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23/05/2000 | FRANCE | N°99-80008

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 2000, 99-80008


CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- le syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, du 10 novembre 1998, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et a prononcé une mesure d'interdiction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er à 5, 18 et 22-1 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée, 2 du dé

cret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, 111-4, 121-1, 121-2 et 131-35 du Code...

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- le syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, du 10 novembre 1998, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et a prononcé une mesure d'interdiction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er à 5, 18 et 22-1 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée, 2 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, 111-4, 121-1, 121-2 et 131-35 du Code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir coupable d'exploitation d'une installation classée sans autorisation préfectorale préalable et, en répression, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et lui a interdit l'utilisation de l'installation dans l'attente d'une autorisation délivrée dans les conditions prévues par la loi ;
" aux motifs propres que depuis 1970, l'abattoir Cerdagne-Capcir fonctionne et a été déclaré d'utilité publique fin 1974, il est devenu l'outil de travail d'une association en 1987, dite association de gestion et de promotion de l'abattoir de Bourg-Madame ; il est utilisé par la totalité des éleveurs du plateau de Cerdagne étant donné qu'il est le seul sur l'ensemble Cerdagne-Capcir ; une enquête effectuée en août 1996 fait apparaître cependant que les conditions d'exploitation de l'abattoir n'étaient pas conformes aux règles en vigueur, au cours des années 93, 94, 95 et 96 ; l'abattoir est implanté sur le territoire de la commune de Bourg-Madame et il appartient au syndicat intercommunal qui regroupe les 36 communes des 2 cantons de Cerdagne et de Capcir et jusqu'au 15 juillet 1996, les viscères étaient jetés directement dans une tranchée ouverte derrière le bâtiment A ; l'enquête a éclaté à la suite de la plainte d'un particulier qui a découvert au lieu-dit " Plas-de-Medès ", commune de Bourg-Madame, le cadavre de 3 veaux dont un aux 3/ 4 dévoré ; la propriétaire des lieux, Mme X..., a alors déclaré qu'elle avait autorisé l'abattoir de Bourg-Madame à déposer dans ce lieu dans une autre tranchée les déchets organiques de l'abattoir, à condition qu'ils soient recouverts après chaque enfouissement ; c'est dans ces conditions que les gendarmes ont pu constater la présence de la tranchée d'environ 25 mètres sur 1 mètre 50 qui existait sur l'arrière du bâtiment de l'abattoir, où les déchets et viscères organiques étaient jetés ; les exploitants ont indiqué que cela correspondait à une tolérance qui existait en Cerdagne, et à une pratique locale ; les explications données par M. Y..., président de l'association de gestion de l'abattoir depuis le 9 août 1996, font apparaître qu'il était informé lors de sa prise de fonction de la situation de l'abattoir et de la nécessité de procéder à des travaux de mise en conformité, de façon urgente ; celles de M. Z..., président du syndicat intercommunal des abattoirs de Cerdagne-Capcir depuis le 10 août 1995, font apparaître qu'il a reconnu que cet outil de travail avait besoin de travaux de mise en conformité et qu'il s'était attaché, en priorité, aux dossiers des installations classées et équarrissage depuis son élection au conseil municipal de juin 1995 ;
" attendu, toutefois, qu'il est établi que malgré la nécessité reconnue d'apporter aux installations des travaux importants de mise en conformité de l'abattoir avec les normes sanitaires et d'hygiène requises, le syndicat des 36 communes des 2 cantons a décidé de maintenir l'abattoir, de continuer à l'utiliser et ce, sans avoir obtenu l'autorisation préalable ; que, de plus, il est reconnu par M. Z..., représentant ledit syndicat, que plus de 2 millions de francs de travaux nécessaires ont été effectués sans qu'ils n'aient abouti à l'heure de l'audience devant la Cour, à l'obtention de l'autorisation préfectorale préalable requise par la loi ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la culpabilité du syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir ; que la décision de première instance doit donc être confirmée dans toutes ses dispositions, la peine prononcée assurant une répression nullement excessive de l'infraction ; que, toutefois, l'infraction constatée continue à se perpétrer, puisqu'il résulte des débats et en particulier des déclarations de M. Z..., que l'autorisation préalable requise par la loi n'a toujours pas été obtenue et ce, pour des questions d'hygiène et de salubrité publiques ; qu'il convient en application de l'article 18 de la loi du 19 juillet 1976 rectifiée par celle du 3 juillet 1985 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, d'interdire l'utilisation de l'installation, ladite interdiction cessant de produire effet lorsqu'une autorisation sera ultérieurement délivrée dans les conditions prévues par la loi (arrêt, pages 4 à 6) ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, que le syndicat intercommunal de l'abattoir Cerdagne-Capcir, propriétaire de l'établissement, plaide la relaxe, aux motifs que l'exploitation de l'abattoir par affermage a été confiée, par convention du 14 décembre 1981 renouvelée le 2 avril 1996, à l'association pour la gestion et la promotion de l'abattoir public de Bourg-Madame, association de type loi 1901 dont le président est M. Y..., artisan-boucher, qui, en vertu desdites conventions assume la prise en charge de l'établissement, l'observation des dispositions réglementaires concernant notamment l'hygiène publique et la salubrité des viandes ; qu'il estime, dès lors, n'être pas investi de la qualité d'exploitant, pénalement responsable au sens de l'article 18 de la loi du 19 juillet 1976 de l'irrespect des règles relatives à l'autorisation préfectorale obligatoire ; que, toutefois, l'association pour la gestion et la promotion de l'abattoir public de Bourg-Madame, fermier en vertu de la convention renouvelée le 2 avril 1996 n'a pas nécessairement la qualité d'exploitant au sens de l'article 18- b, de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'il serait au demeurant illogique de permettre au bailleur de se soustraire aux exigences de la loi en donnant en fermage un établissement qui, sans autorisation préfectorale, ne peut être exploité ; que l'ensemble des documents figurant au dossier fait apparaître le syndicat intercommunal comme le responsable de la mise aux normes de l'abattoir et de l'obtention de l'autorisation, que le dossier " installation classée abattoir " préparé en vue de la demande d'autorisation l'est au nom du syndicat intercommunal, qu'enfin, les travaux de mise aux normes entrepris en vue de l'obtention de l'autorisation administrative le sont par le syndicat intercommunal, maître de l'ouvrage ; qu'il peut être observé que l'abattoir présente un intérêt économique non seulement pour les bouchers qui composent l'association de gestion, mais encore pour les éleveurs de Cerdagne-Capcir que le syndicat intercommunal a plutôt vocation à représenter ; que, dès lors, il convient de considérer que la personne morale prévenue tente de se soustraire à ses obligations légales et à la responsabilité pénale résultant de leur irrespect en prétendant transférer celles-ci à une association qui n'a, en sa qualité de fermier, ni le pouvoir d'entreprendre les travaux de mise aux normes indispensables, ni la surface financière suffisante à ce faire, et ce dans le cadre d'un contrat de fermage ayant pour objet un établissement dont l'exploitation est, en l'état, illégale (jugement, pages 4 et 5) ;
" 1° alors que, conformément au principe, consacré à l'article 121-1 du Code pénal, selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, le délit prévu à l'article 18 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée par la loi n° 85-661 du 3 juillet 1985 ne peut être retenu qu'à l'encontre de la personne qui exploite une installation classée sans autorisation, peu important, à cet égard, l'identité de la personne ayant sollicité vainement ladite autorisation ou entrepris des travaux en vue de l'obtention de celle-ci ;
" qu'ainsi, en se bornant à énoncer, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que le syndicat intercommunal, qui continuait à utiliser l'abattoir sans avoir obtenu l'autorisation préalable, apparaissait comme le responsable de la mise aux normes de l'établissement, en ce qu'il avait préparé le dossier " installation classée " et avait pris en charge des travaux en vue de l'autorisation, pour en déduire que le demandeur était pénalement responsable de l'irrespect des prescriptions de la loi du 19 juillet 1976 modifiée, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel du prévenu, si indépendamment des démarches entreprises par lui en vue de procéder à la mise en conformité de l'établissement, le syndicat intercommunal n'avait pas, pendant toute la période visée à la prévention, confié l'exploitation de l'abattoir à un tiers, à savoir le groupement d'exploitation de l'abattoir de Cerdagne-Capcir de 1981 à 1995, puis à compter du 1er janvier 1996 l'association pour la gestion et la promotion de l'abattoir public de Bourg-Madame, de sorte que le demandeur n'avait nullement participé personnellement, fût-ce partiellement, à l'exploitation proprement dite de l'établissement, seule susceptible de justifier légalement les poursuites, la cour d'appel, qui se détermine par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;
" 2° alors qu'en vertu de l'article 121-2 du Code pénal, la responsabilité pénale d'une personne morale n'est encourue qu'indirectement, comme conséquence de la commission d'une infraction, pour son compte, par ses organes ou ses représentants ;
" qu'ainsi, en se bornant à reprocher au syndicat intercommunal demandeur, personne morale, d'avoir continué à utiliser l'abattoir sans avoir obtenu l'autorisation requise par la loi du 19 juillet 1976, pour en déduire que le prévenu devait être retenu dans les liens de la prévention du chef d'exploitation d'une installation classée sans autorisation préfectorale, sans caractériser, à l'encontre des représentants du demandeur, l'infraction poursuivie en ses éléments légal, matériel et moral, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir, propriétaire de l'abattoir public de Bourg-Madame, est poursuivi, sur le fondement des articles 18 et 22-4 de la loi du 19 juillet 1976, pour avoir exploité cet établissement, soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, sans qu'ait jamais été délivrée l'autorisation préfectorale requise par cette loi ;
Attendu que la personne morale de droit public a fait valoir, pour conclure à sa relaxe, qu'elle avait concédé l'exploitation de l'installation, par affermage, à l'association pour la gestion et la promotion de l'abattoir public de Bourg-Madame et que cette dernière, en sa qualité d'exploitant, était seule pénalement responsable du délit poursuivi ;
Attendu que, pour écarter ce moyen de défense et déclarer le syndicat intercommunal coupable de l'infraction, les juges d'appel, par motifs propres et adoptés des premiers juges, relèvent que la délivrance de l'autorisation administrative a été subordonnée à l'exécution d'importants travaux de mise en conformité de l'abattoir avec la réglementation sanitaire ; que le syndicat, bien qu'ayant déjà engagé des travaux pour un coût de 2 millions de francs, n'est pas parvenu à obtenir l'autorisation de mise en service de l'abattoir qu'il a sollicitée ; qu'en connaissance de la situation illicite, il a néanmoins décidé d'en poursuivre l'exploitation en renouvelant, le 2 avril 1996, la convention d'affermage ; que les juges énoncent que le syndicat de communes ne saurait se soustraire aux exigences légales en passant une convention d'affermage portant sur un établissement qui, sans autorisation préfectorale, ne peut pas être exploité, et alors que le fermier n'a ni le pouvoir, ni les moyens financiers d'entreprendre les travaux nécessaires ;
Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel l'a déclaré coupable d'exploitation d'une installation classée sans autorisation dès lors que les faits souverainement constatés caractérisent, en tous ses éléments, la complicité de cette infraction commise, pour le compte du syndicat intercommunal, par ses organes ou représentants ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er à 5, 18 et 22-1 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée, 2 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, 121-1, 121-2, 131-35 et 131-37 du Code pénal, 427, 485, 512, 591, 593, 749, 750 et 758 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré le syndicat intercommunal des abattoirs Cerdagne-Capcir coupable d'exploitation d'une installation classée sans autorisation préfectorale préalable, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et prononcé à son encontre la contrainte par corps ;
" alors que la contrainte par corps, qui est subie en maison d'arrêt, ne peut être infligée à une personne morale ;
" qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles 749 et 758 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la contrainte par corps ne peut être prononcée que contre les personnes physiques ;
Attendu qu'après avoir déclaré la personne morale coupable des faits poursuivis et l'avoir condamnée à une amende, l'arrêt dispose que la contrainte par corps s'exercera suivant les modalités fixées par les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes sus-visés ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions relatives à la contrainte par corps, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, en date du 10 novembre 1998, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80008
Date de la décision : 23/05/2000
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Installations classées - Exploitation sans autorisation - Abattoir public - Syndicat intercommunal propriétaire - Exploitation par affermage - Qualité d'exploitant - Responsabilité pénale - Complicité.

RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Conditions - Syndicat intercommunal - Infraction commise pour son compte par ses organes ou représentants - Complicité d'exploitation d'une installation classée sans autorisation

Caractérise la complicité d'exploitation d'une installation classée sans autorisation commise, pour le compte d'un syndicat intercommunal, par ses organes ou représentant, la cour d'appel qui relève que ce syndicat, propriétaire d'un abattoir public, en connaissance de la situation illicite, en a concédé l'exploitation, par convention d'affermage, à une association qui l'utilise, bien que l'autorisation préfectorale requise par la loi sur les installations classées, subordonnée à l'exécution de travaux de mise en conformité avec la réglementation sanitaire, n'ait pas été délivrée au syndicat de communes qui l'avait sollicitée. .


Références :

Loi 76-663 du 19 juillet 1976 art. 18, art. 22-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 10 novembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mai. 2000, pourvoi n°99-80008, Bull. crim. criminel 2000 N° 200 p. 584
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 200 p. 584

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.80008
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