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06/10/2010 | FRANCE | N°08-45462

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2010, 08-45462


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été engagé le 5 octobre 1976 par la société International Celomer, aux droits de laquelle vient la société PPG Coatings ; qu'exerçant, depuis le 1er juin 1998, les fonctions de responsable hygiène et sécurité d'un site classé "installations classées pour la protection de l'environnement soumis à autorisation" avec la spécificité Seveso II, il a été en arrêt de travail à partir du 23 décembre 2005 ; qu'il a été licencié le 10 août 2006 pour absence pr

olongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire son remplacement ; que le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été engagé le 5 octobre 1976 par la société International Celomer, aux droits de laquelle vient la société PPG Coatings ; qu'exerçant, depuis le 1er juin 1998, les fonctions de responsable hygiène et sécurité d'un site classé "installations classées pour la protection de l'environnement soumis à autorisation" avec la spécificité Seveso II, il a été en arrêt de travail à partir du 23 décembre 2005 ; qu'il a été licencié le 10 août 2006 pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire son remplacement ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 18 novembre 2008), de l'avoir condamné à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser aux organismes sociaux les allocations chômage versées à ce dernier dans la limite de six mois d'indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que, s'il est fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, son licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé à condition toutefois que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de pourvoir à son remplacement définitif ; qu'après avoir constaté l'absence ininterrompue de sept mois du salarié occupant le poste de responsable environnement hygiène et sécurité d'un site de production classé ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement) sous le régime Seveso II et avoir déclaré : «il n'est pas contestable que compte tenu de la taille de l'entreprise et son type d'activité relevant des installations classées ICPE, le responsable environnement hygiène et sécurité y tient un poste important pour sa bonne marche», la cour d'appel a subordonné la légitimité du licenciement à la preuve de «perturbations d'une particulière importance» «avérée s » ou «imminente s » ; qu' en ajoutant de la sorte aux prévisions légales, la cour d'appel a violé les articles 1132-1 et 1232-1 du code du travail ;
2°/ que les perturbations engendrées par l'absence prolongée d'un salarié comme la nécessité de son remplacement définitif dans un délai raisonnable, doivent être appréciées au regard des caractéristiques de l'activité et de l'entreprise ; qu'après avoir constaté l'absence ininterrompue pendant sept mois du responsable environnement hygiène et sécurité d'un site de production classé ICPE, sous le régime Seveso II, l'importance de cette fonction compte tenu de la taille et de l'activité de l'entreprise et son remplacement au même poste par un ingénieur extérieur à l'entreprise d'abord dans le cadre d'un intérim puis définitivement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel devait apprécier les nécessités et les conditions du remplacement définitif dans le cadre des contraintes légales et réglementaires générées par l'installation classée et par le droit du travail et notamment l'obligation de résultat de sécurité ; qu'il lui appartenait, en particulier, de rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si l'obligation particulière de sécurité qui s'imposait à l'entreprise l'obligeait, après plus de six mois d'absence et dans l'incertitude d'une reprise de l'emploi, à pourvoir le poste de responsable de l'environnement, de l'hygiène et de la sécurité en le confiant au salarié temporaire dans le cadre d' un contrat à durée indéterminée ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, avant de considérer de façon abstraite et générale que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité du remplacement définitif en démontrant «qu'il lui aurait été difficile de trouver un nouveau salarié temporaire» devant la menace de départ du remplaçant intérimaire à qui un poste était proposé par ailleurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1132-1 et 1232-1 du code du travail ;
3°/ que, si le remplacement définitif du salarié doit être intervenu dans un délai raisonnable, ce délai doit être apprécié compte tenu des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue du recrutement ; que le délai congé étant un délai préfix, l'arrêt de travail du salarié non seulement n'a pas pour effet de reporter le point de départ du préavis mais de plus n'entraîne ni interruption ni suspension de celui-ci ; qu'après avoir constaté que le poste de responsable environnement, hygiène et sécurité de la société PPG Coating était important, que le remplacement définitif de M. X... était intervenu par l'embauche de l'ingénieur qui l'occupait à titre intérimaire, Mme Y..., dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 20 décembre 2006 avec effet au 1er janvier 2007, soit moins d' un mois et demi après la cessation effective du contrat de travail de M. X..., la cour d'appel a apprécié le caractère raisonnable du délai d'après la date de la notification du licenciement sans prendre en considération la durée du préavis telle qu'elle résultait de la convention collective, ni la continuité de la collaboration de la remplaçante à un poste important, ni davantage les conditions de la cessation de son contrat d'intérim ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1132-1 et 1232-1 du code du travail ;
Mais, attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et répondant aux conclusions prétendument délaissées de la société sur les exigences d'une obligation particulière de sécurité, que la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que l'absence du salarié avait perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise de telle sorte que son remplacement définitif était devenu nécessaire, ni que celui-ci était intervenu dans un délai raisonnable à compter du licenciement ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société PPG Coatings aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société PPG Coatings à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la société PPG Coatings
Il est fait grief à la Cour d'appel de Rouen d'avoir condamné la société PPG COATINGS à payer la somme de 90 000 € à Monsieur X... à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, par voie de conséquence, à rembourser aux organismes concernés dans la limite de six mois, les allocations chômage versées à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QU' engagé en qualité d'aide chimiste le 5 octobre 1976, la société INTERNATIONAL CELOMER aux droits de laquelle se trouve la société PPG COATINGS et Monsieur Philippe X... y est devenu après promotions successives responsable environnement hygiène et sécurité en juin 1998, au coefficient 400 de la convention collective pour un salaire mensuel brut de 2 928, 57 € à compter du 1er mars 2004 ; que le site où il était affecté était classé « installations classées pour la protection de l'environnement soumis à autorisation » (ICPE) ; que des difficultés sont apparues dans ses relations avec l'employeur en décembre 2005, caractérisées par des remarques émises sur son travail et, il s'est trouvé en arrêt pour maladie à compter du 23 décembre 2005; qu'il a bénéficié d'arrêts de travail successifs et, régulièrement convoqué à un entretien préalable au licenciement prévu pour le 4 août 2006, son licenciement lui a été notifiée par lettre du 10 août 2006 pour « Votre absence prolongée perturbe considérablement le fonctionnement de l'entreprise » « Vous savez à quel point la fonction « hygiène, Sécurité, Environnement » est primordiale sur un site de production, assimilé SEVESO, employant une centaine de personnes... » «N'ayant pas de candidat en interne pour assurer votre remplacement, ne pouvant pas mettre en danger la sécurité quotidienne de nos employés et ayant reçu l'information qu'un corporate audit aura lieu en 2007, sur lequel il nous faut commencer à travailler, nous nous devons de pourvoir votre poste de façon définitive et durable. » ; qu'il n'est pas contestable que compte tenu notamment de la taille de l'entreprise et de son type d'activité relevant des installations classées IPEC (sic), le responsable Hygiène et Sécurité y tient un poste important pour sa bonne marche ; que cependant, il n'est pas fourni de pièces de nature à démontrer que des perturbations d'une particulière importance auraient été engendrées par l'absence de Monsieur X... ; que l'échange de messages informatiques montre seulement que jusqu'à fin mars 2006, les attributions avaient été accomplies par d'autres salariés de l' entreprise avec la collaboration de Monsieur X... qui continuait malgré son arrêt pour maladie à communiquer avec eux ; que les attestations fournies par Monsieur Z... (directeur mondial opérations hygiène, sécurité et qualité) et Monsieur A... (dont le titre anglais montre qu'il a trait à la santé, la sécurité et la direction) soulignent l'importance qu'avaient à leur sens les activités dont était chargé Monsieur X... et que d'une manière générale, son absence prolongée ne pouvait être que dommageable mais ne donnent aucun exemple ou illustration de perturbation avérée ou même imminente en l'espèce; que la teneur du «corporate audit» prévu n'est quant à elle pas précisée ce qui exclut de considérer que l'absence dans la période précédente de Monsieur X... aurait été de nature à entraîner des difficultés particulières; qu'il n'est par ailleurs pas communiqué d'éléments relatifs à d'éventuelles difficultés rencontrées pour trouver un remplacement au salarié absent, et la seule indication concernant la situation de Madame Y... est contenue dans sa lettre datée du 21 juillet 2006 où elle indique travailler «en intérim» dans l'entreprise depuis fin mars; qu'il s'en déduit qu'il n'a pas été difficile pour la société de trouver une salariée dont elle ne conteste pas qu'elle lui donnait satisfaction, et qu'elle a embauchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par la suite, pour effectuer le remplacement; que le fait que Madame Y... ait, le 21 juillet, écrit qu'un poste fixe lui avait été proposé dans une autre société et interrogé l'entreprise sur ses intentions à son égard n'implique pas, alors que rien ne justifie qu'il aurait été difficile de trouver un nouveau salarié temporaire, que le remplacement définitif de Monsieur X... était nécessaire; que d'ailleurs, l'engagement de Madame Y... en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2007, selon proposition d'engagement du 20 décembre précédent, n'est pas intervenu dans un délai raisonnable après la rupture du contrat de travail de Monsieur X... alors qu'en plus de quatre mois, il n'est ni justifié ni même soutenu que l'employeur se serait livré à une quelconque recherche et que la salariée qu'il a embauchée à titre définitif était déjà connue de lui et à son service sous un autre statut ;
1/ ALORS QUE s'il est fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, son licenciement peut être motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé à condition toutefois que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de pourvoir à son remplacement définitif ; qu' après avoir constaté l'absence ininterrompue de sept mois du salarié occupant le poste de responsable environnement hygiène et sécurité d'un site de production classé I.C.P.E. (installations classées pour la protection de l'environnement) sous le régime SEVESO II et avoir déclaré : « il n'est pas contestable que compte tenu de la taille de l'entreprise et son type d'activité relevant des installations classées I.C.P.E., le responsable environnement hygiène et sécurité y tient un poste important pour sa bonne marche », la cour d'appel a subordonné la légitimité du licenciement à la preuve de «perturbations d'une particulière importance » «avérée s » ou « imminente s » (cf. arrêt, p.5 et 6); qu'en ajoutant de la sorte aux prévisions légales, la Cour d'appel a violé les articles 1132-1 et 1232-1 du Code du travail;
2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les perturbations engendrées par l'absence prolongée d'un salarié comme la nécessité de son remplacement définitif dans un délai raisonnable, doivent être appréciées au regard des caractéristiques de l'activité et de l'entreprise ; qu' après avoir constaté l'absence ininterrompue pendant sept mois du responsable environnement hygiène et sécurité d'un site de production classé I.C.P.E. sous le régime SEVESO II, l'importance de cette fonction compte tenu de la taille et de l'activité de l'entreprise et son remplacement au même poste par un ingénieur extérieur à l'entreprise d'abord dans le cadre d'un intérim puis définitivement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel devait apprécier les nécessités et les conditions du remplacement définitif dans le cadre des contraintes légales et réglementaires générées par l'installation classée et par le droit du travail et notamment l'obligation de résultat de sécurité ; qu'il lui appartenait, en particulier, de rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si l'obligation particulière de sécurité qui s'imposait à l'entreprise l'obligeait, après plus de six mois d'absence et dans l'incertitude d'une reprise de l'emploi, à pourvoir le poste de responsable de l'environnement, de l'hygiène et de la sécurité en le confiant au salarié temporaire dans le cadre d' un contrat à durée indéterminée; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, avant de considérer de façon abstraite et générale que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité du remplacement définitif en démontrant « qu'il lui aurait été difficile de trouver un nouveau salarié temporaire » devant la menace de départ du remplaçant intérimaire à qui un poste était proposé par ailleurs (cf. arrêt, p. 6), la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1132-1 et 1232-1 du Code du travail;
3/ ET ALORS QUE si le remplacement définitif du salarié doit être intervenu dans un délai raisonnable, ce délai doit être apprécié compte tenu des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue du recrutement ; que le délai congé étant un délai préfix, l'arrêt de travail du salarié non seulement n'a pas pour effet de reporter le point de départ du préavis mais de plus n'entraîne ni interruption ni suspension de celui-ci; qu'après avoir constaté que le poste de responsable environnement, hygiène et sécurité de la société PPG COATING était important, que le remplacement définitif de Monsieur X... était intervenu par l'embauche de l'ingénieur qui l'occupait à titre intérimaire, Madame Y..., dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé le 20 décembre 2006 avec effet au 1er janvier 2007, soit moins d' un mois et demi après la cessation effective du contrat de travail de Monsieur X..., la Cour d'appel a apprécié le caractère raisonnable du délai d'après la date de la notification du licenciement sans prendre en considération la durée du préavis telle qu'elle résultait de la convention collective, ni la continuité de la collaboration de la remplaçante à un poste important, ni davantage les conditions de la cessation de son contrat d'intérim; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1132-1 et 1232-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45462
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Rouen, 18 novembre 2008, 08/02480

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 18 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2010, pourvoi n°08-45462


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Luc-Thaler, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45462
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