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30/06/2010 | FRANCE | N°08-43289

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2010, 08-43289


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mai 2008), que M. X... a été engagé le 5 janvier 1987 par la société Norauto en qualité de directeur stagiaire du magasin puis a exercé des fonctions de chef de produits en matière d'électronique et de téléphonie embarquée ; que, licencié le 4 février 2005 pour insuffisance de ses résultats commerciaux et de son comportement managérial d'une part et perte de confiance d'autre part, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'

obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Atte...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mai 2008), que M. X... a été engagé le 5 janvier 1987 par la société Norauto en qualité de directeur stagiaire du magasin puis a exercé des fonctions de chef de produits en matière d'électronique et de téléphonie embarquée ; que, licencié le 4 février 2005 pour insuffisance de ses résultats commerciaux et de son comportement managérial d'une part et perte de confiance d'autre part, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que si la règle non bis in idem interdit à l'employeur d'infliger au salarié plusieurs sanctions disciplinaires pour des faits identiques, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne constitue pas une sanction disciplinaire de sorte que ce motif peut être invoqué même si le salarié en a déjà été averti si bien qu'en faisant application de la règle non bis in idem pour refuser à l'employeur la possibilité d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle pour lequel M. Bertrand X... avait reçu un avertissement, la cour d'appel a nécessairement considéré que le licenciement de ce salarié procédait de motifs disciplinaires, violant ainsi les articles L. 1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, qu'en faisant application de la règle non bis in idem, sans constater ni rechercher si le licenciement de M. Bertrand X... constituait une sanction disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du code du travail ;

3°/ subsidiairement, que la règle non bis in idem ne s'oppose pas à ce que l'employeur invoque des fautes antérieurement sanctionnées à l'appui d'une nouvelle sanction de sorte qu'en refusant à la société Tel and Com la possibilité d'invoquer, outre de nouveaux faits, ceux qui avaient été antérieurement commis par le salarié et sanctionnés, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant constaté que, postérieurement au seul manquement objet d'un avertissement, il n'existait pas de faits de nature à caractériser l'insuffisance professionnelle visée par la lettre de licenciement, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tel and Com aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tel and Com à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Tel and Com

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que le licenciement de Monsieur Bertrand X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné la société TEL AND COM à lui payer en réparation de son préjudice la somme de 100.000 €,

AUX MOTIFS QUE

"Monsieur Bertrand X... a été licencié le 4 février 2005 pour les motifs suivants : I - Insuffisance de ses résultats commerciaux et de son comportement managérial. II - Comportement et perte de confiance ; que dans le cadre du 1er grief il est plus particulièrement reproché à Monsieur X... :

- une régression du nombre d'actes de vente sur sa région (-7%) alors que l'entreprise progresse sur l'ensemble du dernier exercice de 4%,

- la plus mauvaise performance de toutes les régions,

- un grave déficit managérial et un manque de suivi de ses équipes ce qui explique sa contre performance,

- un non respect de ses objectifs pour l'exercice 2003/2004,

- un déficit important dans la qualité du mix des ventes (ratio entre le nombre d'abonnements et le total des actes de vente) pour l'ensemble de sa région au regard des réalisations moyennes des autres magasins TEL AND COM, son ration étant de 60,4 % contre plus de 66 % pour le reste de la société sur l'exercice 2003/2004 ;

Que le salarié a reçu le 12 novembre 2004 une lettre du dirigeant de TEL AND COM dans laquelle son employeur attirait son attention sur ses résultats commerciaux en soulignant notamment :

- qu'après un exercice 2002/2003 correct bien que moins performant que la moyenne de l'enseigne en terme de progression des actes de vente, l'exercice 2003/2004 se soldait pour sa région par une régression de- 7 % en volume d'actes de vente sur an -1 alors que l'enseigne progressait,

- qu'il s'agissait de la plus mauvaise performance de toutes les régions,

- qu'en octobre 2004 la situation s'était encore aggravée et que le retard de sa région sur an -1 représentait 40 % du retard de l'enseigne,

- que sur l'exercice 2003/2004 BT COM accusait également un retard important par rapport à l'enseigne sur le plan qualitatif mesuré par le mix abonnement 1 acte de vente, soit 60,4 % pour BT COM contre 65,6 % en moyennes nationale ce qui plaçait sa région à la 7éme place sur 9 pour 2003/2004 et la dernière en octobre 2004,

- qu'un redressement radical des résultats était attendu ce qui supposait une forte remise en cause de son management des points de vente,

- qu'il devait respecter les règles du jeu sur le plan de son comportement en comité de direction et vis à vis des autres collaborateurs,

Que l'employeur terminait ainsi:

" En conclusion, cette lettre constitue un avertissement sérieux, nous ferons un point des résultats chaque trimestre et j'espère pouvoir constater une situation nettement plus favorable dans les mois qui viennent, faute de quoi je pourrais être amené à prendre des décisions plus drastiques" ;

Que si l'on examine la teneur de la-première partie de la lettre de licenciement et celle de la lettre du 12 novembre 2004 les reproches adressés au salarié dans les deux cas sont strictement identiques, l'employeur faisant grief à ce dernier de ne pas avoir obtenu les résultats escomptés tant sur le plan quantitatif (ADV) que sur le plan qualitatif (mix des ventes), d'avoir régressé, d'avoir réalisé la plus mauvaise performance et d'avoir eu un comportement managérial défectueux ;

que la lettre de licenciement ne fait état que des résultats 2003/2004 (exercice clos le 30 septembre 2004) et ne vise à aucun moment une augmentation du prétendu déficit dans les mois qui ont suivi ;

qu'il s'ensuit que ce premier grief ne peut être qu'écarté dès lors qu'il avait été préalablement sanctionné, étant précisé que la lettre du 12 novembre 2004 n'est pas un simple constat mais constitue un " avertissement " au sens de la législation du travail d'autant qu'il est précisé dans la 6ème résolution proposée à l'assemblée générale ordinaire du 15 décembre 2004 qu'il a été fait part à Monsieur X... des griefs formulés par les dirigeants de TEL AND COM à son encontre pour sa gestion tout au long de l'exercice écoulé et qui ont entraîné la sanction d'avertissement qui lui a été infligée le 12 novembre 2004 ;

que la société reproche dans un deuxième temps à Monsieur X... son comportement et une perte de confiance ;

qu'elle illustre ce comportement par son absence à l'entretien annuel d'évaluation le 15 décembre 2004, par la mise en cause publique et par écrit de la qualité du travail de ses collègues (mail du 19 janvier 2005 adressé à une comptable avec copie à tous les directeurs régionaux), par l'inconsistance du plan d'action qu'il a communiqué le 24 janvier 2005 et par la mise en cause personnelle du Directeur financier (mail du 28 janvier 2005) ;

qu'il convient de rappeler que la perte de confiance ne constitue pas une cause de licenciement même lorsqu'elle repose sur des éléments objectifs et que seuls les éléments objectifs examinés en euxmêmes sont susceptibles éventuellement de justifier une mesure de licenciement ;

qu'en premier lieu, en ce qui concerne l'absence de Monsieur X... à l'entretien d'évaluation du 15 décembre 2004, ce dernier a expliqué qu'il avait été convoqué par écrit à Lille en Comité de Direction du 14 décembre 2004, et que la veille il avait reçu un appel téléphonique du dirigeant de TEL AND COM, Monsieur Y... lui indiquant que sa présence n'était pas souhaitée et que s'il venait, il serait prié de quitter la réunion, refusant de le lui confirmer par écrit et l'invitant à trouver un prétexte ; que Monsieur X... ne souhaitait pas se mettre en défaut s'est néanmoins présenté le 14 décembre et a pu finalement assister à la réunion; qu'à l'issue du comité directeur et dans la mesure où l'assemblée générale prévue le lendemain 15 décembre avait été reportée en raison de convocations trop tardives, il avait préféré s'en tenir aux écrits et donc repartir en Loire Atlantique) aucune convocation écrite à l'entretien d'évaluation ne lui ayant été adressée et tout s'étant passé verbalement ;

que compte tenu de ce contexte, des atermoiements de l'employeur et de l'ambiguïté qui régnait l'absence de Monsieur X... le 15 décembre ne peut lui être reprochée, étant précisé que dès le 16 décembre il a reçu une nouvelle convocation mais cette fois-ci par écrit et que s'il était sur Lille l'employeur était parfaitement susceptible de lui en faire grief puisque à l'évidence l'entretien d'évaluation avait été programmé le 15 décembre car Monsieur X... devait se trouver à Lille pour assister à la réunion du CODI et à L'AG qui devait se tenir le lendemain ;

qu'en second lieu, le mail du 19 janvier 2005 n'était pas de nature à porter atteinte au travail de la comptable et à la discréditer et que le fait qu'il ait été adressé en copie à l'ensemble des Directeurs Régionaux résulte uniquement de ce que le mail initial avait été également envoyé en copie à ces derniers ;

qu'en troisième lieu, l'insuffisance du plan d'action qui est reprochée à Monsieur X... s'inscrit là encore dans un contexte particulier, le salarié précisant que les objectifs avaient été modifiés à de nombreuses reprises et qu'il avait du mal à comprendre les attentes de la direction ;

que ce fait, qui de surcroît est intervenu alors que la procédure de licenciement avait déjà été initiée (mail du 24 janvier 2005)
ne peut à lui seul constituer un motif suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement ;

qu'en dernier lieu que le mail qu'il a adressé le 28 janvier 2005 au Directeur Financier ne présente aucun caractère injurieux et insultant et ne peut davantage être reproché au salarié qui fait par ailleurs état dans le dit courriel de sa convocation quelques jours plus tard à l'entretien préalable en vue de son licenciement ce qui en toute hypothèse est de nature à atténuer la portée de son contenu ;

qu'il s'ensuit qu'à partir du moment où ces derniers éléments ne présentaient pas de caractère suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement et ou le grief tiré de l'insuffisance de résultats et du comportement managérial avait déjà été sanctionné, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse",

ALORS , D'UNE PART, QUE si la règle non bis in idem interdit à l'employeur d'infliger au salarié plusieurs sanctions disciplinaires pour des faits identiques, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne constitue pas une sanction disciplinaire de sorte que ce motif peut être invoqué même si le salarié en a déjà été averti si bien qu'en faisant application de la règle non bis in idem pour refuser à l'employeur la possibilité d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle pour lequel Monsieur Bertrand X... avait reçu un avertissement, la Cour d'appel a nécessairement considéré que le licenciement de ce salarié procédait de motifs disciplinaires, violant ainsi les articles L.1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du Code du travail,

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en faisant application de la règle non bis in idem, sans constater ni rechercher si le licenciement de Monsieur Bertrand X... constituait une sanction disciplinaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du Code du travail,

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la règle non bis in idem ne s'oppose pas à ce que l'employeur invoque des fautes antérieurement sanctionnées à l'appui d'une nouvelle sanction de sorte qu'en refusant à la société TEL AND COM la possibilité d'invoquer, outre de nouveaux faits, ceux qui avaient été antérieurement commis par le salarié et sanctionnés, la Cour d'appel a violé les articles L.1235-1, L. 1235-3 et L. 1333-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43289
Date de la décision : 30/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 15 mai 2008, Cour d'appel de Rennes, 15 mai 2008, 07/03437

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2010, pourvoi n°08-43289


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.43289
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