valider les dix années de présence comme personne bénéficiaire, exigées par la SACEM, ce dont il ressort que le préjudice de M. X... est certain et non virtuel, et en considérant cependant qu'un tel préjudice s'analysait en une perte de chance pour dénier à M. X... tout droit à réparation intégrale, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du code civil ;
2°/ que l'engagement pris par la société Universal Music, dans l'avenant du 3 décembre 1996, était de nommer M. X... à un poste de dirigeant aux fins d'acquérir les points annuels lui permettant d'obtenir une allocation RAES au taux maximum ; que le préjudice qui en est résulté et qui est une modalité de l'engagement contractuel de la société Universal Music, est égal au montant des allocations au taux maximum qu'il aurait dû percevoir de la SACEM en application du régime du RAES et dont il a été totalement privé ; qu'en considérant que le préjudice indemnisable était une partie des droits à allocation supérieurs à ceux qu'il avait déjà acquis, la cour d'appel a méconnu l'obligation contractuelle de la société Universal Music et a violé les articles 1134 et 1149 du code civil ;
Mais attendu que le fait pour l'employeur, alors qu'il s'y était engagé en cas d'acquisitions d'autres sociétés, de ne pas offrir au salarié de postes de dirigeant lui permettant de cotiser suffisamment pour obtenir une pension de retraite à taux maximum en application du régime dit RAES, constitue un manquement contractuel dont la réparation du préjudice en découlant réside dans la perte d'une chance d'obtenir une telle pension ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a alloué au salarié une indemnisation égale à la perte de chance d'obtenir une pension au titre de ce régime ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les quatre dernières branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la société Universal Music France à payer à M. X... à la somme de 53.597,36 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de se constituer des droits supérieurs auprès de la SACEM en application du régime du RAES ;
AUX MOTIFS QUE par lettre du 3 décembre 1996, la société Universal Music s'était engagée à nommer M. X... dans des emplois de direction des sociétés d'édition graphique qu'elle acquerrait de telle sorte qu'il puisse bénéficier d'une pension de retraite aux taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la SACEM, au sens de la SACEM ; … ; que la société Universal Music n'a pas exécuté de bonne foi la clause insérée dans la lettre-avenant du 3 décembre 1996 permettant à M. X... de bénéficier du régime du RAES, ayant été privé de toute possibilité d'obtenir les points qui lui manquaient et de valider les dix années nécessaires à l'attribution d'une allocation au titre du RAES ; … ; que s'agissant du préjudice subi par M. X..., la Cour de cassation a retenu la notion de perte de chance en énonçant : " qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Universal Music, qui s'était engagée à nommer M X... dans des emplois de direction des sociétés d'édition graphique qu'elle acquerrait de telle sorte qu'il puisse bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la S.A.C.E.M, ne lui avait pas proposé divers emplois de direction des sociétés dont elle avait pris le contrôle alors que ces postes auraient donné à l'intéressé la possibilité d'acquérir des droits à pension supérieurs à ceux dont il pourra bénéficier, la cour d'appel n 'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé le texte susvisé » ; que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable; que la perte de chance ne présente pas de caractère forfaitaire et ne saurait correspondre qu'à une fraction des différents préjudices subis; que le préjudice subi par M. X... se traduit en gains manqués, ayant été privé de toute allocation du fait qu'il n'a pu valider les dix années de présence comme personne bénéficiaire exigées par la S.A.C.E.M, alors que, lors de son licenciement, il travaillait pour le même employeur depuis plus de 30 ans et que depuis, il n'a pas retrouvé d'emploi et n'a pu retrouver un poste de direction dans une société d'édition, ayant été au chômage du 19 janvier 2003 au 1er juillet 2007, date de ses 60 ans et de sa retraite; que les parties sont d'accord sur la valeur des points DEP et DRM au 17 janvier 2003, soit :- 7,52 € pour les points DEP - 2,64 € pour les points DRM ;que toutefois son préjudice ayant consisté en l'impossibilité de faire valoir les points déjà acquis, il doit être limité aux seules fractions des droits à allocation qu'il aurait pu acquérir postérieurement au 3 décembre 1996 au sein de la société Editions musicales Fantasia et de la société EM Productions, soit une somme annuelle totale maximum de 8.696,49 € ; que ce droit à pension maximal doit être impacté des dispositions régissant l'espérance de vie de l'allocataire, au regard du système d'assurance vieillesse qui fait référence à la notion d'espérance de vie professionnelle, soit 22,39 ans en 2003, comme le soutient la société intimée ; que le préjudice subi par M. X... consistant en la perte de chance de se constituer des droits à allocataire au titre du R.A.E.S, supérieurs s'élève à la somme maximale de 194.714,54 € (8.696,49 € x 22,39) ; que toutefois cette somme doit subir un abattement, la perte de chance n'étant effective qu'au sein de la société Editions musicales Fantasia et de la société EM Productions et la nomination du gérant et par voie de conséquence de la personne bénéficiaire du RAES, reposant pour une part, sur des éléments objectifs, essentiellement au titre de la société EM Productions ; qu'il sera procédé à un abattement de 141.117,18 € et la société intimée sera déboutée de sa demande tendant à voir appliquer un abattement supplémentaire de 18.066,49 € au titre de la direction de la société Editions Musicales Fantasia ; que le préjudice subi par M. X... résultant de la perte de chance de se constituer des droits à allocation au titre du RAES supérieurs, s'élève, après impact de l'espérance de vie et abattement pour la direction de la société EM Productions, à la somme de 53.597,36 € ;
1°- ALORS QU'ayant relevé que le préjudice subi par M. X... du fait du manquement de la société Universal Music Music à son obligation contractuelle de le nommer à un poste de dirigeant aux fins d'acquérir les points annuels lui permettant de le faire bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la SACEM – dit RAES- , consiste en un gain manqué par la perte effective de toute allocation au titre du RAES du fait qu'il n'a pu valider les 10 années de présence comme personne bénéficiaire, exigées par la SACEM, ce dont il ressort que le préjudice de M. X... est certain et non virtuel, et en considérant cependant qu'un tel préjudice s'analysait en une perte de chance pour dénier à M. X... tout droit à réparation intégrale, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1149 du Code civil ;
2°- ALORS QUE l'engagement pris par la société Universal Music, dans l'avenant du 3 décembre 1996, était de nommer M. X... à un poste de dirigeant aux fins d'acquérir les points annuels lui permettant d'obtenir une allocation RAES au taux maximum ; que le préjudice qui en est résulté et qui est une modalité de l'engagement contractuel de la société Universal Music, est égal au montant des allocations au taux maximum qu'il aurait dû percevoir de la SACEM en application du régime du RAES et dont il a été totalement privé; qu'en considérant que le préjudice indemnisable était une partie des droits à allocation supérieurs à ceux qu'il avait déjà acquis, la Cour d'appel a méconnu l'obligation contractuelle de la société Universal Music et a violé les articles 1134 et 1149 du Code civil ;
3°- ALORS de plus qu'en énonçant d'une part que le préjudice de M. X... se traduit en gains manqués, ayant été privé de toute allocation du fait qu'il n'a pu valider les dix années de présence comme personne bénéficiaire exigées par la SACEM et d'autre part que son préjudice a consisté en l'impossibilité de faire valoir les points déjà acquis pour le limiter aux seules fractions des droits à allocation qu'il aurait pu acquérir postérieurement au 3 décembre 1996 au sein de la société Editions musicales Fantasia et de la société EM Productions, pour lui accorder des dommages et intérêts du fait « de la perte de chance de se constituer des droits supérieurs auprès de la SACEM », la Cour d'appel qui relève à la fois une perte totale de l'allocation RAES et une perte partielle, a statué par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°- ALORS de surcroît qu'en relevant que la perte d'une chance au sein de la société EM Productions était effective, ce dont il ressort que la Cour d'appel a considéré que la société Universal Music aurait pu confier la direction de cette société à M.
X...
et en procédant cependant à un abattement de 141.117,18 € au titre de la société EM Productions tel que demandé par la société Universal Music qui a soutenu que la direction de cette société ne pouvait pas être confiée à M. X..., la Cour d'appel qui ne pouvait sans se contredire, retenir à la fois la possibilité et l'impossibilité d'être dirigeant de la société, a encore violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°- ALORS QUE, subsidiairement, M. X... a fait valoir qu'à supposer que l'on écarte le montant maximum de l'allocation due par la SACEM dont il a été privé par la faute de la société Universal Music, il a été mis dans l'impossibilité de faire valoir non seulement les points déjà acquis avant 1996 mais aussi des droits qu'il aurait pu acquérir postérieurement au 3 décembre 1996 par sa nomination au sein des sociétés Fantasia et EM Productions - ce qui représentait une perte d'allocation de 801.338,78 €- ou au sein de toutes les autres sociétés d'édition (Fantasia, EM Productions, Universal MCA Publishing, Rondor Music France) -soit une perte d'allocation de 935.358,54 € - ; qu'en limitant son préjudice en calculant, semble-t-il, les seuls points qu'il aurait pu acquérir au sein de la société Editions musicale Fantasia et de la société EM Productions, sans tenir compte des points déjà acquis et des points qu'il aurait pu acquérir au sein de toutes les sociétés d'édition, et en procédant ensuite à un abattement total de ceux générés au sein de la société EM Productions, sans s'expliquer sur les conclusions de M. X..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°- ALORS enfin qu'en fixant le montant du préjudice de M. X... à la somme de 53.597,36 € sans s'expliquer sur les modalités de calcul de cette somme, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.