LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte sous seing privé du 1er août 2007, la caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (la caisse) a consenti à la société Lefevre mesure (la société) une ouverture de crédit en compte courant, dont M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire ; que par actes authentiques du 19 septembre 2007 elle a consenti deux prêts destinés à financer l'acquisition du fonds de commerce et des murs de la société, également garantis par la caution ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la caisse a déclaré ses créances, puis a assigné la caution, le 16 février 2010, en paiement d'une certaine somme au titre de l'ouverture de crédit en compte courant ;
Attendu que pour dire que la caisse ne peut se prévaloir de l'engagement de la caution pour garantir cette ouverture de crédit, l'arrêt, après avoir énoncé que si la caution a souscrit d'autres engagements dont la caisse a connaissance, les biens et revenus qui doivent être pris en considération en sont réduits d'autant, retient que la rédaction de deux actes de prêt en la forme authentique montre que l'opération a été négociée avec deux établissements de crédit ainsi qu'il résulte de la clause dite de pari passu, de sorte que la caisse avait nécessairement connaissance de l'endettement total de la caution, dont le montant s'élevait à la somme de 262 500 euros ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les engagements pris en considération sont postérieurs à la conclusion de l'engagement litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR dit que le CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE ne peut se prévaloir du cautionnement donné par Monsieur X... pour garantir l'ouverture de crédit consentie à la société LEFEVRE MESURE par acte du 1er août 2007 et de l'avoir en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L.341-4 du Code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution au moment de la sa conclusion : que, si la caution a souscrit d'autres engagements dont la banque a connaissance, les biens et revenus qui doivent être pris en considération en sont réduits d'autant ; que les cinq prêts évoqués par Monsieur X... ont été consentis à la même époque et avec la même finalité, à savoir le financement du rachat d'une entreprise, que la rédaction des deux actes de prêt en la forme authentique montre que l'opération a été négociée avec les deux banques ainsi qu'il résulte de la clause dite de « pari passu », de sorte que le Crédit Agricole des Savoie avait nécessairement connaissance de l'endettement total de Monsieur X... ; que celui-ci observe que le montant total des cautionnements s'élevait à 262.500 euros ; que la banque se prévaut d'une « fiche de renseignements » du 11 avril 2007 mentionnant que Monsieur X... est employé de la société GEORGES RENAULT à Saint-Herblain (44) et qu'il a perçu un salaire annuel net fiscal de 37.000 euros, que son conjoint exerce la profession d'infirmière et a perçu un salaire de 14.000 euros ; que la fiche mentionne encore que les époux sont propriétaires d'un appartement au ... avec la mention « va être vendu » ; que Monsieur X... a encore déclaré être engagé au titre d'un prêt immobilier avec un capital restant dû de 120.000 euros ainsi qu'un autre prêt sur lequel il devait encore un capital de 6.000 euros ; que, selon les écritures de Monsieur X..., le prix de vente de l'appartement, soit 270.000 euros, a servi à hauteur de 60.000 euros à financer l'activité de la société LEFEVRE MESURE et, à hauteur de 126.000 euros, à rembourser les prêts, de sorte qu'il restait un solde de 84.000 euros ; que Monsieur X... se prévaut de la circonstance qu'il a été licencié le 30 avril 2007 de sorte que les mentions de la fiche de renseignements relatives à ses revenus seraient dépourvues de portée ; qu'en toute hypothèse, la banque devait être consciente que Monsieur X... ne pouvait conserver son emploi auprès de la société GEORGES RENAULT dans la mesure où, d'une part, il aurait à consacrer tout son temps à son activité de dirigeant de la société LEFEVRE MESURE, et que, d'autre part, il ne pouvait continuer à assurer cette activité de représentant dans son secteur géographique d'activité, à savoir le sud-est de la France, alors que le principal établissement de la société LEFEVRE MESURE était situé à Rennes ; que la banque soutient à tort qu'il conviendrait de prendre en considération d'éventuelles indemnités payées par l'assurance-chômage, puisqu'en effet, Monsieur X... n'avait manifestement pas droit à de telles indemnités dès lors qu'il devenant gérant d'une société commerciale ; que la banque était fondée à prendre en considération les revenus que Monsieur X... aurait du tirer de son activité au sein de la SARL LEFEVRE MESURE et qui, d'après le prévisionnel d'activité, se seraient élevés à 28.215 euros pour l'exercice 2007-2008, 118.928 euros pour l'exercice 2008-2009 et 139.703 euros pour l'exercice 2009-2010 ; que la banque fait encore valoir que le patrimoine de Monsieur X... comprenait également les actions de la société LEFEVRE MESURE ; que, cependant, les parts d'une société commerciale perdent toute valeur lorsque celle-ci se trouve en état de cessation de paiement, ce qui est le cas lorsque le créancier est amené à faire jouer le cautionnement donné pour garantir une ouverture de crédit ; que les revenus que Monsieur X... pouvait tirer de l'activité de la société LEFEVRE MESURE étaient hypothétiques, surtout dans l'hypothèse où son cautionnement serait appelé ; que le montant des cautionnements souscrit par Monsieur X... représentait plus de deux années des revenus qu'il pouvait escompter d'après un prévisionnel nécessairement optimiste, que, même en additionnant à ces revenus ceux de son épouse et le solde du prix de vente de l'appartement d'Aix-les-Bains, l'engagement de caution n'en était pas moins disproportionné ;
ALORS D'UNE PART QUE l'exposante faisait valoir que, lors de son engagement, la caution a déclaré être engagée au titre d'un prêt immobilier CIC avec un capital restant dû de 120.000 euros pour des échéances mensuelles de 1.100 euros et un autre prêt CIC avec un capital restant dû de 6.000 euros et des échéances mensuelles de remboursement de 287 euros, qu'il y a lieu, pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de prendre en considération les revenus et le patrimoine de la caution au jour de son engagement et de les comparer avec l'engagement souscrit, les engagements de caution ultérieurs à la date de conclusion du contrat ou consentis au profit d'autres banques n'ayant pas à être pris en considération pour caractériser une disproportionnalité manifeste mais relevant, le cas échéant, du contentieux de la responsabilité bancaire ; qu'en affirmant que si la caution a souscrit d'autres engagements dont la banque a connaissance, les biens et revenus qui doivent être pris en considération en sont réduits d'autant, que les cinq prêts évoqués par la caution ont été consentis à la même époque et avec la même finalité, à savoir le financement du rachat d'une entreprise, que la rédaction des deux actes de prêt en la forme authentique montre que l'opération a été négociée avec les deux banques ainsi qu'il résulte de la clause dite de « pari passu » de sorte que le CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE avait nécessairement connaissance de l'endettement total de la caution, dont le montant total des engagements s'élevait à 262.500 euros, que la banque se prévaut d'une fiche de renseignements du 11 avril 2007 mentionnant que Monsieur X... est employé, qu'il perçoit un salaire net annuel fiscal de 37.000 euros, que son conjoint exerce la profession d'infirmière et a perçu un salaire de 14.000 euros, qu'il est encore mentionné que les époux sont propriétaires d'un appartement avec la mention « va être vendu », que Monsieur X... a encore déclaré être engagé au titre d'un prêt immobilier avec un capital restant dû de 120.000 euros ainsi qu'un autre prêt avec un capital restant dû de 6.000 euros, la Cour d'appel, qui pour apprécier l'existence d'une disproportion manifeste, au jour de la conclusion du cautionnement, a pris en considération des engagements postérieurs pour minorer les revenus et le patrimoine de la caution, a violé l'article L.341-4 du Code de la consommation ;
ALORS D'AUTRE PART QU'ayant relevé que la banque se prévaut d'une fiche de renseignements du 11 avril 2007 mentionnant que Monsieur X... est employé, qu'il a perçu un salaire net annuel fiscal de 37.000 euros, que son conjoint exerce la profession d'infirmière et a perçu un salaire de 14.000 euros, que la fiche mentionne que les époux sont propriétaires d'un appartement avec la mention « va être vendu », qu'il est encore déclaré par la caution qu'elle est engagée au titre d'un prêt immobilier avec un capital restant dû de 120.000 euros ainsi qu'un autre prêt sur lequel il restait encore dû un capital de 6.000 euros, que Monsieur X... se prévaut de la circonstance qu'il a été licencié le 30 avril 2007 de sorte que les mentions de la fiche de renseignements relative à ses revenus serait dépourvues de portée, que la banque devait être consciente qu'il ne pouvait conserver son emploi dans la mesure où, d'une part, il aurait à consacrer tout son temps à son activité de dirigeant de la société LEFEVRE MESURE, d'autre part, qu'il ne pouvait continuer à assurer cette activité de représentant dans son secteur géographique, à savoir le sud-est de la France, alors que le principal établissement de la société était situé à Rennes, quand seules devaient être prises en considération les déclarations faites par la caution, relatées dans la fiche de renseignements, la Cour d'appel a violé l'article L.341-4 du Code de la consommation ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que la caution avait déclaré dans la fiche de renseignements de patrimoine un salaire annuel net fiscal de 37.000 euros, soit 3.083 euros par mois, qu'il ne ressort d'aucune pièce qu'une situation de revenus différente au 1er août 2007 ait été établie ; qu'il résulte de la lettre de licenciement du 30 avril 2007 que Monsieur X... a bénéficié d'un préavis de trois mois durant lesquels il est demeuré salarié, puis de congés payés ayant porté le terme du contrat au 29 août 2007 suivant certificat de travail annexé à la lettre de licenciement produite, Monsieur X... étant encore salarié au 1er août 2007 et son revenu strictement identique à celui qu'il a déclaré, qu'il a déclaré être propriétaire avec son épouse d'un appartement de 74 m² à Aix-les-Bains d'une valeur de 270.000 euros, que seule cette valeur devait être retenue peu important la circonstance que cet immeuble ait été vendu le 6 août 2007 selon les déclarations de la caution ; qu'ayant relevé que le montant des cautionnements souscrit par Monsieur X... représentait plus de deux années des revenus qu'il pouvait escompter après un prévisionnel nécessairement optimiste, que même en additionnant à ses revenus ceux de son épouse et le solde du prix de vente de l'appartement d'Aix-les8 Bains, l'engagement de caution n'en était pas moins disproportionné, quand elle devait seulement apprécier la situation patrimoniale de la caution constituée au jour de son engagement sans prendre en compte ses revenus prévisionnels, la Cour d'appel a violé l'article L.341-4 du Code de la consommation ;
ALORS ENFIN QUE l'exposante faisait valoir la mauvaise foi de la caution qui ne l'a pas informé de son licenciement survenu dix neuf jours après la signature de la fiche de renseignements, alors que l'ouverture de crédit et l'engagement de caution sont intervenus le 1er août 2007, qu'en outre la caution a menti sur la situation de son épouse pour laquelle il a déclaré un revenu annuel de 14.000 € alors que selon ses écritures devant le tribunal d'instance dans le cadre de la saisie des rémunérations, il a été déclaré qu'elle était en congé parental depuis le 1er avril 2007, qu'il n'a pas fait état de ses engagements à hauteur de 150.000 € à l'égard des sociétés Normand Invest et Lefèvre Mesure qu'il a exécuté après la vente de son appartement ni de ses engagements en faveur de la Banque Populaire des Alpes ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR dit que le Crédit Agricole des Savoie ne peut se prévaloir du cautionnement donné par Monsieur X... pour garantir l'ouverture de crédit consentie à la société LEFEVRE MESURE par acte du 1er août 2007 et de l'avoir en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la banque invoque principalement la circonstance que Monsieur X... était propriétaire de la moitié des parts de la SCI ACTEAMO SUD, ellemême propriétaire d'immeubles, dont l'un donné en location à la société DECATHLON ; que Monsieur X... fait valoir sans être utilement contredit que les loyers ne permettent pas de faire face au remboursement des échéances de l'emprunt contracté par cette société, que le prix de vente des immeubles serait probablement insuffisant pour permettre de rembourser ces emprunts, de sorte qu'il ne percevrait aucune somme dans l'hypothèse de vente de ces immeubles ;
ALORS D'UNE PART QU'en relevant que la Caisse exposante invoque principalement la circonstance que Monsieur X... était propriétaire de la moitié des parts de la SCI ACTEAMO SUD, elle-même propriétaire d'immeubles dont l'un donné en location à la société DECATHLON, que Monsieur X... fait valoir sans être utilement contredit que les loyers ne permettaient pas de faire face au remboursement des échéances de l'emprunt contracté par cette société, que le prix de vente des immeubles serait probablement insuffisant pour permettre de rembourser ces emprunts, de sorte qu'il ne percevrait aucune somme dans l'hypothèse de vente de ces immeubles, la Cour d'appel qui n'a pas pris en considération les autres éléments du patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 341-4 du Code de la consommation ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que Monsieur X... est l'associé unique de la SARL NORMAND INVEST, société holding détenant 50 % des parts de la SCI ACTEAMO SUD, laquelle est propriétaire de deux bâtiments, pour lesquels elle a donné trois mandats de vente, l'un pour une vente globale d'un montant de 900.000 euros, les deux autres, pour chacun des bâtiments, pour des montants de 300.000 et 600.000 euros, que la société ACTEAMO a signé un bail commercial avec la société DECATHLON au titre du petit bâtiment pour un loyer annuel de 34.000 euros H.T., qu'eu égard au montant réclamé à la caution de 11.963,46 euros, outre intérêts plafonnés à 12.500 euros, la caution ne peut prétendre que son engagement est manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour où elle est appelée ; qu'en retenant que Monsieur X... fait valoir sans être utilement contredit que les loyers ne permettent pas de faire face au remboursement des échéances de l'emprunt contracté par cette société, que le prix de vente des immeubles serait probablement insuffisant pour permettre de rembourser les emprunts, de sorte qu'il ne percevrait aucune somme dans l'hypothèse de vente des immeubles, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE la Caisse exposante faisait valoir que Monsieur X... est l'associé unique de la SARL NORMAND INVEST, société holding détenant 50 % des parts de la SCI ACTEAMO SUD, laquelle est propriétaire de deux bâtiments, pour lesquels elle a donné trois mandats de vente, l'un pour une vente globale d'un montant de 900.000 euros, les deux autres, pour chacun des bâtiments, pour des montants de 300.000 et 600.000 euros, que la société ACTEAMO a signé un bail commercial avec la société DECATHLON au titre du petit bâtiment pour un loyer annuel de 34.000 euros H.T., qu'eu égard au montant réclamé à la caution de 11.963,46 euros, outre intérêts plafonnés à 12.500 euros, la caution ne peut prétendre que son engagement est manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour où elle est appelée ; qu'en retenant que Monsieur X... fait valoir sans être utilement contredit que les loyers ne permettent pas de faire face au remboursement des échéances de l'emprunt contracté par cette société, que le prix de vente des immeubles serait probablement insuffisant pour permettre de rembourser les emprunts, de sorte qu'il ne percevrait aucune somme dans l'hypothèse de vente des immeubles, la Cour d'appel qui se contente de reprendre les allégations de la caution nullement étayées par ailleurs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;