CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- le syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin, X... Germaine, Y... Francis, Z... Robert, A... Edith, épouse B..., C... Josiane, épouse D..., E... Cécile, épouse F..., G... Jocelyne, H... Geneviève, épouse I..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 11 février 1998, qui, dans les poursuites exercées contre François J... et Eric K... des chefs de violation du secret professionnel et complicité, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin, et débouté les autres parties civiles de leurs demandes à l'égard d'Eric K...
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-13 du Code pénal, 15 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988, 4 et 104 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale, L. 411-11 du Code du travail, des articles 2, 85 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action introduite par la citation directe du syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin sur le fondement de l'article 226-13 du Code pénal contre le docteur J..., médecin contrôleur du centre hospitalier de Sélestat et Eric K..., directeur dudit centre ;
" aux motifs que le délit de violation du secret professionnel porte atteinte à l'intérêt général de la société en ce qu'une personne tenue à une obligation particulière dont la méconnaissance constitue une infraction pénale définie et sanctionnée dans le Code pénal ; que le syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin affirme que la violation du secret professionnel dans le cadre de visites de contrôle pose une question de principe et de portée générale mais ne démontre pas en quoi l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ainsi défini et qu'il entend défendre est différent de l'intérêt général dont la protection appartient au ministère public ; qu'il n'existe pas de préjudice spécifique, particulier et propre à la profession des agents hospitaliers, lequel préjudice aurait été spécialement lésé par cette violation du secret professionnel ;
" alors que la circonstance qu'un texte a été édicté dans un intérêt général ne peut faire obstacle à l'application de l'article L. 411-11 du Code du travail autorisant les syndicats professionnels à exercer devant toutes les juridictions les droits réservés à la partie civile quant aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que le délit d'atteinte au secret professionnel reproché, en cette espèce, au médecin contrôleur du personnel d'un centre hospitalier et au directeur de ce centre portait nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ; que la cour d'appel a donc méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
" alors, en outre, que le syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin, dans ses conclusions d'appel, faisait valoir que la violation du secret médical dont se plaignaient les victimes posait la question de principe des conditions du contrôle des fonctionnaires en arrêt de maladie qui est l'exercice d'une disposition statutaire exercée à l'initiative de l'employeur ; que dès lors que les règles statutaires, édictées dans l'intérêt professionnel des agents qu'il représente, sont en cause, le syndicat est fondé à agir en justice pour en obtenir le respect ; que faute de s'être expliquée sur ce point, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article L. 411-1 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, les syndicats professionnels peuvent exercer tous les droits reconnus à la partie civile lorsque les faits poursuivis portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que 8 agents hospitaliers et le syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin ont cité devant le tribunal correctionnel Eric K... et François J... pour violation du secret professionnel et complicité ; que les parties civiles exposent qu'Eric K..., directeur du centre hospitalier où ils sont employés, avait chargé le docteur François J... de procéder au contrôle de leurs arrêts de maladie et que ce dernier lui avait remis des informations d'ordre médical ;
Attendu que les juges du second degré ont déclaré, par les motifs repris au moyen, le syndicat départemental des services de santé et services sociaux CFDT du Bas-Rhin, irrecevable en sa constitution de partie civile ;
Mais, attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le délit de violation du secret médical, lorsqu'il est commis à l'occasion de l'exercice par l'employeur du contrôle des arrêts de maladie de ses agents hospitaliers, peut être de nature à préjudicier à l'intérêt collectif de la profession à laquelle appartient ce personnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-13 du Code pénal, 15 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988, 4 et 104 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale, des articles 509 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a débouté l'ensemble des parties civiles de leur demande formée à l'encontre d'Eric K..., du chef de violation du secret médical les concernant ;
" aux motifs que la relaxe intervenue dont le ministère public n'a pas interjeté appel ne peut qu'entraîner le débouté de l'action civile des parties civiles ;
" alors que si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de prononcer en conséquence sur la demande de réparation de la partie civile ; que, de ce chef, l'arrêt attaqué ne se trouve donc pas légalement justifié " ;
Vu les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de prononcer en conséquence sur la demande de réparation de la partie civile ;
Attendu qu'Eric K... a été poursuivi pour violation du secret professionnel et complicité de ce délit ; qu'il a été relaxé par les premiers juges ;
Attendu que, saisie de l'appel des parties civiles, la juridiction du second degré, pour rejeter leurs demandes en réparation, énonce que la décision de relaxe, dont le procureur de la République n'a pas interjeté appel, ne peut qu'entraîner le débouté de leur action civile ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé et que la cassation est encourue également de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE mais en ses seules dispositions déclarant irrecevable la constitution de partie civile du syndicat départemental des services de santé et des services sociaux CFDT du Bas-Rhin, et déboutant les 8 autres parties civiles de leurs demandes à l'égard d'Eric K..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar en date du 11 février 1998 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz.