La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2001 | FRANCE | N°99-13263

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 23 mai 2001, 99-13263


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le journal Y... a publié, dans son numéro daté des 16 au 22 décembre 1995, un article intitulé " Z... : ruiné, abandonné, on le laisse crever dans l'oubli " ; que s'estimant diffamé, M. Z... a fait assigner devant le tribunal de grande instance, par acte d'huissier du 8 mars 1996, la société A..., aux droits de laquelle est venue la société X... (la société), éditrice du journal, en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de l

'assignation prise du défaut de notification de cet acte au ministère public, alors,...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le journal Y... a publié, dans son numéro daté des 16 au 22 décembre 1995, un article intitulé " Z... : ruiné, abandonné, on le laisse crever dans l'oubli " ; que s'estimant diffamé, M. Z... a fait assigner devant le tribunal de grande instance, par acte d'huissier du 8 mars 1996, la société A..., aux droits de laquelle est venue la société X... (la société), éditrice du journal, en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'assignation prise du défaut de notification de cet acte au ministère public, alors, selon le moyen, que la notification de l'assignation au ministère public prévue par l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet d'informer de l'action le ministère public, qui est considéré par ce texte comme nécessairement joint à la procédure ; que le défaut de notification et d'appel du Parquet à la cause constitue donc non une nullité de procédure mais une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause ; que la cour d'appel a ainsi violé les articles 122, 123 du nouveau Code de procédure civile, 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881, 73 et 74, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile que dans les instances civiles en réparation d'infractions de presse, l'exception de nullité de l'assignation doit être invoquée avant toute défense au fond ;

Qu'ayant relevé que l'exception n'avait été invoquée en l'espèce qu'en appel, c'est à bon droit que l'arrêt l'a déclarée irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de prescription invoquée en défense et prise de la tardiveté des premières conclusions, alors, selon le moyen, que le placement de l'assignation, simple acte d'administration judiciaire qui a pour but d'informer le Tribunal de l'existence de l'action lancée, et qui n'est pas connu du défendeur ayant reçu l'assignation, n'a pas pour objet ni pour effet de poursuivre l'action de façon contradictoire ; qu'ainsi, ce placement n'est pas interruptif de prescription ; que les premières conclusions ayant été déposées plus de 3 mois après l'assignation elle-même, l'action était prescrite et que la cour d'appel a violé l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 757 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, constitue un " acte de poursuite ", au sens de l'article 65 de ladite loi, tout acte de la procédure par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l'intention de continuer l'action engagée, même si cet acte n'est pas porté à la connaissance de la partie adverse elle-même ;

Et attendu que l'arrêt retient que le placement de l'assignation est un acte de procédure qui manifeste à la partie intimée l'intention de poursuivre l'action initiée à son encontre ; que l'assignation délivrée le 8 mars 1996 a été remise au greffe le 15 mars suivant ;

Qu'en décidant que ce placement avait eu pour effet d'interrompre la prescription, de sorte que celle-ci n'était pas acquise le 14 juin, lors de la notification des premières conclusions de la partie poursuivante, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 65 précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que la diffamation n'est constituée que par l'allégation ou l'imputation d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ;

Attendu que pour condamner la société à des réparations civiles envers M. Z..., l'arrêt retient que les imputations d'être ruiné, abandonné par les producteurs, et de croupir dans son coin comme un chien malade qu'on laisse crever tout seul, portent atteinte à la considération de M. Z..., auprès de ses proches et amis, et du public très large qui a été le sien durant de nombreuses années tant dans le rôle d'animateur de cirque que dans l'incarnation télévisée du commissaire B... ; que les termes déplacés et humiliants employés constituent à eux seuls l'infraction reprochée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les allégations critiquées n'étaient, ni en elles-mêmes, ni dans leur contexte, de nature à nuire à la réputation de la personne mise en cause qui n'exerçait aucune activité commerciale, et ne pouvaient dès lors absorber les injures, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 99-13263
Date de la décision : 23/05/2001
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Diffamation et injures - Assignation - Exception de nullité - Exception fondée sur l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 - Proposition in limine litis - Nécessité.

1° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action civile - Assignation - Exception de nullité - Exception fondée sur l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 - Proposition in limine litis - Nécessité.

1° Dans les instances civiles en réparation d'infractions de presse, l'exception de nullité de l'assignation, telle celle prise du défaut de notification de cet acte au ministère public doit, à peine d'irrecevabilité, être invoquée avant toute défense au fond.

2° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action civile - Prescription - Article 65 de la loi du 29 juillet 1881 - Interruption - Acte de poursuite - Remise de l'assignation au greffe.

2° PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Action en justice - Diffamation et injures - Placement de l'assignation au greffe.

2° Constitue un " acte de poursuite " au sens de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, tout acte de la procédure par lequel le demandeur manifeste à son adversaire l'intention de continuer l'action engagée, même si cet acte n'est pas porté à la connaissance de la partie adverse elle-même. Tel étant le cas de la remise de l'assignation au greffe du tribunal de grande instance, c'est à bon droit qu'une cour d'appel décide que ce placement a eu pour effet d'interrompre la prescription.

3° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Définition - Allégation portant atteinte à l'honneur et à la considération de la personne visée - Article de presse indiquant qu'une personne est ruinée - abandonnée par les producteurs et croupit dans son coin comme un chien malade qu'on laisse crever tout seul.

3° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action civile - Exercice - Diffamation par voie de presse - Eléments du délit - Défaut - Portée.

3° La diffamation n'est constituée que par l'allégation ou l'imputation d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée. Dès lors, viole les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel qui retient que les imputations d'être ruiné, abandonné par les producteurs, et de croupir dans son coin comme un chien malade qu'on laisse crever tout seul caractérisent une diffamation, alors que ces allégations n'étaient ni en elles-mêmes, ni dans leur contexte, de nature à nuire à la réputation de la personne mise en cause qui n'exerçait aucune activité commerciale, et ne pouvaient dès lors absorber les injures.


Références :

1° :
2° :
3° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 32
Loi du 29 juillet 1881 art. 53, 73, 74 al. 1
Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 janvier 1999

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 2, 2000-10-26, Bulletin 2000, II, n° 147 (1), p. 103 (cassation sans renvoi)

arrêt cité. A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 2, 1999-05-06, Bulletin 1999, II, n° 79 (2), p. 59 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 23 mai. 2001, pourvoi n°99-13263, Bull. civ. 2001 II N° 106 p. 70
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 II N° 106 p. 70

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Buffet .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.13263
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award