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19/05/2010 | FRANCE | N°08-44442

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2010, 08-44442


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er mars 2001 en qualité de responsable commercial de région par la société Medicatlantic ; qu'après avoir été mise à pied à titre conservatoire le 27 janvier 2006, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 février 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'indemnités à ce titre, pour se voir reconnaître le bénéfice du statut de

VRP et percevoir une indemnité de clientèle et un solde de commissions ;

Sur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er mars 2001 en qualité de responsable commercial de région par la société Medicatlantic ; qu'après avoir été mise à pied à titre conservatoire le 27 janvier 2006, elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 février 2006 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'indemnités à ce titre, pour se voir reconnaître le bénéfice du statut de VRP et percevoir une indemnité de clientèle et un solde de commissions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité de clientèle et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que la charge de la preuve de la faute grave repose sur l'employeur; qu'elle contestait fermement le grief tiré d'une réduction de son activité ; qu'en se bornant à dire qu'elle avait émis moins de notes de frais et à lui reprocher de ne produire aucun document susceptible de donner crédit à l'affirmation selon laquelle elle avait concentré son activité autour de Toulouse, de ne pas expliquer "ce qui lui a permis de délaisser sans dommages le reste de son secteur commercial pendant plusieurs mois" et de ne pas expliquer enfin "en quoi a consisté son travail inhabituellement concentré sur Toulouse, la cour d'appel a fait peser sur elle la charge de la preuve de l'absence de faute grave et a ainsi violé les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 alors en vigueur actuellement L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à relever qu'elle avait admis avoir à l'époque envisagé de quitter l'entreprise et qu'elle avait rapidement retrouvé un emploi similaire, pour en conclure que "anticipant son départ, Mme X... a anormalement réduit son activité professionnelle jusqu'à ce qu'elle devienne quasiment inexistante", la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté la chute très importante du nombre des déplacements de la salariée à compter du mois d'octobre 2005 et a retenu, sur la base des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que celle-ci avait anormalement réduit son activité professionnelle devenue quasiment inexistante en anticipant sur son départ de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes en reconnaissance du statut de VRP et en conséquence en paiement d'une indemnité de clientèle alors, selon le moyen :

1°/ que l'acceptation par le salarié de la modification du secteur géographique d'activité qui lui est contractuellement dévolu ne saurait le priver de son statut de VRP ; qu'en se bornant à constater que l'employeur avait modifié à trois reprises en cinq années son secteur géographique pour exclure sa qualité de VRP, la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 devenu L. 7311-3 du code du travail ;

2°/ que la nécessité de l'acceptation par l'entreprise des commandes transmises par le salarié ne modifie pas la nature de ses fonctions et qu'il importe peu que la prise d'ordres ne soit pas immédiate mais soit différée en raison de l'établissement d'un devis ; qu'en retenant qu'après établissement par elle du devis, le client passait sa commande sans son intermédiaire, pour exclure le statut de VRP qu'elle revendiquait, la cour d'appel a encore violé l'article L. 751-1 devenu L. 7311-3 du code du travail ;

3°/ que la prise d'ordres ne peut être contestée lorsque la rémunération est constituée en totalité par des commissions liées aux prises de commandes sur un secteur géographique ; qu'en laissant sans réponse le chef déterminant de ses écritures d'appel qui faisaient valoir qu'elle était rémunérée sur la base du chiffre d'affaires généré par son activité personnelle, c'est à dire sur la base des ventes réalisées par elle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel, ayant retenu que la salariée n'avait aucun secteur géographique fixe et ne prenait pas d'ordres auprès de la clientèle, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait se prévaloir du bénéfice du statut des VRP ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en paiement d'un rappel de commissions, l'arrêt énonce que le contrat de travail de Mme X... prévoit, outre une rémunération mensuelle fixe, un droit à commissions au delà d'un certain montant de chiffre d'affaires ; qu'un courrier en date du 3 janvier 2005 lui a précisé le chiffre d'affaires minimal à atteindre jusqu'en mars 2006 (4 768 438 euros) ainsi que les nouvelles modalités de commissionnement soit 0,50% du chiffre d'affaires s'il est atteint à la fin de la période et 0,45% du chiffre d'affaires jusqu'à cette date ; que Mme X... réclame 6 792,99 euros sur la période octobre 2005 février 2006 inclus, soit 0,45% du chiffre d'affaires réalisé selon elle sur cette période (1 508 552 euros) ; que toutefois, à l'appui de sa demande, Mme X... ne produit qu'un tableau établi par ses soins, contenant d'une part le chiffre d'affaires allégué et d'autre part les commissions dues selon elle, mais sans donner aucune indication sur ce qui justifie les sommes retenues, ce qui était d'autant plus indispensable qu'il a été précédemment constaté une chute de son activité à compter, justement, du mois d'octobre 2005 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier du montant du chiffre d'affaires réalisé sur la période litigieuse pour le calcul du montant des commissions dues à la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de rappels de commissions, l'arrêt rendu, entre les parties, le 2 juillet 2008, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne la société Médicatlantic aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Patricia X... de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, des congés payés y afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de clientèle et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QU'il ressort des documents produits par l'employeur, non contredit sur ce point par Madame X... (conclusions p. 14 5), qu'à compter du mois d'octobre 2005, et par comparaison avec la situation antérieure, cette dernière a remis des notes de frais montrant une chute très importante du nombre de ses déplacements ; que si Madame X... affirme dans ses conclusions que sur cette période elle a « concentré son activité autour de TOULOUSE » (page 14 6), elle ne produit aucun document susceptible de donner crédit à cette affirmation, ni n'explique ce qui lui a permis de délaisser sans dommages le reste de son secteur commercial pendant plusieurs mois ; qu'elle n'explique pas plus en quoi a consisté son travail inhabituellement concentré sur TOULOUSE ; qu'étant relevé que dans ses conclusions Madame X... a également admis (page 15 avant dernier) avoir à l'époque envisagé de quitter l'entreprise et qu'elle a rapidement retrouvé un emploi similaire, la Cour en conclut que, anticipant son départ, Madame X... a anormalement réduit son activité professionnelle jusqu'à ce qu'elle devienne quasiment inexistante, comme le soutient la société MEDICATLANTIC ; qu'en agissant ainsi elle a commis une faute qui, du fait de son inactivité qui ne pouvait être tolérée plus longtemps, rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave repose sur l'employeur ; que Madame Patricia X... contestait fermement le grief tiré d'une réduction de son activité ; qu'en se bornant à dire que la salariée avait émis moins de notes de frais et à lui reprocher de ne produire aucun document susceptible de donner crédit à l'affirmation selon laquelle elle avait concentré son activité autour de TOULOUSE, de ne pas expliquer « ce qui lui a permis de délaisser sans dommages le reste de son secteur commercial pendant plusieurs mois », et de ne pas expliquer enfin « en quoi a consisté son travail inhabituellement concentré sur TOULOUSE », la Cour d'appel a fait peser la charge de la preuve de l'absence de faute grave sur la salariée et ainsi violé les articles L.122-6, L.122-8, L.122-9 et L.122-14-3 et suivants du Code du travail alors en vigueur, actuellement articles L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 et L.1235-1et suivants du Code du travail.

ET ALORS QU'en se bornant encore à relever que Madame Patricia X... avait admis avoir à l'époque envisagé de quitter l'entreprise et qu'elle avait rapidement retrouvé un emploi similaire, pour en conclure que « anticipant son départ, Madame X... a anormalement réduit son activité professionnelle jusqu'à ce qu'elle devienne quasiment inexistante », la Cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Patricia X... de ses demandes en reconnaissance du statut de VRP et en conséquence en paiement d'une indemnité de clientèle.

AUX MOTIFS QUE selon les termes de l'article L.7313-2 ancien (ancien L.751-1) du Code du travail, est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui : 1° travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeur ; 2° exerce en fait d'une façon exclusive et constante une fonction de représentant, 3° ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel, 4° est liée à l'employeur par des engagements déterminant : a) la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, b) la région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter, c) le taux des rémunérations ; que l'existence d'un secteur géographique stable et la prise directe de commandes sont des éléments déterminant du statut de VRP ; qu'il ressort des documents produits par l'employeur que le secteur géographique de Madame X..., mentionné dans son contrat de travail du 29 janvier 2001 à effet au 1er avril, a été modifié le 17 avril 2001 (suppression du département 20), le 1er novembre 2004 (suppression des départements 12, 15, 19, 23 et 87, ajout des départements 11 et 66), et le 1er février 2005 (suppression du département 24) ; que par ailleurs, rien ne démontre que Madame X... prenait personnellement les ordres des clients rencontrés, l'attestation qu'elle produit elle-même et qui émane d'un client mentionnant qu'après qu'elle ait établi un devis le client était « autonome quant au passage des commandes », sans l'intermédiaire de Madame X... ; qu'en conséquence, Madame X... n'ayant jamais travaillé sur un secteur déterminé et stable, et ne prenant pas habituellement elle-même les commandes des clients, elle ne peut prétendre ni au statut de VRP ni à une indemnité de clientèle.

ALORS QUE l'acceptation par le salarié de la modification du secteur géographique d'activité qui lui est contractuellement dévolu ne saurait le priver de son statut de VRP ; qu'en se bornant à constater que l'employeur avait modifié à trois reprises en cinq années le secteur d'activité géographique de la salariée pour exclure sa qualité de VRP, la Cour d'appel a violé l'article L.751-1 du Code du travail, devenu L.7311-3 du Code du travail.

ET ALORS QUE la nécessité de l'acceptation par l'entreprise des commandes transmises par le salarié ne modifie pas la nature de ses fonctions et qu'il importe peu que la prise d'ordres ne soit pas immédiate mais soit différée en raison de l'établissement d'un devis ; qu'en retenant qu'après établissement du devis par cette dernière, le client passait sa commande sans l'intermédiaire de la salariée, pour exclure le statut de VRP revendiqué par la salariée, la Cour d'appel a encore violé l'article L.751-1 du Code du travail, devenu L.7311-3 du Code du travail.

ALORS enfin QUE la prise d'ordres ne peut être contestée lorsque la rémunération est constituée en totalité par des commissions liées aux prises de commandes sur un secteur géographique ; qu'en laissant sans réponse le chef déterminant des écritures d'appel de la salariée qui faisait valoir qu'elle était rémunérée sur la base du chiffre d'affaires généré par son activité personnelle, c'est-à-dire sur la base des ventes réalisées par elle (conclusions d'appel, pp. 8 et 9), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Patricia X... de ses demandes en paiement d'un rappel de commissions.

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Madame X... prévoit, outre une rémunération mensuelle fixe, un droit à commissions au-delà d'un certain montant de chiffre d'affaires ; qu'un courrier en date du 3 janvier 2005 lui a précisé le chiffre d'affaires minimal à atteindre jusqu'en mars 2006 (4.768.438 euros) ainsi que les nouvelles modalités de commissionnement soit 0,50% du chiffre d'affaires s'il est atteint à la fin de la période et 0,45% du chiffre d'affaires jusqu'à cette date ; que Madame X... réclame 6.792,99 euros sur la période octobre 2005/février 2006 inclus, soit 0,45% du chiffre d'affaires réalisé selon elle sur cette période (1.508.552 euros) ; que toutefois, à l'appui de sa demande, Madame X... ne produit qu'un tableau établi par ses soins, contenant d'une part le chiffre d'affaires allégué et d'autre part les commissions dues selon elle, mais sans donner aucune indication sur ce qui justifie les sommes retenues, ce qui était d'autant plus indispensable qu'il a été précédemment constaté une chute de son activité à compter, justement, du mois d'octobre 2005 ; que sa demande insuffisamment justifiée doit donc être rejetée.

ALORS QUE lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en reprochant à la salariée, qui produisait un tableau contenant d'une part le chiffre d'affaires allégué et d'autre part les commissions dues, de ne pas justifier les sommes retenues, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44442
Date de la décision : 19/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Cour d'appel de Toulouse, 2 juillet 2008, 07/04099

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2010, pourvoi n°08-44442


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44442
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