LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 novembre 2007) que M. X... s'est engagé à vendre à M. Y... la mise en place d'un magasin multiservices, à le former en vue de lui permettre d'acquérir les notions de base en qualité d'animateur, d'artisan et de conseiller vendeur, à l'aider dans le cadre du lancement publicitaire du magasin et à lui fournir une assistance technique moyennant paiement d'une somme de 57 930, 63 euros HT; que le solde du prix n'ayant pas été payé, M. X... a assigné M. Y... devant le tribunal de grande instance de Nîmes pour en obtenir le règlement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en nullité du contrat conclu avec M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel M. Y... soutenait que la seule obligation mise à la charge de M. X... par le contrat résidait dans la fourniture de l'outillage, et critiquait la réalité ou la validité de toutes les autres obligations prévues par le contrat, ce dont il résultait que le contrat était sans objet ; que dès lors, la cour qui, pour décider que l'objet du contrat était déterminé, a énoncé que les obligations auxquelles s'était engagé M. X... n'étaient discutées par aucune des parties, en sorte qu'elle en a écarté l'examen, a dénaturé ces conclusions, et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en tout état de cause, un contrat est nul pour défaut de cause lorsque la prestation fournie par un cocontractant en contrepartie des obligations de l'autre contractant est dérisoire ; que dès lors, en se bornant à relever, pour dire que "la promesse synallagmatique de vente d'un point de commerce à réaliser" n'était pas nulle, que quel que soit le prix convenu selon le principe de la liberté contractuelle pour la remise du matériel fourni, celui-ci a effectivement été livré à M. Y..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si les engagements pris par M. X... en contrepartie du paiement d'un matériel au double de sa valeur n'étaient pas dérisoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1131 et 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt après avoir énuméré les obligations auxquelles s'était obligé M. X..., relève que les conclusions de l'expert ont établi que le matériel avait effectivement été livré à M. Y... conformément à la liste établie, que l'engagement pris de rechercher un local commercial et d'en négocier le bail n'était pas laissé à la seule discrétion de M. X... qui devait, en droit, trouver ce local et en fixer avec le bailleur les conditions de délivrance, que la formation à dispenser à M. Y... et les autres prestations d'assistance à l'ouverture et pendant un an étaient nécessairement soumises à l'effectivité de leur exécution ; qu'il relève encore que M. Y... ne s'explique pas précisément sur les raisons de l'interruption de son activité quatre mois après l'ouverture du magasin multiservices et ne prétend pas ne pas avoir reçu de la part de M. X... la fourniture des moyens matériels d'exploiter et la communication du savoir faire nécessaire ; que la cour d'appel, qui a analysé la réalité des prestations que devaient fournir M. X..., a pu en déduire, hors toute dénaturation des conclusions, que l'objet du contrat était déterminé ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des écritures de M. Y... devant la cour d'appel qu'il se soit prévalu de ce que le contrat devait être annulé pour défaut de cause ; que le moyen, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... la somme de 3 016, 31 euros alors, selon le moyen, que le contractant qui n'exécute pas ses obligations ne peut prétendre à l'exécution de celles de son cocontractant ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que tout le matériel prévu n'avait pas été livré, que l'assistance technique n'avait pas été apportée par M. X..., qu'il n'avait pas rempli ses obligations relatives au dépôt de la marque, ni fourni les factures prévues au contrat, a néanmoins décidé que seul le matériel non livré devait être déduit du prix restant dû à M. X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que le rapport d'expertise a mis en évidence que M. X... a, pour l'essentiel, exécuté ses obligations puisqu'il a trouvé le local commercial, qu'il a dispensé la formation en cordonnerie et en facture de clefs minute, que presque tout le matériel a été livré mais que ce même rapport établit par ailleurs que M. X... n'a pas rempli ses obligations relatives au dépôt de la marque, à la fourniture des factures d'achat du matériel et à l'assistance prévue pendant un an suite à la mésentente entre les parties ; que la cour d'appel qui a déduit de ses constatations que l'inexécution par chacune des parties des obligations leur incombant leur était imputable concurremment, a souverainement retenu que les manquements de M. X... à ses obligations justifiaient une réduction du prix convenu à concurrence de la somme de 7 665,12 euros TTC ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, le condamne à payer à Me Ricard, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, avocat aux conseil pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté monsieur Y... de sa demande de nullité du contrat conclu avec monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE les obligations auxquelles s'est engagé Philippe X... sont précisément énumérées et au demeurant ne sont discutées par aucune des parties ; qu'elles ne consistent pas pour celui-ci en la fourniture de matériels inexistants ni en des prestations sans valeur ajoutée ou qui n'en seraient pas ; qu'en effet, quel que soit le prix convenu selon le principe de la liberté contractuelle pour la remise du matériel fourni par l'intimé, les conclusions de l'expert désigné ont établi que celui-ci a été effectivement livré à Yannick Y... conformément à la liste établie, notamment pour l'emprunt souscrit auprès des banques, et propre à permettre le commencement et la poursuite de l'activité de magasin multiservices dont Philippe X... s'était engagé à permettre au premier l'exploitation en exécutant les autres prestations préalables et annexes en se substituant à lui pour certaines démarches, en le formant et en l'assistant pendant et après la création du fonds de commerce projetée et dont Philippe X... devait communiquer à Yannick Y... le savoir-faire tant au niveau du concept de l'activité que des données de sa mise en oeuvre ; qu'ainsi l'engagement pris de "rechercher un local commercial et d'en négocier le bail", malgré les termes inadéquats employés n'était pas laissé à la seule discrétion de Philippe X... qui devait, en droit, trouver ce local et en fixer avec le bailleur les conditions de délivrance au mieux des intérêts de Yannick Y... qui se trouvait ainsi dispensé d'assurer seul ces missions préalables et indispensables à son installation, de sorte que Philippe X... était nécessairement tenu de les exécuter sauf à ne pouvoir poursuivre le reste de la prestation convenue ; que dès lors ces obligations, et non ces conditions dont dépendent l'existence même d'un contrat, n'étaient pas purement potestatives, l'intimé ne pouvant pas se réserver en application du contrat de ne pas y satisfaire ; qu'également, comme toute autre obligation de faire souscrite par un co-contractant, la formation à dispenser à l'appelant et les autres prestations d'assistance à l'ouverture et pendant un an étaient nécessairement soumises à l'effectivité d'exécution de celui qui souscrit l'engagement mais non à la liberté de s'y soustraire, laquelle trouve sa sanction au visa des textes précités pour libérer le co-contractant de son propre engagement et/ou l'autoriser à en réclamer réparation ; que Yannick Y..., qui ne s'explique pas précisément sur les raisons de l'interruption de son activité quatre mois seulement après l'ouverture du magasin multiservices, ni ne prétend ne pas avoir reçu de la part de Philippe X... la fourniture des moyens matériels d'exploiter et la communication du savoir faire nécessaire a donc contracté avec l'intimé pour un objet non seulement déterminable mais également déterminé et pour des obligations souscrites par ce dernier réelles et dont l'exécution ne dépendait pas de sa seule volonté de sorte que la convention des parties n'est pas nulle et, notamment pour avoir été soumise à une condition potestative au sens de l'article 1174 du code civil ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel monsieur Y... soutenait que la seule obligation mise à la charge de monsieur X... par le contrat résidait dans la fourniture de l'outillage, et critiquait la réalité ou la validité de toutes les autres obligations prévues par le contrat, ce dont il résultait que le contrat était sans objet ; que dès lors, la cour qui, pour décider que l'objet du contrat était déterminé, a énoncé que les obligations auxquelles s'était engagé Philippe X... n'étaient discutées par aucune des parties, en sorte qu'elle en a écarté l'examen, a dénaturé ces conclusions, et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en tout état de cause, un contrat est nul pour défaut de cause lorsque la prestation fournie par un contractant en contrepartie des obligations de l'autre contractant est dérisoire ; que dès lors, en se bornant à relever, pour dire que la « promesse synallagmatique de vente d'un point de commerce à réaliser » n'était pas nulle, que quel que soit le prix convenu selon le principe de la liberté contractuelle pour la remise du matériel fourni celui-ci a effectivement été livré à monsieur Y..., sans rechercher,comme elle y était invitée, si les engagements pris par monsieur X... en contrepartie du paiement d'un matériel au double de sa valeur n'étaient pas dérisoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1131 et 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné monsieur Y... à payer à monsieur X... la somme de 3.016,31 euros ;
AUX MOTIFS OUE l'expert conclut qu'en définitive presque tout le matériel avait été livré, à l'exception d'une partie qu'il chiffre à la somme de 6.408,96 euros HT que Philippe X... a retenu dans l'attente du paiement du solde du prix ; que l'expert a également mis en évidence que, au rang des prestations non exécutées, Philippe X... n'avait pas apporté à Yannick Y... l'assistance technique prévue pour une année, qu'il n'avait pas rempli ses obligations relatives au dépôt de la marque puisque celui-ci n'est intervenu que le 24 juillet 2003, ni n'avait fourni les factures d'achat du matériel prévu pour l'exploitation au moment de l'exécution du contrat ; qu'en conséquence, Philippe X... ne justifie pas avoir exécuté l'intégralité des prestations promises ; que corrélativement Yannick Y... a conservé le solde du prix au delà de celui du matériel retenu par le premier ; que Philippe X... ne saurait prétendre au paiement de l'intégralité du prix restant dû et la somme de 7.665,12 euros TTC montant du matériel non livré à l'appelant doit venir en déduction de sa créance pour l'arrêter à la somme de 3.016,31 euros accrue des intérêts légaux à compter du 30 décembre 2002 capitalisés aux conditions de l'article 1154 du code civil ;
ALORS QUE, le contractant qui n'exécute pas ses obligations ne peut prétendre à l'exécution de celles de son cocontractant ; que dès lors, la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que tout le matériel prévu n'avait pas été livré, que l'assistance technique n'avait pas été apportée par monsieur X..., qu'il n'avait pas rempli ses obligations relatives au dépôt de la marque, ni fourni les factures prévues au contrat, a néanmoins décidé que seul le matériel non livré devait être déduit du prix restant dû à monsieur X..., n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et ainsi violé l'article 1184 du code civil.